EPR de Flamanville : "Il va falloir un temps important à EDF pour éponger les surcoûts énormes", prévient l'association négaWatt, parlant de "catastrophe industrielle"
"La filière nucléaire aurait vraiment tort de croire qu'elle sort avec ce démarrage de cette période noire", prévient ce lundi sur franceinfo Yves Marignac, porte-parole de l’association négaWatt. L’Autorité de sûreté nucléaire a donné son accord lundi 2 septembre à EDF pour la production des premiers électrons du réacteur EPR de Flamanville dont le chantier a pris 12 ans de retard. L’EPR de Flamanville ne produira pas d'électricité avant au moins la fin de l'automne.
franceinfo : Est-ce que ça valait le coup d'attendre 12 ans ?
Yves Marignac : À partir du moment où ce réacteur est fini d'être construit, il est logique de le démarrer. Je pense que c'est un soulagement aujourd'hui pour la filière nucléaire. Maintenant, on peut effectivement se poser la question plus largement de l'obsolescence de ce réacteur et de sa technologie. On sait que la filière nucléaire parle aujourd'hui plutôt de beaucoup plus petits réacteurs, beaucoup plus flexibles, les fameux SMR, et que les énergies renouvelables se déploient partout dans le monde infiniment plus vite aujourd'hui que le nucléaire. La question se pose pour un réacteur dont il faut se souvenir quand même que le début de la conception remonte à 1989, c'est-à-dire, il y a 35 ans.
La ministre démissionnaire, Agnès Pannier-Runacher, évoque "un chantier industriel sans égal" qui "témoigne de la maîtrise française du nucléaire". Que vous inspire cette déclaration ?
Le mot clé est "maîtrise". Avec autant de retard et autant de difficultés de natures aussi diverses accumulées tout au long du chantier, on a quand même du mal à considérer sérieusement l'usage de ce terme. C’est effectivement un soulagement pour la filière nucléaire d'arriver au bout de ce tunnel. Ça n'enlève rien au fait que cet EPR est une catastrophe industrielle compte tenu de son retard et de ses surcoûts énormes. Il va falloir un temps important à EDF pour éponger. Ça n'enlève rien non plus aux difficultés structurelles de la filière dont les difficultés du chantier de l’EPR ne sont qu'une manifestation. La filière nucléaire aurait vraiment tort de croire qu'elle sort avec ce démarrage de cette période noire et que tout dorénavant va bien se passer. L’avenir le dira. Mais je suis assez inquiet de voir la profusion de projets et une espèce de griserie de la filière qui, aujourd'hui, envisage un avenir extrêmement positif et serein, qui va un peu à l'encontre à la fois de ces difficultés et des orientations globales au niveau mondial.
L'EPR démarre avec un couvercle qu'il va falloir changer d'ici un an et demi. Est-ce qu’on aurait dû attendre d'installer un nouveau couvercle avant le démarrage ?
Théoriquement, si EDF s'était conformé à la décision initiale de l'Autorité de sûreté nucléaire, qui remonte aux difficultés que l'on a connues de la fabrication de la cuve avec une concentration de carbone trop importante dans son fond, le couvercle de remplacement devrait être prêt. Je n'ai pas l'information précise sur l'état de finalisation de ce couvercle. Je pense qu'on en est proche. Il aurait été de bon ton d'attendre pour remplacer ce couvercle pour éviter de générer un déchet radioactif, puisque ce couvercle va être irradié par la réaction en chaîne. Mais l'Autorité de sûreté nucléaire en a décidé autrement en accordant une dérogation.
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