Manifs propalestiniennes : les extrémistes à l'oeuvre des deux côtés
Samedi prochain, la manifestation en soutien aux populations de Gaza, est censée traverser Paris du nord au sud, du métro Barbès à l’Opéra à partir de 15 heures. Les organisateurs ont déposé leur demande mardi. Ils tablent sur 30.000 participants. Comme pour le cortège parisien du 13 juillet, c’est la GUPS, l’union Générale des Etudiants de Palestine qui gère la logistique. La GUPS réunit une centaine d’étudiants. Elle fédère pour l’occasion une vingtaine de petites associations opposées à la politique d’Israël et le NPA, le Nouveau parti anticapitaliste français.
Débordements "d'un côté comme de l'autre " (préfecture de police)
Mais cette future manifestation dans la capitale divise. L’Association France Palestine Solidarité, qui a fédéré la plupart des rassemblements non-violents en France ces derniers jours, n’est pas solidaire du cortège parisien samedi prochain, "par peur des débordements ", reconnaît l’une de ses responsables.
Les débordements, le préfet de Paris, les redoute aussi, "d’un côté comme de l’autre ", précise un cadre de la préfecture. C’est le parcours, pas assez précis, l’importance du service d’ordre et surtout les risques de contre-manifestations de la LDJ, la ligue de défense juive, qui inquiètent la police parisienne. Du coup, la préfecture de police de Paris a engagé une procédure pour interdire la manifestation "au vu des risques graves de trouble à l'ordre public qu'elle engendrerait".
"Remake" des incidents rue de la Roquette
La préfecture craint en effet un "remake" des évènements de la rue de la Roquette dimanche dernier. D'un côté des militants de la LDJ armés de gourdins plus ou moins improvisés avec parfois les tables ou les chaises du restaurant voisin, voire une bonbonne de gaz avec un allume-gaz pour l'un d'entre eux.
De l'autre, des petits groupes moins bien structurés mais tout aussi équipés et déterminés à en découdre, comme a pu le constater une salariée de Radio France, témoin de la charge menée par des militants propalestiniens, rue de la Roquette, dimanche. C'est souvent la présence keffiehs palestiniens noirs et blancs qui permet, sur les vidéos filmées dimanche dernier, de distinguer un groupe de l'autre tant les attitudes, les codes vestimentaires, la violence et la haine de l'autre sont similaires.
"Il s'agit de jeunes islamistes, c'est une nébuleuse plus difficile à définir ", analyse le sociologue Dominique Vidal. "Du côté juif, c'est parfaitement clair puisque ce sont des actes revendiqués, en l'occurrence par la Ligue de défense juive, qui est un mouvement qu'on peut qualifier d'ultra-nationaliste d'extrême droite : on n'est plus dans la réalité du conflit. Mais on présente le conflit sous un angle religieux ce qui ferait perdre une partie non négligeable de l'opinion publique qui éprouve de la sympathie pour les Palestiniens. ", ajoute-t-il.
Slogans antisémites et provocations anti-islam
Des messages postés sur Twitter en vue de distiler la peur, des témoignages faisant état de provocations de la part de la LDJ d'un côté.
Des emblèmes djihadistes brandis par certains à côté des manifestations de l'autre, des slogans tels que "mort aux juifs ". En marge des majorités pacifiques de part et d'autre, des extrémistes sont à l'oeuvre, tentant d'instrumentaliser le conflit israélo-palestinien et de le transformer en affrontement religieux franco-français. Ces débordements sont ensuite utilisés politiquement par la droite identitaire et l'extrême droite française, comme Franck Guiot, élu UMP proche de Patrick Buisson, qui s'est fait connaître à la suite d'un dérapage sur les Roms sur Twitter.
Des débordements sont difficiles à contenir
C'est précisément par crainte de ce genre d'engrenage que l'association France-Palestine solidarité prend ses distance avec la manifestation parisienne prévue samedi, comme : "Nous ne tolérons aucun slogan antisémite parce que nous insistons toujours sur la nature du conflit. C'est un conflit politique, pas religieux. S'il y a des gens qui essayent de dénaturer notre rassemblement, nous avons la tolérance zéro vis-à-vis de tout débordement. "
Mais les débordements sont difficiles à contenir, et décrédibilisent l'action des associations, qui s'en remettent à des services d'ordre, comme l'explique Nathalie L'Hopitault, du collectif national pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens, à l'origine du rassemblement parisien de mercredi soir :
"On essaye de ne pas se laisser déborder parce qu'il y a des provocations de tous les côtés. "
Du côté des responsables religieux, le recteur de la Grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, également président du Conseil français du culte musulman, appelle au calme :
"L'opinion musulmane sensible aujourd'hui à ce conflit (israélo-palestinien) doit garder son calme et oeuvrer pour la paix en ce mois béni de ramadan "
La communauté juive, marquée par l'image de fidèles retenus dans la synagogue de la rue de Roquette dimanche parce que "les forces de l'ordre leur disaient que (s'ils) sortaient, (ils) seraient en danger ", s'insurge le président du Crif, Roger Cukierman, dénonce une "haine des juifs " qui n'est "pas liée à ce qui se passe à Gaza ", estime le grand rabbin de France, Haim Korsa.
Le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a qualifié les évènements de dimanche de "débordements intolérables " et a demandé aux préfets d'interdire les manifestations qui comportent un risque de troubles à l'ordre public.
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