"Ces gens sont dans un esprit de vengeance permanent" : le procès de Claude Chossat, repenti de la mafia corse, s'ouvre sous haute tension
Jugé à partir de lundi devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône pour l'assassinat qu'il conteste d'un caïd de la mafia corse, Claude Chossat, qui a collaboré après cette affaire avec la police et la justice, est menacé de mort par son ancien clan.
Un procès singulier s'ouvre pour deux semaines devant la cour d'assises des Bouches-du-Rhône, à Aix-en-Provence, pour l'assassinat en avril 2018 de Richard Casanova, un caïd de la Brise de mer, organisation mafieuse qui a sévi en Corse pendant 30 ans. Sur le banc des accusés, Claude Chossat, ex-chauffeur du parrain Francis Mariani, nie être l'auteur du meurtre et affirme que c'est Francis Mariani qui "a abattu Richard Casanova" à Porto-Vecchio.
"Quand il m'a dit ce jour-là ce qu'il avait fait, je savais que j'étais piégé à ses côtés", raconte-t-il. Claude Chossat, qui a collaboré avec la justice pour aider à démanteler l'organisation, a été libéré en 2012 sous contrôle judiciaire. Depuis huit ans, ce repenti vit caché, de peur des représailles.
Aujourd'hui âgé d'une quarantaine d'années, Claude Chossat affiche une force tranquille, mais seulement en apparence. Car il craint pour sa vie. "La mafia corse c'est quelque chose de très violent et moi je sais que je leur ai fait mal avec mes déclarations, parce qu'il y a eu des condamnations, il y a eu de grosses pertes financières de leur côté. Donc ces gens m'en veulent", confie-t-il à franceinfo. "Moi j'ai fait le choix volontairement de tourner le dos au milieu, et ce choix je l'assume. Même si c'est compliqué aujourd'hui, je l'assume complètement. Quand j'ai décidé de passer de l'autre côté, je l'ai fait pour ma famille et aussi parce que je me suis rendu compte que la vie ce n'était pas ça", explique-t-il.
Le côté obscur, quand on approche cette mafia on ne le voit pas, on s'en rend compte au fur et à mesure et souvent on se retrouve devant le fait accompli.
Claude Chossatà franceinfo
Claude Chossat vit avec une menace de mort permanente. Une vie de cavale où il faut bouger sans cesse, avec sa femme et ses deux filles, peu d'amis, pas d'attachement. "On ne prend pas de rendez-vous à l'avance, on fait tout au jour le jour, on essaie de tout maîtriser et on ne fait rien au hasard", explique-t-il.
"Je suis très très souvent à l'affût parce que justement, moi mes ennemis je les connais, je sais de quoi ils sont capables et je sais ce qu'ils peuvent me faire le jour où ils l'auront décidé", poursuit-il. Claude Chossat explique avoir voulu refaire sa vie dans la Drôme, jusqu'en 2016, quand "ces gens-là" l'ont retrouvé. "Il y a eu des repérages effectués autour de mon domicile et encore un nouveau déménagement", raconte-t-il.
J'ai déménagé huit fois en huit ans, je vis caché.
Claude Chossatà franceinfo
"Mes enfants savent qu'à un moment de ma vie, j'ai eu des problèmes. Elles savent que du jour au lendemain je peux être abattu, je peux retourner en détention et c'est vrai qu'elles ont énormément de soucis (...) Il faut essayer de dire que voilà, la voie qu'il faut choisir, ce n'est pas la voie que j'ai choisie, au contraire, il faut essayer d'aller dans le bon sens, dans le sens du travail et de la vie citoyenne", explique-t-il.
La crainte de pressions lors du procès
Depuis l'assassinat de Richard Casanova, un bon nombre de témoins et mis en cause ont disparus, victimes de règlements de comptes. Francis Mariani, lui, est décédé en 2009, dans l'explosion d'un hangar. C'est donc un procès sous tension qui s'ouvre aujourd'hui à Aix-en-Provence, où les uns et les autres vont se croiser, parties civiles et accusés. Tous dans le passé ont appartenu au même clan et les avocats de Claude Chossat craignent des pressions. "Cela représente quand même une bascule et en même temps il est quand même accusé", explique maître Edouard Martial, l'un des avocats de la défense. "Donc il va falloir qu'il réponde devant des parties civiles qui appartiennent à ce système de criminalité organisée", souligne-t-il.
Outre le fait de savoir comment le repenti ou comment le collaborateur de justice doit se situer dans le système judiciaire français, il faut d'abord se défendre.
Edouard Martial, avocat de la défenseà franceinfo
Charles Dufran, l'autre avocat qui défend Claude Chossat, voit là un dossier également délicat et une audience qui risque d'être compliquée. "Il y a l'avancée des investigations qui se fait dans ce dossier, avec des juges, des enquêteurs qui travaillent avec des postures sur procès-verbal, et à côté de ça, dans la vraie vie, il y a des assassinats à droite, à gauche, des hangars qui explosent, des gens qui se font mitrailler et dont on comprend très vite que tout est lié. Cette atmosphère est complètement palpable, elle est presque physiquement palpable quand vous lisez les procès-verbaux", explique-t-il. Claude Chossat lui espère la clémence... pour un repenti. Le procès doit durer deux semaines. Les audiences sont prévues sous surveillance policière.
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