Un couple accuse un maire d'homophobie après le refus de son permis de construire
Le maire d'Aureville (Haute-Garonne) dément les accusations, invoquant un non-respect du plan local d'urbanisme.
"On n'a pas notre place dans cette ville". Un couple accuse d'homophobie le maire d'Aureville, une petite commune près de Toulouse (Haute-Garonne), après s'être vu refuser sa demande de permis de construire, mardi 31 juillet. Pour Sébastien Durand, consultant en communication et marié à Patrick depuis 5 ans, les propos tenus par le maire sont particulièrement choquants. Sur Twitter, Sébastien Durand a dénoncé la décision de la mairie peu après avoir reçu la lettre de refus.
Le maire du village où nous avons acheté un terrain:
— Sébastien Durand (@sebastiendurand) 31 juillet 2018
- Je ne signerai pas le permis de construire. Les gens comme vous (sic), je préfère qu’ils viennent me voir avant de déposer leur demande pour voir si leur projet de vie correspond à ma commune.
L’#homophobie en 2018 ️
Une phrase écrite dans la lettre, qui affirme que "le projet ne s'inscrit pas dans les valeurs identitaires de la commune", a particulièrement fait tiquer Sébastien Durand.
"Votre projet de vie ne correspond pas à notre commune"
Tout commence en janvier dernier, lorsque que le couple part à la recherche d'un nouveau terrain sur lequel construire sa nouvelle maison. Ils habitent en banlieue toulousaine et ne souhaitent pas changer de région. Leurs regards s'arrêtent sur un terrain de 2 500 m2 à Aureville, une commune de 800 habitants. En plein milieu de terres agricoles, la zone est idéale pour faire sortir de terre leur bâtisse, qui doit faire 250 m2. Ils consultent une architecte pour élaborer les plans d'une "maison contemporaine".
La maison devait s'affranchir des codes traditionnels, mais devait incorporer des éléments d’architecture locale. Il y aurait eu par exemple des colonnes en façade de la maison qui s’inspirent de celles du Capitole de Toulouse.
Sébastin Durandà franceinfo
Les deux époux signent un compromis de vente pour le terrain et déposent une demande de permis de construire au mois de mai 2018.
C'est à ce moment-là que les ennuis commencent pour le couple. "Lorsque mon mari est allé faire le dépôt en mairie, retrace pour franceinfo Sébastien Durand, la secrétaire lui a dit 'ça va peut-être poser problème, il vaut mieux que vous parliez avec monsieur le maire'." Ils prennent donc rendez-vous.
Quand on est arrivés, le maire a été extrêmement agressif envers nous.
Sébastien Durandà franceinfo
Le maire, Xavier Espic, prend alors les documents en main. "À ce moment-là, il me dit : 'comment osez-vous venir avec un tel projet ? Les gens comme vous, j'aurais préféré qu'ils prennent rendez-vous avant le dépôt de permis, pour que l'on voie si le projet de vie correspond à la commune parce qu'en l'état, je ne le signerai pas'." La discussion s'engage alors sur le plan local d'urbanisme (PLU), qui fixe les limites des constructions dans la commune. "Il nous a dit à plusieurs reprises que notre maison était trop 'sophistiquée'", poursuit Sébastien Durand. Selon lui, le maire aurait fait "un petit geste du poignet qui évoque [le film] La Cage aux folles."
La réunion se termine. "Il nous a dit qu'il ne signerait pas", ajoute Sébastien Durand. Le couple demande alors un deuxième entretien avec le maire, mais cette fois-ci en terrain neutre. Cette nouvelle rencontre a lieu au siège du Sicoval, la communauté d'agglomération dont fait partie Aureville. Le couple s'est adjoint les services d'un juriste, afin d'éviter un nouveau refus. Ils font quelques modifications sur le document, mais ce ne sera pas suffisant pour convaincre l'édile.
Dans la lettre recommandée qu'il envoie au couple, le maire expose les raisons de son refus. Selon lui, le projet ne "garantit pas une intégration dans le paysage". Il est également précisé dans le document une raison qui va choquer le couple, qui y voit une allusion directe à leur homosexualité : "le projet ne s'inscrit pas dans les valeurs identitaires de la commune et du site". Contacté par Komitid, le maire n'a pas voulu en dire plus sur la signification de cette phrase.
Je ne sais même pas comment il ose écrire ça.
Sébastien Durandà franceinfo
"Quand j'ai reçu la lettre, j'ai été extrêmement choqué", se rapelle Sébastien Durand. Depuis, le couple a pris contact avec une avocate afin de demander le remboursement des frais engagés puis de contester la décision auprès du tribunal administratif. En attendant, le maire rejette en bloc toute accusation d'homophobie. À Komitid, il affirme mettre "tout le monde sur un pied d'égalité". Le maire justifie sa décision par le fait que la maison du couple "par sa situation, son architecture, ses dimensions et son aspect architectural, porte atteinte au caractère et à l'intérêt du lieu et son environnement."
Je suis très surpris que l'on me traite d'homophobe. J'ai l'esprit tranquille. [...] C'est le premier refus que l'on fait, parce que l'on a estimé que le projet ne correspondait pas à la commune.
Xavier Espic, maire d'Aurevilleà Komitid
Contacté à plusieurs reprises par franceinfo, le maire s'est refusé à tout commentaire supplémentaire.
Sous couvert d'anonymat, un proche de Xavier Espic apporte un soutien inconditionnel à l'édile. "Ils sont vexés parce qu'ils n'ont pas eu leur permis de construire, accuse-t-il. Ils ne connaissent pas le maire, qui est tout sauf homophobe. Je ne dis pas qu'ils ne vivent pas des choses difficiles, mais il faut être paranoïaque pour l'accuser d'homophobie. Je ne suis même pas sûr que ça soit normal que l'on en parle."
Le couple recherchera à la rentrée un nouveau terrain. Une chose est sûre, ce ne sera pas à Aureville.
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