Courriels privés au travail : "Le secret des correspondances s'applique" en France
La Cour européenne des droits de l'homme a condamné, mardi, un employeur roumain pour s'être servi des courriels privés d'un salarié pour justifier son licenciement. L'avocat Alexis Fitzjean O'Cobhthaigh rappelle, sur franceinfo, que l'utilisation des correspondances privées au travail est déjà clairement définie par le droit français.
La Cour européenne des Droits de l'homme (CEDH) a sanctionné en appel, mardi 5 septembre, la surveillance des courriels privés par un employeur en Roumanie. En 2007, ce dernier avait utilisé la correspondance privée de l'un de ses employés, Bogdan Mihai Barbulescu, pour justifier son licenciement. La décision doit faire jurisprudence pour les 47 membres du Conseil de l'Europe, mais ce n'est pas un bouleversement majeur pour la France.
L'avocat Alexis Fitzjean O'Cobhthaigh, expert dans le domaine du droit numérique, a rappelé, mardi, sur franceinfo, que les conditions d'utilisation des courriels professionnels étaient déjà clairement définis par le droit français.
Franceinfo : Quelles sont les règles en France concernant les correspondances privées envoyées depuis son lieu de travail ?
Alexis Fitzjean O'Cobhthaigh : Une règle principale qui va s'appliquer est la distinction de vos correspondances personnelles avec vos correspondances professionnelles. Lorsque vous utilisez votre adresse email professionnelle, il y a la présomption qu'elle doit être utilisée pour votre activité professionnelle. Mais, si vous souhaitez avoir une correspondance personnelle avec votre outil professionnel, vous pouvez le faire. Il faut simplement que vous l'indiquiez, par exemple en mettant "personnel" dans l'objet de votre mail.
Il y a quand même un secret des correspondances ?
Le secret des correspondances s'applique uniquement à vos correspondances personnelles. Il ne s'applique par à vos correspondances professionnelles vis-à-vis de l'employeur, c'est-à-dire que l'employeur peut avoir accès à vos correspondances professionnelles à partir du moment où il met à votre disposition un outil de communication électronique. Vous êtes présumé l'utiliser pour votre activité professionnelle et l'employeur peut normalement y accéder. À cela s'ajoutent normalement certaines garanties. Par exemple, si [l'employeur] souhaite mettre en place un système de contrôle automatisé des données, il est obligé de vous en informer, d'en informer les représentants du personnel et la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil).
Donc l'employeur ne peut pas espionner vos courriels sauf si la démarche est transparente...
Exactement, il y a certaines règles à respecter et un certain devoir d'information de sa part. En revanche, en dehors de tout traitement automatisé, il peut très bien accéder de manière ponctuelle à vos communications. Par exemple, si vous êtes en congé ou en arrêt maladie, il peut consulter votre boîte professionnelle en votre absence s'il en a besoin pour la continuité de l'entreprise
Sauf si on précise, en objet, que la correspondance est "personnelle" ou "privée" ?
Le secret des correspondances s'applique. Si [l'employeur] souhaite, malgré tout, y accéder de manière "forcée", il s'expose éventuellement à du droit pénal. Mais ce n'est pas une règle absolue car, s'il soupçonne que vous essayez de porter préjudice à l'entreprise en faisant de la concurrence déloyale, sous certaines conditions, il peut saisir le juge pour avoir une autorisation de faire intervenir un huissier qui viendrait constater et ce, même si vous mettez "personnel" dans votre objet.
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