"La musique de Varg Vikernes n'est pas pétrie de ses idéaux"
Le sociologue Alexis Mombelet décrypte le black metal, genre musical pratiqué par le néonazi norvégien arrêté en Corrèze.
Varg Vikernes, figure du black metal norvégien, a été interpellé avec son épouse, mardi 16 juillet à l'aube en Corrèze, par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI). Connu pour ses idées néonazies, il est soupçonné d'avoir voulu "préparer un acte terroriste d'envergure", selon le ministère de l'Intérieur, même s'il n'avait, selon Manuel Valls, "ni cible ni projet identifié". Cet événement jette la lumière sur un milieu musical et culturel radical. Francetv info a contacté Alexis Mombelet, sociologue spécialiste du metal.
Francetv info : Varg Vikernes est-il une figure importante du milieu metal ?
Alexis Mombelet : C’est un personnage qui a marqué l’histoire du black metal nordique au début des années 90 par ses exactions : les incendies d’églises et surtout l’assassinat d’une autre figure du metal, Euronymous, du groupe Mayhem. De ce point de vue, il a marqué l'émergence de ce genre musical en Scandinavie.
Il participe de la mythologie metal, avec ses fantasmes, ses rumeurs, ses exagérations. Mais il aurait été célèbre même sans ses crimes. Ses albums ont connu un certain retentissement, même si Varg Vikernes, avec son groupe Burzum, n’a jamais rassemblé des millions de fans.
Comment sont perçus ses idéaux néonazis par les amateurs du genre musical ?
Sa musique n'est pas pétrie de ses idéaux. C’est au travers d’interviews, d’ouvrages, qu’il a diffusé ses opinions et non au travers des paroles de ses morceaux. Il fait partie d'une branche ultra-minoritaire appelée "national socialist black metal". Certains écoutent la musique de Burzum tout en condamnant l’idéologie portée par son auteur. C’est un paradoxe que l’on retrouve dans tous les genres musicaux. Cette instrumentalisation de la notoriété pour porter des idées radicales existe également dans le rock, dans la techno. Ce n’est pas spécifique au metal.
Comment définiriez-vous le metal ?
C’est une radicalisation du rock à tous points de vue, sur le plan musical, sur celui des pratiques sociales et des imaginaires. C'est un exutoire, une catharsis, c’est en tout cas comme cela qu’il est vécu. Au mois de juin s’est tenu le festival de metal Hellfest, en Loire-Atlantique. Il est saisissant de constater le contraste entre la violence de la musique et l’ambiance bon enfant qui règne sur le site du festival.
Le metal, c’est aussi une culture de la démesure, comme en témoigne cette gradation musicale, du moins violent au plus extrême. A la base, il y a le hard rock, avec des groupes populaires comme AC/DC, ensuite, le heavy metal, avec des figures comme Metallica. Après, le thrash metal avec un groupe comme Slayer. Puis le death metal, avec Morbid Angel et enfin le black metal, avec Immortal.
Les métalleux (amateurs de metal) sont-ils des extrémistes ? Ils arborent souvent des signes distinctifs qui font référence à des mythologies radicalisantes, comme le satanisme...
La musique metal, et plus spécifiquement le black metal, mobilise un imaginaire satanique, mais ce n’est que très rarement du satanisme. C’est une chose de mobiliser des références à la figure de Satan à travers des symboles (le pentagramme, le "nombre de la Bête" 666, la croix chrétienne inversée), c’est autre chose que d’être sataniste. En règle générale, on est sur une forme de théâtralisation de la figure de Satan.
Il existe différentes formes d’appropriation d’une mythologie. Cela peut participer d’un réenchantement du monde ou permettre de faire communauté autour d’une même symbolique, parfois au détriment de la connaissance du fond. A travers cet imaginaire, il y a aussi une immortalisation de l’esprit de révolte.
En revanche, Varg Vikernes ne se réclame pas de ce milieu. A ma connaissance, il fait davantage référence à des cultes nordiques et au paganisme. A titre marginal, quelques individus instrumentalisent la mythologie nordique pour diffuser des idées ultra-contestataires, comme le néonazisme.
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