Plan d'action de la justice : "Une réaction mitigée" de la part du Syndicat de la magistrature
Samra Lambert, secrétaire permanente du Syndicat de la magistrature fait part, jeudi 5 janvier sur franceinfo, d'"une réaction mitigée" des magistrats, après les annonces d'Éric Dupond-Moretti. Le ministre de la Justice a annoncé 60 mesures, notamment une augmentation du budget en 2027 et 10 000 embauches. Elles "nous semblent manquer d'ambition, en tout cas de vision d'ensemble", ajoute-t-elle.
franceinfo : Êtes-vous satisfaite de l'augmentation du budget ?
Samra Lambert : Ces moyens supplémentaires sont considérables et c'est une bonne chose pour la justice. Ce qu'on regrette, c'est peut-être la ventilation qui en est faite. On attendait vraiment de ces annonces un mécanisme de régulation carcéral alors que la surpopulation explose. Et on n'a rien sur ce volet-là, si ce n'est de transférer des détenus d'un établissement de maison d'arrêt vers des établissements pour peines, donc des profils totalement différents. La réponse n'est pas satisfaisante. Sur ce volet pénal, finalement, il y a un renforcement de la comparution immédiate, alors que c'est le mode de comparution qui entraîne le plus de population carcérale. Une construction de places de prison, alors que le Comité des ministres du Conseil de l'Europe vient de rappeler que ce n'est pas une solution, en tout cas que ça n'a pas permis de diminuer cette surpopulation carcérale. Donc c'est vrai que sur le fond, c'est une réaction mitigée de notre part face à ces annonces.
Est-ce que l'embauche des 1 500 magistrats promise suffira à rattraper les retards accumulés ?
Ce n'est pas une annonce phare. Les chefs de juridiction avaient fait remonter un chiffre de près de 5 000 besoins, donc on voit qu'on est loin du compte, même si on souligne que c'est une bonne chose qu'il y ait des moyens supplémentaires qui soient alloués. Ce qui nous importe désormais, c'est de voir quelle ventilation va en être faite. Et c'est vrai que les annonces de simplification, accélération et numérisation, qui peuvent être des objectifs louables, nous amènent plusieurs craintes. Notamment, sur les garanties des justiciables dans ces termes de simplification, accélération et numérisation et la crainte finalement d'éloigner le justiciable de son juge.
Est-ce que ces mesures vont permettre d'alléger la charge de travail ?
On va attendre les annonces qui sont censées être plus techniques, donc on reste attentif à ce qui va être annoncé. Les annonces qu'on a eues dans le cadre de la conférence de presse nous semblent manquer d'ambition, en tout cas de vision d'ensemble. Le rapport Sauvé dans le cadre des États généraux de la Justice – qui étaient déjà en demi-teinte par rapport à ce que portaient les différents groupes de travail – apportait des propositions fondamentales, que ce soit au niveau justement du statut ou encore de la justice civile, de la justice pénale. On reste sur notre faim, sauf peut-être sur ces moyens considérables et la réforme du Conseil supérieur de la magistrature. On attend de voir ce qu'il y a derrière cette réforme. Mais pour le reste, au niveau du civil, on est vraiment sur une déjudiciarisation. On nous propose plus de moyens alternatifs de règlement des conflits avec plus d'amiable et moins de juges, alors que la difficulté, c'est qu'il n'y a pas assez de juges. Si c'est une demande du justiciable d'avoir accès à ces moyens alternatifs, nous, on le porte. Mais si c'est pour pallier le manque de juges, ce n'est pas la même chose.
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