Pourquoi les pères sont-ils (encore) écartés de la garde de leurs enfants ?
Le coup d'éclat de deux hommes, montés sur une grue à Nantes et à Strasbourg, a relancé le débat sur les décisions de justice en matière de divorce. Francetv info dresse un état des lieux.
Certains les soutiennent, d'autres les conspuent. Mais l'action coup-de-poing de trois pères, qui se sont hissés sur une grue à Nantes (Loire-Atlantique) et à Strasbourg (Bas-Rhin) pour réclamer le droit de voir leur enfant, a au moins atteint un de ses objectifs : remettre la question du droit de garde au centre des débats. A tel point que le gouvernement a reçu les associations lundi 18 février. Et envisage de renforcer le système de la médiation familiale.
Malgré l'évolution juridique et sociétale, les pères français sont encore souvent écartés de la garde de leurs enfants. Pourquoi ? Francetv info dresse l'état des lieux.
Parce que la société ne suit pas
Il suffit de regarder les chiffres pour se rendre compte que la situation reste très déséquilibrée, en faveur des mères : dans 72,1% des divorces, la garde des enfants leur revient, contre 7,4% aux pères, selon des statistiques du ministère de la Justice datant de 2010.
Pourtant, la loi n'a jamais défavorisé le père. Jusqu'en 1970, lui seul détenait l'autorité parentale. Avec la multiplication des divorces, la loi a évolué. Depuis les années 1980, elle garantit l'égalité de traitement entre les parents en cas de séparation, sauf si un litige contraint le juge à privilégier l'intérêt de l'enfant, quitte à destituer un des parents de son autorité parentale. Malgré cette "coparentalité" inscrite dans la loi, "il y a des tas de pères qui ne demandent pas la garde", relève Hélène Poivey-Leclercq, avocate spécialisée dans les affaires familiales. La raison est simple : les femmes "s'arrêtent plus souvent de travailler ou sont à temps partiel" et "sont plus disponibles" pour élever leurs enfants. L'égalité hommes-femmes doit aussi passer par le monde professionnel et les modes de garde, souligne l'avocate.
Parce que la résidence alternée fait débat
La résidence alternée, reconnue par la loi depuis 2002, consiste à faire vivre l'enfant à parts égales chez ses deux parents, par exemple une semaine chez l'un, une semaine chez l'autre. Cette solution progresse doucement mais sûrement. Elle est passée de 16,9% en 2009 à 20% en 2010. Malgré tout, elle continue de faire débat. Soutenue par les associations de pères, la proposition de loi visant à la rendre systématique par défaut, comme c'est le cas en Italie, en Belgique, aux Etats-Unis ou encore dans les pays scandinaves, est vivement critiquée par les professionnels. Non seulement la résidence alternée ne convient pas à tous les enfants, disent-ils, mais la rendre obligatoire pourrait s'avérer dangereux dans un contexte de violences.
"Les juges font du sur-mesure, pas du prêt-à-porter !", s'exclame Hélène Poivey-Leclercq. L'avocate concède toutefois que les magistrats n'ont pas assez recours à la possibilité, prévue par la loi, d'ordonner une résidence alternée à titre expérimental. "Quand les deux parents sont d'accord, ça ne pose pas de problème, mais dans le cas contraire, le doute bénéficie à la mère", s'agace Stéphane Ditchev, secrétaire général du Mouvement de la condition paternelle. Il s'insurge notamment contre l'idée qu'un enfant de moins de 3 ans a davantage besoin de sa mère. Si le psychologue Gérard Poussin confirme que ce n'est pas nécessairement le cas, il affirme qu'avant 4 ans, un enfant "n'a pas les moyens psychiques pour gérer les ruptures" entraînées par un changement de toit toutes les semaines.
Parce que la médiation est insuffisante
"En France, nous avons plutôt une culture du conflit que de la médiation. Seuls 4% à 8% des divorces ont fait l'objet d'une médiation." Le constat émane de la ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti. Citant le Québec en exemple, la ministre affirme vouloir développer ce système, afin d'éviter aux couples en conflit de se retrouver systématiquement devant un juge. "Au tribunal de Nantes, les affaires familiales représentent 54% des dossiers traités. Elles mobilisent des moyens que la justice n'a pas forcément", constate Mary Plard, avocate et auteure de Paternités imposées.
Déjudiciariser ces affaires permettrait donc de désengorger les tribunaux. Actuellement, environ 800 médiateurs, dont le diplôme est validé par l'Etat depuis 2003, exercent dans 270 services en France.
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