: Vidéo "Affaires sensibles". Autour d'un accord sur le nucléaire entre les Français et les Chinois, un climat de menaces et de barbouzeries... jusqu'à l'agression d'une syndicaliste ?
C'est l'un des dossiers les plus secrets de notre République : celui des négociations entre la France et la Chine autour du nucléaire civil. Il est au cœur d'une enquête diffusée dans "Affaires sensibles" le 11 avril 2022. L'étrange agression d'une syndicaliste, retrouvée ligotée chez elle par un matin de décembre 2012, aurait-elle un lien avec des contrats confidentiels auxquels elle s'intéressait de près ?
Parmi les "Affaires sensibles" auxquelles s'intéresse le magazine adapté de France Inter, de très confidentielles négociations entre la France et la Chine autour du nucléaire civil. Depuis plus de quarante ans, la première espère éclairer la seconde grâce à ses centrales. Dans les années 2000, parallèlement à sa montée en puissance, la Chine ambitionne de construire le plus grand parc nucléaire du monde. Un marché immense que la France rêve de conquérir…
Y aurait-il un lien entre ces négociations franco-chinoises et le matin du 17 décembre 2012 ? Ce jour-là, une syndicaliste qui s'en préoccupait est retrouvée ligotée chez elle. Sur son ventre, gravée au couteau, la lettre "A". "A" comme "Areva", l'entreprise qui vend et conçoit des réacteurs nucléaires, dont elle défendait les salariés ? Maureen Kearney s'intéressait-elle de trop près à ces contrats secrets ?
Un accord signé en catimini
Cet extrait revient sur un climat de tension qui se cristallise durant l'hiver 2011. Chez Areva, les syndicats s'inquiètent alors d'un protocole d'accord confidentiel entre la compagnie d'électricité chinoise CGNPC et EDF, le constructeur des centrales. A la clé, selon eux, un possible transfert de technologies et des pertes probables d'emplois pour l'entreprise. La responsable CFDT Maureen Kearney exige des réponses qu'elle n'obtient pas.
En 2012, ses craintes se précisent. Elle apprend l'existence d'un second contrat qui s'attaque au domaine réservé d'Areva : celui-ci prévoit qu'EDF et CGNPC concevraient ensemble le premier réacteur franco-chinois. Interrogé, le nouveau président d'Areva, Luc Oursel, dément toute signature. Pourtant, fin octobre, Maureen Kearney reçoit une photo surprenante : on y voit Henri Proglio, Luc Oursel et le président chinois de CGNPC… signer un contrat.
"Je me dis : 'Mais c'est pas vrai ! On nous a menti… Tous les politiques nous ont menti.' Et on venait de voir deux ou trois politiques assez haut placés, qu'on a appelés, et qui nous ont dit qu'ils n'étaient pas au courant."
Maureen Kearney, ancienne responsable syndicale chez Arevadans "Affaires sensibles"
Une photo "très intéressante", juge Caroline Michel-Aguirre, journaliste spécialiste de ce dossier. Car cette signature d'un accord industriel, qui plus est concernant le nucléaire, n'a pas eu lieu à Paris avec des représentants de l'Etat, mais à Avignon… Et "personne à Areva n'est au courant…"
Afin d'obtenir la communication de cet accord signé en catimini, les syndicats menacent la direction d'une action en justice. La tension est à son comble autour du jeudi 13 décembre, quand Luc Oursel reçoit une mise en demeure. Maureen Kearney explique avoir contacté Arnaud Montebourg et Bernard Cazeneuve avec lesquels elle était en contact, durant le week-end, "pour leur dire que ça pétait vraiment chez Areva".
"Un contexte hors normes", où "les gens ont peur"
C'est le lundi suivant, le 17, que Maureen Kearney est agressée à son domicile. Caroline Michel-Aguirre explique avoir immédiatement fait le lien. "Pourquoi ? Il faut savoir que dans cette industrie-là, il y a beaucoup de barbouzeries. C'est vrai qu'à chaque fois que je vois une source, à cette époque-là, il faut toujours que ce soit dans un lieu caché, on me demande non seulement d'éteindre mon téléphone, mais de sortir la batterie… C'est dans un contexte où les gens ont peur... Tout ça fait qu'on est dans un contexte hors normes, assez peu habituel quand on est journaliste économique, habitué à travailler, à enquêter sur des entreprises."
Un climat inquiétant que confirme Anne Lauvergeon elle-même. "Je n'allais plus dans un endroit toute seule, par exemple, confie-t-elle. Et j'ai eu très peur pour mes enfants." L'ancienne patronne d'Areva, que Nicolas Sarkozy a écartée au profit de Luc Oursel, est pourtant réputée peu impressionnable... Quelques semaines avant son agression, Maureen Kearney aurait reçu des menaces téléphoniques anonymes.
Extrait de "Un étrange fait divers au cœur du nucléaire", un document à voir le 11 avril 2022 dans "Affaires sensibles", un magazine présenté par Fabrice Drouelle et coproduit par France Télévisions, France Inter et l’INA d'après l'émission originale de France Inter.
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