Infanticide sur une plage de Berck : la mère devant les juges
Pourquoi le 19 novembre 2013, à la nuit tombée, Fabienne Kabou a-t-elle déposé sa fille sur le sable après lui avoir donné une dernière tétée et attendu que la mer monte ? Deux ans et demi après ce geste, le procès de la mère infanticide, aujourd'hui âgée de 39 ans, débute devant les assises du Pas de Calais.
Le corps d'Adélaïde, 15 mois, est retrouvé le 20 novembre par des pêcheurs de crevettes sur la plage de Berck-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais. Neuf jours plus tard, les enquêteurs arrêtent la mère de la petite fille, Fabienne Kabou, en région parisienne. Une femme de 36 ans à l'époque, originaire d'une famille de la bourgeoisie sénégalaise, brillante intellectuellement. C'est elle qui a abandonné à la mer sa petite fille.
Le matin du 19 novembre, Fabienne Kabou emmitoufle sa petite fille d'un an et demi, referme la porte de l'atelier de Saint-Mandé en région parisienne où elle vit avec son compagnon, Michel, un artiste. "Franchir cette porte a été le plus difficile ", dira-t-elle aux enquêteurs plus tard, "ensuite, j'avais le vent dans le dos, tout s'est enchainé parfaitement ". Les billets qu'elle achète gare du Nord, à Paris, le train puis le bus jusqu'à Berck, et cette plage à la marée montante.
"Je l'ai embrassée et lui ai demandé pardon "
— Fabienne Kabou devant le juge
A la nuit tombée, Fabienne Kabou prend sa fille dans les bras, la dépose sur le sable, après l'avoir allaitée une dernière fois.
Une mère infanticide à la personnalité très complexe
Deux ans et demi après les faits, Fabienne Kabou reconnait son geste infanticide, mais "cherche toujours à expliquer son passage à l'acte ", raconte son avocate, Fabienne Roy-Nansion. Les experts psychiatres et psychologues qui l'ont examinée parlent tous d'une altération importante de ses facultés mentales lors du passage à l'acte, mais estiment qu'elle est responsable pénalement. Certains évoquent des "croyances liées à la sorcellerie ", d'autres une "psychose délirante chronique ".
Fabienne Kabou refuse qu'on la juge folle. Elle évoque depuis son arrestation une force qui l'aurait poussée à tuer son enfant "pour la mettre à l'abri d'un danger qui la guettait ", dit-elle. La particularité de ce dossier, c'est que Fabienne Kabou a été une mère aimante pendant 15 mois. Dans la plupart des cas d'infanticide, soit l'enfant est tué à la naissance, soit il meurt des suites de maltraitance.
Une forme de suicide par procuration ?
"Elle a aimé Adélaïde", témoigne Christian Saint-Palais, l'avocat de Michel, le père de la petite fille, de 27 ans l'aîné de Fabienne Kabou. Pourtant, il y a eu des signes. Fabienne Kabou a évoqué "ses hallucinations sonores et visuelles ." Au fil des mois qui ont précédé son geste, elle a commencé à s'isoler, a fermé son compte bancaire, arrêté ses études en philosophie. Elle n'a parlé à personne de la naissance de sa fille, elle a d'ailleurs accouché seule à leur domicile, et n'a pas déclaré sa fille à l'état-civil.
Elle s'est renfermée sur elle-même, puis avec son enfant, jusqu'à commettre ce geste infanticide qui, pour les psychiatres est une forme de suicide par procuration.
Fabienne Roy-Nansion, son avocate, a reçu des menaces de mort pour avoir choisi de défendre Fabienne Kabou. "C'est un crime qui nous sidère, car il fait appel à des choses qui nous sont intimes. Or, pour accéder à la défense d'une femme infanticide, il faut sortir de cette sidération ."
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