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Mariage pour tous : la bataille parlementaire a commencé

L'Assemblée nationale entamait mardi après-midi l'examen du projet de loi sur le mariage pour tous. Après des semaines de mobilisation, de petites phrases et de grandes déclarations, les députés sont immédiatement entrés dans le vif du sujet. Les débats vont durer deux semaines.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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  (WITT/SIPA)

Dès 15 heures et le début des questions au gouvernement, l'Assemblée
nationale est comble en ce mardi après-midi. Comble, et électrique, comme le constate amusé le président, Claude Bartolone. Le moment est solennel, le Premier
ministre en personne est venu marquer l'instant.

"Une nouvelle avancée pour plus de droits"

Quand Jean-Marc Ayrault prend le micro pour s'adresser aux
députés, il vient d'entendre Christian Jacob, le chef des députés UMP, pointer
la "peur" du gouvernement. Pour lui, il faut organiser un
referendum, car le sujet est trop sensible et mérite que le peuple se prononce.

Pas question de reculer pour un Premier ministre qui
rencontrera dans la même journée les présidents des deux chambres du Parlement,
et qui se rendra un peu plus tard au bureau national du Parti Socialiste pour
mobiliser les troupes. Jean-Marc Ayrault reconnaît qu'il existe un débat, mais
il en est persuadé : le mariage pour tous est "une nouvelle avancée
pour plus de droits et d'égalité"
. Le Premier ministre, avant de céder la
place à sa ministre de la Famille Dominique Bertinotti, rappelle le précédent
du PACS an 1999 ; qui aujourd'hui viendrait remettre en cause le
dispositif ? C'est "un moment historique" , affirme quelques minutes
plus tard Erwann Binet, député PS de l'Isère et rapporteur du projet de loi. Parmi le public venu assister aux débats, tout en haut de l'hémicycle, on aperçoit Frigide Barjot, l'égérie des anti-mariage pour tous.

Christiane Taubira se distingue à la tribune

En conformité avec la procédure, les deux premières heures
du débat sont consacrées à la présentation du projet de loi par la majorité. La
première personnalité à se présenter, peu après 16h30, aura l'insigne honneur de
marquer les débats de son empreinte, à la manière de Simone Veil, à la tribune
le 26 novembre 1974 pour présenter le projet de loi relatif à l'IVG.

C'est donc Christiane Taubira, la ministre de la Justice,
qui grimpe à la tribune de l'Assemblée. "Ce n'est pas un mariage au
rabais"
explique-t-elle, au cœur d'une tirade revenant sur l'institution en elle-même, son instauration, ses codes,
son évolution à travers l'Histoire de France.

La ministre insiste, s'adressant
à la droite de l'hémicycle : "Qu'est-ce que le mariage homosexuel va
enlever au mariage hétérosexuel ?", r
éponse à gauche : "Rien !", et à droite : les premières invectives de l'après-midi. Christiane
Taubira, toujours :

"Vos enfants seront bien mal à l'aise quand ils
viendront consulter les comptes-rendus de nos débats."

Son discours de près de trente minutes sera chaleureusement
applaudi par la gauche de l'hémicycle.

Henri Guaino en tribun de la droite

Dominique Bertinotti, ministre de la Famille, Erwann Binet,
rapporteur du projet de loi, Jean-Jacques Urvoas, président de la commission
des lois, Marie-Françoise Clergeau et Catherine Lemorton de la commission des
affaires sociales se chargeronnt ensuite de préciser l'ambition du texte. Un "pavé" de plus de 1.400 pages comme le montre Jean-Jacques Urvoas dans un message
posté sur le réseau social Twitter :

Mais le deuxième moment-fort de cet après-midi de débats coïncide
avec la première prise de parole de l'opposition. Henri Guaino vient défendre
une motion de rejet préalable présentée par l'UMP. "Je ne répondrai pas
aux insultes ; ce débat mérite mieux"
pose d'emblée l'ancien
conseiller spécial de Nicolas Sarkozy. Des trémolos dans la voix, il fait mine
de s'interroger :

"Pourquoi ne pas reconnaître que la loi ne peut pas
tout régler ?"

Parfois virulent, parfois vindicatif, l'argumentaire d'Henri
Guaino repose sur une question primordiale : le changement de "civilisation" qu'une telle loi pourrait induire. La société est en jeu, selon lui ; son
équilibre, sa cohésion et même ses bases. Alors, sachant tout cela, il est
inenvisageable de ne pas organiser un referendum.

Le bal des motions

Comme le veut la procédure, le gouvernement a la possibilité
de répondre. Et la ministre de la Justice ne s'en prive pas : "Je n'ai
pas entendu une motion de rejet préalable, mais une motion de regret du passé,
et nous travaillons pour l'avenir"
, attaque Christiane Taubira.

La motion sera, sans surprise, rejetée, par 272 voix contre
169, tout comme la suivante, défendue par Jean-Frédéric Poisson qui estime que
le débat public sur la question n'a pas été suffisant. A l'extérieur du palais
Bourbon, dans le même temps, une centaine de catholiques extrémistes entament
une prière en latin à la Vierge Marie, pour "changer" les parlementaires
favorables au mariage homosexuel.

Devant un hémicycle qui se vide au fil des heures, les
débats se poursuivent. Dans deux semaines et plus de 5.000 amendements, les
députés voteront solennellement sur le projet de loi, le 12 février prochain.

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