"Divagation politique", "lente dérive"... Le rapport accablant autour de la gestion de la politique nucléaire en France
"Le récit qui s’est reconstitué devant nous, c’est bien le récit d’une lente dérive, d’une divagation politique, souvent inconsciente et inconséquente, qui nous a éloignés et de la transition écologique et de notre souveraineté énergétique…" Après plus de six mois de travail, la commission d’enquête sur la souveraineté énergétique en France a rendu jeudi un rapport très critique sur la politique énergétique de la France dénonçant "une perte de souveraineté". Les députés n’ont en effet pas mâché leurs mots pour désigner les errements de la politique énergétique de la France sur les trente dernières années dans leur rapport, publié jeudi 6 avril.
Ainsi, le parc nucléaire voit sa production baisser depuis 15 ans, sans qu’aucun gouvernement ne s’en soit inquiété jusqu’au réveil douloureux de 2022, et la fermeture de centrales pour des fissures, notamment, soulignent les auteurs du rapport, l’alsacien LR Raphaël Schellenberger et le député Renaissance de la Haut-Savoie Antoine Armand.
Le rôle de François Hollande
Dans leur texte, très favorable à l’atome, ils décernent une mention spécialement mauvaise à François Hollande et son programme de fermetures de réacteurs après Fukushima, décidé sans étude préalable. Les responsables de l’époque sont taxés d’avoir agi contre les intérêts vitaux du pays. Invité sur franceinfo, Raphaël Schellenberger dénonce ainsi un "manque de conscience du caractère stratégique de l'énergie qui a conduit à ce qu'on préfère faire de la politique politicienne et peut être même parfois de simples accords électoralistes, plutôt que de traiter ce sujet comme un enjeu stratégique pour la compétitivité et la souveraineté de notre nation". Et de poursuivre : "Ça commence avant François Hollande. On l'a vu dès la fin des années 90, quand le Parti socialiste a conclu un accord avec les Verts qui conduit à l'abandon d'un certain nombre de projets de construction de nouvelles centrales nucléaires et qui conduit à la fermeture du projet Superphénix, qui était pourtant un projet qui aurait projeté la France dans une innovation et dans un temps d'avance sur le monde entier."
Les rapporteurs évitent toutefois de s’interroger sur le rôle d’Emmanuel Macron, alors Secrétaire général adjoint de l'Élysée, puis ministre de l’Économie de François Hollande. Ils déplorent également le lancement jugé précipité de l’EPR de Flamanville : plans incomplets, filière industrielle trop affaiblie par des années de manque de commandes sont épinglés.
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"Au plus haut niveau de l'Etat, tout le monde n’est pas encore raccord"
Enfin, les rapporteurs s’inquiètent pour l’avenir : avec l’explosion de la demande d’électricité, la fragilité d’EDF et de la filière les préoccupe. Le rapport formule trente propositions adoptées par les membres de la commission la semaine dernière. Raphaël Schellenberger réclame ainsi "une prise de conscience" : "Nos travaux qui ont été très suivis par tout le milieu industriel de l'énergie, qui ont été très suivis par l'ensemble des Français, qui se demandaient pourquoi on leur demandait de mettre des cols roulés et de baisser la température de chauffage, ont permis cette prise de conscience. Maintenant, nous avons, avec le rapporteur, avec les membres de la commission d'enquête, la responsabilité de faire vivre ce dossier, de continuer à pointer la nécessité de s'en occuper, de mettre en place une pression politique pour que nous prenions les décisions que nous préconisons. [...] J'ai bien le sentiment qu'au plus haut niveau de l'État, tout le monde n’est pas encore raccord sur la nécessité de considérer ce sujet comme absolument stratégique", a-t-il toutefois confié.
Ils demandent ainsi notamment un renforcement du suivi de la construction des futurs réacteurs EPR 2 et une meilleure anticipation du passage aux 50 ans du parc actuel.
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