Enquête pour soupçons de dissimulation d'incidents : "Tricastin n'est que la partie émergée de l'iceberg", se désole le réseau Sortir du nucléaire
Une information judiciaire contre X a été ouverte récemment au Pôle de santé publique de Marseille sur des soupçons de dissimulation d'incidents à la centrale nucléaire du Tricastin.
"Ce qui se passe à Tricastin n'est pas un cas isolé", assure Charlotte Mijeon, la porte-parole du réseau Sortir du nucléaire, jeudi 9 juin sur franceinfo. Elle réagit à l'ouverture d'une information judiciaire après des soupçons de dissimulation d'incidents à la centrale nucléaire du Tricastin (Drôme). "Enfin, on commence à se pencher sur ces incidents qui sont dissimulés", assure-t-elle. Une information judiciaire est ouverte autour de soupçons d'"obstacle au contrôle des enquêteurs" et "mise en danger d'autrui", après les accusations d'un ancien cadre de l'électricien.
franceinfo : Pour vous, l'ouverture de cette information judiciaire est un soulagement ?
Charlotte Mijeon : Ce n'est pas seulement un soulagement, enfin on commence à se pencher sur ces incidents qui sont dissimulés. Ce qui s'est passé au Tricastin n'est que la partie émergée de l'iceberg. Nous avons régulièrement des lanceurs d'alerte qui nous contactent pour nous dire qu'ils ont connaissance de telle ou telle chose, qu'ils aimeraient en parler. Et ce qui nous permet de dire que ce qui se passe à Tricastin n'est pas un cas isolé.
Par ailleurs, ce qui est important pour nous, c'est de dire qu'il faut remonter le fil. C'est-à-dire que Hugo [le cadre d'EDF qui a porté plainte], certes, dénonce des faits, mais admet qu'il a lui même participé aussi à la dissimulation d'informations, en ayant notamment fait pression sur un inspecteur de sûreté nucléaire. Donc ça veut dire qu'en fait, il y a tout un fil à tirer au-delà de cette affaire. On espère notamment que cet autre salarié d'EDF, qui est mentionné, sera lui aussi interrogé parce qu'il a sans doute des choses à dire. On a essayé de le faire taire alors qu'il signalait des choses. Et Hugo lui-même reconnaît qu'il a essayé de le faire taire.
Ce que vous décrivez, c'est comme une espèce d'obligation de la loi du silence, au nom de l'impératif stratégique du nucléaire en France ?
On se trouve dans une configuration où la centrale du Tricastin était à la veille de passer sa visite décennale pour l'échéance des 40 ans. En fait, pour EDF, il est très important de pouvoir dire que tout va bien. Et pour que tous les indicateurs soient bons pour pouvoir dire que le passage de cette visite décennale n'est qu'une formalité, le risque, c'est d'en venir à casser le thermomètre pour évacuer ce qui gêne.
En même temps, ce que dit ce lanceur d'alerte, c'est que ces incidents là n'étaient pas forcément extrêmement graves, qu'ils ne mettaient pas sur le tapis la question d'une dangerosité particulière ?
Alors c'est extrêmement opaque. Mais aussi, ça met en danger les personnes qui ont dû s'occuper de certains actes, notamment de nettoyer à la raclette de l'eau potentiellement contaminée. Donc le problème, c'est à la fois la gravité des choses, la dissimulation d'informations et puis surtout quelque chose qui est systémique. C'est-à-dire que le système de contrôle de la sûreté en France, est basé sur le postulat que EDF ira d'elle-même déclarer quand il y a un problème à l'Autorité de sûreté nucléaire et que l'Autorité de sûreté nucléaire n'a pas à mettre son nez dedans.
Donc si déjà il y a dissimulation d'informations au sein d'EDF, ça veut dire que potentiellement, il y a des problèmes qui ne peuvent pas sortir. On ne peut pas compter sur la bonne foi de l'exploitant pour signaler quand il y a des problèmes. Et donc, il y a vraiment quelque chose qui est très problématique par rapport au système de contrôle de la sûreté.
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