Arrestation de Juan Branco : ce que l'on sait de l'incarcération de l'avocat franco-espagnol au Sénégal
Il est connu pour avoir défendu le "gilet jaune" Maxime Nicolle, le boxeur Christophe Dettinger, Piotr Pavlenski, l'artiste russe à l'origine de l'affaire Griveaux, et même Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks. L'avocat franco-espagnol Juan Branco, qui a pris part à la défense de l'opposant politique sénégalais Ousmane Sonko, a été inculpé et incarcéré à Dakar (Sénégal) dimanche 6 août, après avoir été arrêté la veille, ont annoncé des avocats.
L'avocat de 33 ans a été inculpé pour "attentat, complot, diffusion de fausses nouvelles et actes et manœuvres de nature à compromettre la sécurité publique ou à occasionner des troubles politiques graves", selon l'avocat sénégalais Ciré Clédor Ly, ainsi que la défense parisienne de Juan Branco. De nouvelles charges de "séjour irrégulier" et d'"outrage à magistrat" lui ont été signifiées plus tard dimanche. D'après Ciré Clédor Ly, les actes d'attentats sont passibles de peines pouvant aller jusqu'à la réclusion à perpétuité. Franceinfo fait le point sur cette affaire.
Il avait porté plainte contre le président sénégalais
Juan Branco fait partie de la défense d'Ousmane Sonko, un homme politique et adversaire du président sénégalais, Macky Sall. L'opposant est engagé depuis deux ans dans un bras de fer avec le pouvoir et la justice. Début juin, Ousmane Sonko a été acquitté des accusations de viols et de menaces de mort le visant depuis 2021, mais il a été condamné à deux ans de prison ferme pour "corruption de la jeunesse" (la plaignante avait moins de 21 ans lors des faits dénoncés).
Cette condamnation, comme de précédents rendez-vous d'Ousmane Sonko avec la justice, a provoqué de graves affrontements entre des partisans de l'opposant et les forces de l'ordre. Selon les autorités, au moins 16 personnes (30 d'après l'opposition) sont mortes dans ces heurts.
A la suite de cette condamnation et de ces affrontements, Juan Branco a annoncé porter plainte en France et demander une enquête à la Cour pénale internationale (CPI) contre Macky Sall pour "crimes contre l'humanité". Ces procédures visent aussi le ministre de l'Intérieur sénégalais, Antoine Félix Abdoulaye Diome, le général Moussa Fall, commandant de la gendarmerie sénégalaise, ainsi qu'une centaine "d'autres individus".
Il était visé par un mandat d'arrêt international lancé par le Sénégal
La justice sénégalaise a déclaré, le 14 juillet, avoir lancé un mandat d'arrêt international contre Juan Branco, pour des "crimes et délits" liés aux troubles ayant eu lieu en juin. "Après avoir reçu la compilation des déclarations, écrits et posts" de l'avocat, "il a été relevé des éléments qui, manifestement, sont de nature à engager sa responsabilité pénale", a affirmé le parquet dans un communiqué, soulignant "l'ouverture d'une information judiciaire".
Juan Branco avait créé la surprise en apparaissant à Dakar, le 30 juillet, lors d'une conférence de presse des avocats sénégalais d'Ousmane Sonko. L'opposant venait d'être arrêté, avant d'être inculpé pour appel à l'insurrection, atteinte à la sûreté de l'Etat ou, entre autres, complot contre l'autorité de l'Etat. La ministre sénégalaise des Affaires étrangères, Aïssata Tall Sall, n'a pas démenti jeudi devant la presse des informations selon lesquelles Juan Branco était cette fois entré par la frontière terrestre avec la Gambie.
Il a été arrêté et remis aux autorités sénégalaises samedi
Après son apparition en conférence de presse le 30 juillet, Juan Branco s'était éclipsé et les autorités sénégalaises s'étaient lancées à ses trousses. Selon ses avocats français, le Franco-Espagnol a été arrêté à bord d'une embarcation en territoire mauritanien, alors qu'il souhaitait entrer en contact avec les autorités de Nouakchott. Un responsable de la police sénégalaise a précisé au Monde qu'il avait été arrêté à Rosso, à la frontière entre les deux pays. Juan Branco s'était rendu en Mauritanie "en vue d'échapper à la persécution politique qui lui avait été promise au Sénégal", ont dénoncé ses avocats.
Des images publiées par des médias locaux montrent l'avocat à bord d'une pirogue, habillé en pêcheur. Selon Ciré Clédor Ly, Juan Branco assure avoir été "kidnappé" par des hommes encagoulés à quelque 100 km de Nouakchott, la capitale mauritanienne. Il aurait été blessé aux poignets, d'après cette même source.
Le ministre de l'Intérieur sénégalais, Antoine Abdoulaye Félix Diome, lors d'un débat à l'Assemblée nationale, a déclaré samedi que "l'avocat qui était venu ici pour dénigrer nos institutions est entre les mains de la BIP (brigade d'intervention polyvalente, une unité de police)". Ses avocats parisiens ont confirmé qu'il avait été remis samedi à Dakar par les autorités mauritaniennes.
Il a été incarcéré dans une prison de Dakar
D'après l'avocat Ciré Clédor Ly, Juan Branco a été placé en détention dimanche matin dans une prison du centre de Dakar. L'avocat franco-espagnol a refusé de boire et de s'alimenter, et a décidé de garder le silence et de n'autoriser personne à l'assister, y compris devant le juge l'ayant inculpé. Ses avocats français ont évoqué dans un communiqué un état de santé "préoccupant". Ils ont annoncé la saisine du groupe de travail de l'ONU sur la détention arbitraire, contre "cette procédure gravement attentatoire aux libertés individuelles".
Dans un communiqué, les avocats Robin Binsard, Alexandre Ursulet, Luc Brossolet et François Gibault déclarent vouloir exercer "toutes les voies de droit adéquates pour mettre fin aux procédures menées contre Juan Branco au Sénégal, qui relèvent d'une instrumentalisation pure et simple du code pénal à des fins politiques". "Le combat judiciaire que mène notre confrère Juan Branco pour son client M. Ousmane Sonko ne justifie en aucun cas la persécution politique dont il fait l'objet à Dakar."
Contacté par franceinfo, le quai d'Orsay dit avoir "été informé de l’arrestation de M. Juan Branco au Sénégal". "Celui-ci bénéficie de la protection consulaire comme tout citoyen français", rappelle le ministère des Affaires étrangères.
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