États généraux de la justice : "On débat sur du vent, sur des impressions", se méfie la présidente du Syndicat de la magistrature
Katia Dubreuil s'étonne du calendrier choisi, "un an avant la fin de la mandature et alors qu'il y a eu deux réformes de la justice".
Emmanuel Macron a annoncé samedi 5 juin le lancement d'États généraux de la justice. "On débat sur du vent, sur des impressions, des faits divers", se méfie sur franceinfo la présidente du syndicat de la magistrature (SM) Katia Dubreuil. Katia Dubreuil s'inquiète notamment que "les avocats, les magistrats, et fonctionnaires de greffe n'ont jamais été écoutés sur les dysfonctionnements et difficultés de la justice."
franceinfo : En savez-vous plus sur ces annonces ?
Katia Dubreuil : On apprend ça comme tout le monde, par le communiqué de presse de l'Élysée ce matin. On n'a aucun élément sur le format et l'objet précis de ces États généraux. Ils sont lancés au bout de quatre ans, un an avant la fin de la mandature et alors qu'il y a eu deux réformes de la justice…
"On ne comprend pas très bien quelles sont les perspectives qui sont ouvertes."
Katia Dubreuil, présidente du syndicat de la magistratureà franceinfo
Les avocats, les magistrats, et fonctionnaires de greffe n'ont jamais été écoutés sur les dysfonctionnements et difficultés de la justice. Ces derniers mois, les choses ont empiré. Il n'y a même plus de consultation. Peut-être qu'il va y avoir un changement dans le positionnement du gouvernement par rapport à la justice mais il est un peu tôt pour le dire. Tout ce qu'on a pu voir des actions du gouvernement depuis quatre ans nous pousse plutôt à penser le contraire.
Est-ce que ces États généraux peuvent être l'occasion d'apaiser les tensions entre la justice et la police ?
Quand on voit, par exemple, le Beauvau de la sécurité, c'était principalement des discussions et de la communication sans réel travail de fond sur les problématiques de la police. Si c'est la même chose pour la justice, ce ne sera pas forcément très intéressant. Dans le communiqué de l'Élysée, on part du constat qu'il y a une attente de nos concitoyens par rapport à la sécurité. Mais si ces États généraux ne concernent que la justice pénale, c'est oublier quand même une grosse partie de l'activité de la justice qui est la justice civile, les litiges entre les personnes. C'est aussi cette activité qui fait que les gens peuvent être rétablis dans leurs droits et avoir accès à la justice. C'est quelque chose de très important. Il faudrait éviter que ce ne soit encore que le prisme pénal qui prime dans la réflexion sur la justice.
Emmanuel Macron souhaite également que le ministre de la Justice rende compte chaque année au Parlement de la politique pénale du gouvernement. À quoi cela peut-il servir ?
Le problème, c'est que, trop souvent, quand on a des annonces du gouvernement, ça existe déjà. C'est l'article 30 du Code de procédure pénale qui prévoit que chaque année, le gouvernement rend compte de la mise en œuvre de la politique pénale auprès du Parlement par un rapport et qu'il peut y avoir un débat sur le rapport qui est fait par le gouvernement. Bien sûr que tous ces éléments-là, ils existent. Le problème, c'est qu'est-ce qui figure dans le débat ? Et à partir de quoi on débat depuis des semaines ? On débat sur du vent, sur des impressions, sur des faits particuliers, des faits divers, etc... Ce qui est effectivement une mauvaise façon de poser les problèmes.
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