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Mariage pour tous : que disent les amendements de l'opposition ?

La plupart des 5.300 amendements de l'opposition s'articulent autour de trois points : les unions alternatives au mariage, la filiation des enfants et la dispense des maires. On trouve aussi dans le lot quelques propositions déconcertantes.
Article rédigé par Antoine Krempf
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Franceinfo (Franceinfo)

Il aura fallu quatre jours aux services de l'Assemblée
nationale pour mettre en ligne les plus de 5.000 amendements déposés par les
députés dans le cadre du débat sur le mariage pour tous qui démarre ce mardi. Au-delà des textes
copier-coller
(technique classique de l'obstruction parlementaire), le contenu
des amendements présente les principaux angles d'attaque de l'opposition.

  1. Les unions alternatives

Ce n'est pas une surprise, la plupart des élus de l'opposition
ne veulent pas entendre parler de mariage pour les couples de même sexe. Pour
autant, le Pacs ne va pas assez loin. Les
amendements proposent donc d'instaurer une forme alternative intitulée
"Union civile" ou "Alliance civile".

Quels sont les arguments ?

C'est " une
solution équilibrée
, attentive à la fois aux attentes des couples homosexuels
et à ceux qui sont attachés au mariage en ce qu'il unit un homme et une femme
dans le but d'avoir des enfants
" (Amendement 2351).

Un texte " plus protecteur que le Pacs pour les couples de même sexe ".
(Amendement 5109) Plus protecteur ? "Adaptée à des couples de même sexe
qui souhaitent offrir un cadre juridique à leur relation privée pour une
sécurité accrue et une reconnaissance sociale
". (Amendement 830)
Concrètement, "une sécurité juridique de l'union plus forte que pour le
Pacs
".

Une sorte de
mariage bis
: "l'alliance civile fera l'objet d'une célébration
solennelle d'union devant le maire qui (...) entraînera des conséquences proches
du mariage, excepté la filiation et l'adoption
". Les "alliés"
auraient "une obligation de fidélité, de secours et d'assistance ".
(A. 830) "L'union civile a, en ce qui concerne la contribution aux
charges, les mêmes effets que le mariage
" (A. 4741).

> La réponse de la majorité

La proposition avait déjà été rejetée
il y a quinze jours en commission des lois de l'Assemblée nationale. Pour la
gauche, une telle disposition serait "discriminatoire" car elle
établirait une distinction administrative. Par ailleurs, pour le député
socialiste Sébastien Denaja, l'opposition a un "blocage plus souterrain
sur le fait de penser la laïcisation du mariage
".

  1. La filiation des enfants

C'est la deuxième ligne rouge des opposants au mariage pour
tous. Si la procréation médicalement assistée pour les couples de lesbiennes
n'apparaît pas dans le projet de loi, les députés de droite ne veulent pas non
plus d'adoption pour les homosexuels. Des dizaines d'amendements réclament par
exemple la suppression de l'article 1 bis "Dispositions relatives à la filiation
adoptive
".

Quels sont les arguments ?

La psychologie des enfants : "La psychologie a depuis
longtemps alerté sur l'importance de l'altérité sexuelle des parents dans la
construction psychique de l'enfant. Cela inclut la différence des sexes des parents
adoptifs, pour qui la filiation adoptive entraîne une forme d'engendrement
fictif.
" Amendement 4748.

"L'asexualisation" de la société. Le député UMP
Patrick Ollier souhaite ainsi voir inscrire la phrase suivante dans la loi : c'est
"une révolution anthropologique qui nie des réalités biologiques ".
Dans un autre texte, l'UMP explique que "cette indifférenciation des
sexes conduit donc à une rupture majeure de notre société et à un bouleversement
pour l'ensemble des Français
".

Le droit des enfants versus "le droit à
l'enfant"
. Le député Jacques Myard
semble en avoir fait un cheval de bataille. L'élu propose une série
d'amendements "au nom de "l'intérêt supérieur de l'enfant ".
D'après lui, le projet de loi "fait croire à un droit 'à' l'enfant en
compète contradiction avec les droits 'de' l'enfant", car l'enfant n'est
pas un objet
".

La filière adoptive "en crise" . D'après un autre
texte signé par l'UMP, "l'évolution que nous constatons dans les
comportements - contraception, recul de l'âge des premières grossesses,
avortements...- se traduit par un recul du nombre d'enfants français à adopter et,
pour d'autres raisons le nombre d'enfants à adopter à l'étranger diminue
également.
" Il faut donc interdire l'adoption pour les célibrataires...

Malgré tout, on note plusieurs voix discordantes dans
l'opposition. Plusieurs amendements signés par des élus UDI proposent des
aménagements qui vont dans le sens de la majorité sur le volet adoption du
projet de loi. Le député UMP Benoîst Appau propose que "l'adoption simple puisse être
demandée par deux partenaires d'un pacte civil de solidarité.
"

  1. Dispenser les maires de célébrer un mariage homo

Pour justifier leurs amendements sur ce point, les députés
de l'opposition citent "la liberté de conscience" pour les maires et
les adjoints mise en avant par François Hollande lors de son discours du 20
novembre dernier
à l'occasion du Salon des maires. La dispense est réclamée par
l'UMP, l'UDI et le FN.

Quels sont les arguments ?

Adapter la loi à la réalité. Officiellement, les maires
peuvent déléguer la célébration de mariages en cas d'absence ou d'empêchement.
Mais "dans les faits, le maire octroie souvent à un conseiller municipal
cette délégation (...) sans que ni lui ni ses adjoints ne soient réellement
absents ou empêchés
", affirme l'amendement UMP 18. Retirer cette
obligation permettrait donc de coller à la réalité... mais aussi de donner le
droit aux maires réticents de ne pas célébrer un mariage homosexuel.

Le respect des croyances. Le député Thierry Benoît veut revenir sur la primauté du mariage civil. Comment ? D'après
l'amendement centriste 4176, il faut supprimer la sanction "à laquelle
s'expose tout ministre d'un culte qui procède de façon habituelle aux
cérémonies religieuses de mariage. (...) Cette sanction est contraire à l'article
9 de la Convention européenne des Droits de l'Homme qui garantit la liberté de
pensée, de conscience et de religion
".

> La réponse de la majorité

La délégation est effectivement
possible entre un maire et ses adjoints, c'est ce qu'aurait voulu rappeler
François Hollande dans son discours. Cependant, l'élu qui aurait délégué la
célébration de manière ostentatoire pourrait bien être passible de
discrimination.

  1. Les amendements déroutants ou provocateurs

Plusieurs députés ont déposé des amendements étonnants. "Un
certain nombre d'amendements déposés sont des amendements qui ne font pas
honneur à la démocratie parlementaire, des amendements d'obstruction, des
amendements qui sont quelquefois même ridicules
", notait ainsi Bruno le
Roux, mardi matin sur France Info
. Et le patron du groupe PS à l'Assemblée cite
notamment l'oeuvre de Jacques Bompard.

Le mariage pour tous... vraiment tous

Le député de Vaucluse réclame notamment l'ouverture du
mariage à toutes les situations de famille. En clair : la polygamie, l'inceste
ou encore la pédophilie. "Le gouvernement justifie l'élargissement du
mariage aux couples de même sexe par l'existence de couples homosexuels et par
l'amour que peuvent se porter ces personnes. Or, s'il poursuivait son
raisonnement, le gouvernement devrait donc étendre à toutes formes de couples
et à toutes formes d'amour la possibilité de contracter mariage
".

Donner le prénom de l'officier d'état civil à l'enfant

Pour Jacques Bompard propose aussi que "l'enfant prend
automatiquement comme premier prénom le premier prénom de l'officier de l'état
civil qui reçoit la déclaration
". Pourquoi ? "Cet amendement vise à
reconnaître le mérite des officiers d'état civil
".

Le mariage pour personne

Au lieu de faire un mariage pour tous, Jacques Bompard propose enfin un mariage pour personne puisque c'est "une affaire privée qui ne concerne
pas l'Etat
".

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