Procès d'Anthony Draoui : l'enfance fracassée du meurtrier présumé d'une joggeuse de 17 ans
Ce marginal de 22 ans est jugé pour le meurtre, en 2011, de Marie-Jeanne Meyer, dont le corps avait été retrouvé calciné et mutilé. La cour d'assises de l'Ardèche s'est penchée, mardi, sur la personnalité de l'accusé.
Anthony Draoui est méconnaissable. Le meurtrier présumé de Marie-Jeanne Meyer, âgé de 22 ans, s’est métamorphosé. Jugé depuis mardi 30 septembre devant les assises de l'Ardèche pour le meurtre de cette joggeuse de 17 ans, il est aujourd'hui incapable d'exprimer des remords.
Dans le box des accusés, sa forte corpulence et ses cheveux courts tranchent avec le visage émacié et les cheveux longs qui caractérisaient ce marginal, il y a seulement trois ans. À cette époque, il vivait dans les bois, sur les hauteurs de Tournon (Ardèche). Le 18 juin 2011, il rencontre, par hasard, Marie-Jeanne Meyer, une lycéenne de 17 ans, qui fait son jogging quotidien. Anthony Draoui l’invite à visiter son campement. "Elle a fait preuve d’imprudence et de naïveté", expliquera-t-il au psychiatre.
Une personnalité "borderline"
À deux reprises, il tente de l’embrasser. Elle le repousse. Il ne le supporte pas et lui assène un coup de poing et plusieurs coups de couteau. Anthony Draoui brûle ensuite le corps dans un trou qu’il avait creusé au milieu de son campement. L’a-t-il démembré à l’aide d’une hache retrouvée par les enquêteurs à proximité ? Il nie, mais les médecins légistes, qui ont examiné le cadavre calciné de la victime, avancent cette hypothèse, confortée par la découverte du profil ADN de la lycéenne sur la hache.
Comment expliquer un tel déchaînement de violence ? Anthony Draoui est décrit par les psychiatres comme un être solitaire, impulsif, violent doté d'une personnalité "borderline", capable de reproduire à l’avenir le genre de monstruosité dont il est accusé. Avant cette affaire, il avait été condamné à plusieurs reprises pour vols et violences.
Une relation destructrice avec sa mère
L’accusé, qui n’a jamais connu son père, a vécu une enfance chaotique essentiellement marquée par une relation ambivalente - entre amour et haine - avec une mère toxicomane, alcoolique, dépressive et sans emploi. "J’étais immature, irresponsable, reconnaît Manuela Poncet à la barre. Mon fils a souffert d’un manque d’affection et d’attention de ma part". À 10 ans, elle le corrige sévèrement : "Je lui donnais des baffes, mais parfois c’était plus violent. Il avait peur."
Un jour, elle décide de le laisser seul dans un appartement pendant une semaine, avec un sac de pomme de terre pour unique nourriture. Adolescent, Anthony Draoui devient anorexique et, à son tour, alcoolique. "J’achetais du whisky, jusqu’à une bouteille par jour, se souvient sa mère. Anthony disait que ça l’aidait à parler." Au fil du temps, la relation devient de plus en plus destructrice.
"Tu représentes tout ce que je déteste chez une femme"
Un mois avant le meurtre de Marie-Jeanne Meyer, Anthony Draoui tente, pour la troisième fois, d’étrangler sa mère qu’il qualifie de "sorcière". Après avoir saccagé l’appartement familial – pour un préjudice évalué à 14 000 euros – il part vivre dans les bois, armé de son couteau à lame recourbée dont il ne se sépare jamais. Car "quand on le plante, et on le retire, cela arrache", détaille-t-il à sa mère.
Après l'arrestation de son fils, Manuela Poncet lui rend visite régulièrement en prison en dépit des lettres haineuses qu'il lui envoie. "Tu représentes tout ce que je déteste chez une femme", écrit-il par exemple. Pour les psychiatres, ce "rejet de l’image féminine" explique, en grande partie, le passage à l’acte. Marie-Jeanne a repoussé ses avances. Il l’a vécu comme du mépris, comme un nouveau rejet et "il a explosé", avance son avocat. "Je vivais alors dans les bois, j’avais faim, j’avais froid, j’étais seul. Je n’étais pas dans mon état normal", se défend Anthony Draoui.
Dans le box, le regard sombre, l’accusé exprime peu de remords : "Les regrets, cela ne sert rien", avait-il confié à l’expert psychiatre. Mais au terme d’une longue journée d’audience, il avoue finalement "penser tout le temps à Marie-Jeanne. Je dois payer bien sûr." Sur le banc des parties civiles, le frère et la sœur de la victime, tous deux mineurs, ont pris place entre leurs parents. "Cela a été très dur pour la famille", confie le père, Jean-Philippe Meyer. Après le drame, son couple a volé en éclats. Depuis, cet ouvrier au chômage, si fier du parcours scolaire de sa fille décédée, est inconsolable.
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