La France menacée par un "djihad de masse" selon Malek Boutih
"Génération radicale", un titre éloquent pour un rapport plutôt alarmiste sur l'état de la jeunesse française, selon l'enquête de Malek Boutih. Le député PS avait été chargé en février dernier par le gouvernement d'analyser les "dynamiques individuelles et collectives conduisant des individus ", souvent jeunes, à se radicaliser, pour mieux les prévenir.
Ce rapport brosse le portrait d'une génération au bord de la rupture. Il note que le djihadisme, à ses débuts, en Afghanistan, ne concernait qu'un nombre restreint d'adultes très engagés. Depuis le conflit en Syrie et l'avènement de l'Etat islamique, des centaines de jeunes issus de tous les départements français "ont fait le choix de la guerre ", écrit Malek Boutih. Soixante-cinq pour cent des individus impliqués dans des filières djihadistes ont moins de 25 ans.
Un phénomène qu'il faut observer avec précaution, alerte le député PS, car son analyse à travers le seul prisme des convictions religieuses ferait, à terme, "le jeu des ennemis de nos sociétés ". Le succès des recruteurs djihadistes auprès des jeunes repose sur l'adhésion à un projet politique entrant en résonnance avec leurs préoccupations internationales et leur rejet de la société démocratique occidentale, plus qu'à une doctrine religieuse fondamentaliste.
La jeunesse de l'après 11 septembre 2001 ?
Les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis ont été un tournant, estime encore Malek Boutih, notamment par l'origine des groupes terroristes qui se revendiquent de l'islam radical. Un évènement qui a fait naître au sein des pays occidentaux une suspicion diffuse sur la communauté musulmane, avec des effets délétères à long terme. La guerre en Irak et surtout le conflit israélo-palestinien, avec ces images des victimes civiles, ont aussi eu un rôle capital sur la jeune génération, qui éprouve une injustice à l'échelle mondiale.
Dans ce contexte, il y a aussi un nouvel antisémitisme qui s'enracine dans les quartiers, relève Malek Boutih, avec un "discours du deux poids deux mesures entre des juifs qui seraient insérés et protégés et des musulmans au contraire stigmatisés et marginalisés "
Malek Boutih parle d'une "jeunesse frustrée, prête à basculer ". Il évoque la théorie du complot et estime que la radicalité islamiste est dans un mouvement ascendant au sein de notre société, un "djihad de masse ".
Un rapport qui dénote une méconaissance du "processus d'embrigadement"
A peine rendu public, le rapport a suscité un flot de critiques, sur les réseaux sociaux notamment. Pour Dounia Bouzar, qui préside le Centre de prévention des dérives sectaires liées à l'islam, les éléments de ce rapport sont "anachroniques ". "Ils font des relations idéologiques de cause à effet sans avoir pris le détail du processus d'embrigadement ".
"Le nouveau discours radical arrive à trouver des jeunes de profils différents. On a énormément de familles de classes moyennes voire supérieures, qui, non seulement, sont complétement investies dans la République, mais qui, en plus, reprennent, après la déradicalisation qu'on opère, une place de citoyen engagé… Ce qui montre bien qu'il n'y avait pas à la base un rejet de la République ".
Invitée de France Info, Dounia Bouzar dénonce un "manque du connaissance des processus qui font basculer ces jeunes dans un autre monde ".
"Ils ne partent pas les armes à la main, comme le dit Malek Boutih. Si le discours terroriste arrive à toucher 700 jeunes, dont des enfants de professeurs, de fonctionnaires, de médecins, c'est bien qu'au contraire ils ne leur proposent pas de partir les armes à la main. Ils leur font miroiter des chimères, adaptées à la psychologie de chaque jeune ".
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