Pédophilie au sein de l'Église : le cardinal Barbarin est "solidaire et héritier" de cette "culture de l'abus et du silence"
Christine Pedotti, directrice de la rédaction de "Témoignage chrétien" a réagi sur franceinfo à l'ouverture du procès du cardinal Barbarin pour "non-dénonciation d'agressions sexuelles sur mineurs".
"C'est assez légitime" que le cardinal Philippe Barbarin "ait à répondre de cette "culture de l'abus et du silence" dont il est "solidaire" et "l'héritier", estime lundi 7 janvier sur franceinfo Christine Pedotti, directrice de la rédaction de Témoignage chrétien, à l'initiative l'automne dernier d'un appel à la création d'une commission d'enquête parlementaire sur la pédophilie dans l'Église. Alors que le procès du cardinal Barbarin s'est ouvert lundi à Lyon pour "non-dénonciation d'agressions sexuelles sur mineurs", elle évoque un "désastre moral" pour l'Église catholique. Christine Pedotti en appelle également à une meilleure éducation des enfants sur la sexualité : "La meilleure façon de protéger les enfants, c'est de les éduquer à la protection de leur propre corps", souligne-t-elle.
franceinfo : Pourquoi, selon vous, le cardinal Barbarin n'a-t-il pas dénoncé le père Preynat ? C'était la volonté de ne pas éclabousser une institution ?
Christine Pedotti : Parce que précisément il est une partie de ce système. Ce qui est très intéressant [dans ce procès], c'est que le cardinal Barbarin, ce n'est pas le lampiste ! Là, même s'il est présent comme "représentant d'un système", comme le plaident ses avocats, il incarne l'un des plus hauts sommets de l'Église de France. C'est donc assez légitime qu'il ait à répondre de cette logique du silence dont il est aussi l'héritier puisqu'il y a quand même trois cardinaux archevêques qui l'ont précédé et qui ont permis ce silence. Il en est solidaire. Ce n'est pas anormal que ce soit lui qui soit là aujourd'hui à la barre du tribunal.
Finalement, ces actes n'ont-ils pas été gardés sous silence parce qu'ils étaient trop répandus au sein de l'Église de France ?
En tout cas, c'est ce que pense le pape, puisque le pape lui-même, le 20 août, a écrit une lettre dans laquelle il parle d'une culture de l'abus qu'il décline en trois termes : l'abus de pouvoir, l'abus de confiance et l'abus sexuel. Et quand il y a une culture de l'abus, cela veut dire que c'est quelque chose qui est ancré, qui est partagé. Et au fond, cette culture du silence et de l'omerta que nous observons a comme origine cette culture de l'abus qui fait qu'effectivement il n'y a pas de respect des personnes. C'est quand même incroyablement grave pour l'Église catholique. Moi j'en parle avec émotion parce que c'est ma maison, l'Église catholique. Je ne suis pas extérieure à elle. Et de penser que cette culture de l'abus ait pu prospérer, c'est un vrai désastre moral.
Est-ce un problème, selon vous, que la sexualité ne soit jamais évoquée au sein de l'Église ?
La parole de l'Église à l'égard de la sexualité est une parole qui est très contournée, très empruntée, on est dans une forme de prohibition. La sexualité, c'est un truc dont on ne parle pas et dont on ne parle particulièrement pas aux enfants, ce qui est dramatique, parce que la meilleure façon de protéger les enfants, c'est de les éduquer à la protection de leur propre corps. Il y a donc une nécessité de faire une éducation des enfants pour leur dire que leur corps leur appartient. Cela suppose qu'on soit un peu plus détendu sur la question de la sexualité et qu'on ne considère pas que toutes les fois qu'on prononce le mot "sexe" on est déjà en train de mettre la main dans le péché.
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