Assassinat de Samuel Paty : quelles sont les recommandations formulées par l'inspection générale chargée d'analyser l'enchaînement des faits ?
Un rapport administratif de l'Education nationale, publié jeudi, liste 12 préconisations "afin de prévenir, dans toute la mesure du possible, la reproduction d'actes analogues".
C'est un document de 22 pages qui plonge dans les rouages de l'engrenage qui a conduit à la mort, le 16 octobre, de Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie de 47 ans. L'inspection générale de l'Education nationale a publié, jeudi 3 décembre, un rapport administratif portant sur les jours qui ont précédé l'assassinat de l'enseignant du collège du Bois d'Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines).
La spirale de haine qui a conduit un jeune homme radicalisé d'origine tchétchène, âgé de 18 ans, à poignarder et décapiter le professeur, aurait-elle pu être stoppée ? Alors que la justice antiterroriste enquête toujours, l'inspection générale de l'Education nationale assure que les procédures d'alerte et d'accompagnement ont été prises "avec réactivité", "tant au niveau de l'établissement qu'aux niveaux départemental et académique", en soulignant "le caractère inimaginable de l'issue fatale".
Toutefois, pour "prévenir, dans toute la mesure du possible, la reproduction d'actes analogues", l'inspection liste en fin de rapport une série de recommandations ayant trait à la sécurité des établissements scolaires, aux contenus pédagogiques ou encore à la vie scolaire.
1Systématiser les cellules départementales de veille et de suivi en cas de menace
Dans un premier temps, il faut "consolider encore les méthodes d'évaluation du danger", explique le rapport. Et ce "à tous les échelons" au sein du ministère de l'Education, mais aussi de ceux de la Justice et de l'Intérieur. "La question des suites données aux signalements et, en particulier, des retours d'information apparaît (...) comme un point de vigilance", note l'inspection. Elle propose donc de fluidifier la communication entre les différents acteurs responsables d'évaluer le degré de gravité d'une menace encourue par un membre de l'Education nationale.
"En amont des cellules de crise, il apparaît donc pertinent d'étudier la mise en place d'une cellule opérationnelle de veille et de suivi, notamment à l'échelon du département."
L'inspection générale de l'Education nationaledans un rapport
Ces cellules de veille, dont l'inspection préconise "une mise en place systématique dès qu'il y a une menace identifiée", pourraient être "placée(s) sous l'autorité du préfet en lien direct avec le recteur". Elles permettraient aux acteurs "des différents départements ministériels, Education nationale et Intérieur notamment, de se rencontrer (...) pour convenir, en intervalles rapprochés si nécessaire, de l'évaluation du degré de gravité d'une situation et des modalités de traitement appropriées".
Pour ce faire, l'inspection recommande la mise en place d'une "extension de l'habilitation 'confidentiel défense' pour certains responsables, notamment à l'échelon départemental". La mesure permettrait de "faciliter l'échange d'informations sensibles, dont la connaissance est pourtant indispensable aux responsables de l'Education nationale, explique l'inspection. Il est, par exemple, souhaitable qu'un chef d'établissement soit informé dans les plus brefs délais d'un dépôt de plainte à l'encontre d'un personnel de son établissement dans l'exercice de ses fonctions".
2Accentuer la surveillance des réseaux sociaux
Les vidéos ciblant le professeur et publiées sur les réseaux sociaux apparaissent directement liées à l'assassinat du professeur. Le collège Bois d'Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine, a été alerté sur leur circulation par des parents d'élèves et par un professeur, relève l'inspection.
"Eu égard à l'enjeu que revêt aujourd'hui la présence sur les réseaux sociaux de contenus relatifs au milieu scolaire, en particulier à l'échelon des écoles ou des établissements, il apparaît nécessaire de mettre en place ou de faire monter en puissance des cellules de veille des réseaux sociaux", recommande le rapport.
Ces dispositifs pourraient "se situer au sein des services des rectorats ou des DSDEN (Direction des services départementaux de l'Education nationale) pour les départements comportant un très grand nombre d'élèves".
3Renforcer la sécurité des établissements scolaires
Malgré les travaux réalisés ces dernières années pour améliorer la sécurité des établissements scolaires, "il existe encore aujourd'hui des établissements scolaires présentant des points faibles en matière de sécurisation, en particulier ceux donnant directement sur la voie publique qui ne bénéficient pas d'un espace intermédiaire protégé ou d'un sas d'accès", déplore l'inspection générale de l'Education nationale.
Lesdits établissements sont donc invités à faire "remonter sans délai un signalement de leur situation aux autorités académiques, à la collectivité territoriale de rattachement et aux services préfectoraux afin qu'un diagnostic précis soit effectué et qu'une priorité soit donnée à la réalisation ou, au moins, à la programmation rapide des travaux nécessaires".
Le rapport plaide également en faveur de "la stricte application du protocole d'accueil à l'entrée des écoles et des établissements scolaires", notamment en matière d'accueil de personnes extérieures. Les parents d'élèves peuvent ressentir le besoin de se faire accompagner par une personne tierce dans le cadre de rencontres pédagogiques, explique l'inspection, mais il serait préférable de leur demander d'en informer l'établissement en amont. Ce qui n'a pas été le cas le 8 octobre au collège du Bois d'Aulne, lorsque le père de l'élève à l'origine de la polémique a exigé de rencontrer la principale "alors qu'il n'avait pas rendez-vous", et sans donner de précisions sur son accompagnateur (identifié plus tard comme l'activiste islamiste Abdelhakim Sefrioui).
4Réaffirmer le principe de la liberté pédagogique, notamment auprès des parents
L'inspection préconise également de prévenir l'émergence de menaces en explicitant le rôle et le fonctionnement du système éducatif. Il faut "rappeler autant que nécessaire et expliciter à la communauté éducative dans son ensemble, y compris aux parents d'élèves, les principes du système éducatif : le principe de liberté pédagogique et celui d'obligation de suivi des enseignements". Les enseignants, poursuit l'inspection, sont libres d'adopter "un angle d'approche pertinent au regard des objectifs de la séquence" et des élèves auxquels ils s'adressent.
"Il apparaît indispensable à la mission que tous les moyens soient déployés pour s'assurer de la compréhension du sens de la laïcité et de ses implications dans le quotidien d'une école ou d'un établissement scolaire."
L'inspection générale de l'Education nationaledans un rapport
Pour mettre cette mission en pratique, l'inspection propose un renforcement de "la formation de l'ensemble de l'équipe éducative, y compris des contractuels" et une implication des parents d'élèves dans l'enseignement des principes de laïcité, d'esprit critique et de liberté d'expression.
5Définir un protocole de surveillance et de traitement des "signaux faibles"
Enfin, le rapport alerte sur la prise en compte des "signaux faibles". L'inspection recommande à l'équipe éducative de "porter une attention renforcée à l'élève et aux interactions entre les élèves dans tous les temps et dans tous les espaces de la vie scolaire". Des "signaux faibles", pouvant annoncer un passage à l'acte, pourraient ainsi être détectés et pris en charge.
Pour cela, l'inspection propose de généraliser, au sein de chaque établissement scolaire, "la définition d'un protocole de signalement et de traitement des alertes". Le rapport préconise de s'appuyer sur les "relais et dispositifs d'appui aux niveaux départemental, académique et national, tels que les référents laïcité, la cellule Valeurs de la République" mais aussi sur les relais internes tels que "les professeurs principaux et les conseillers principaux d'éducation".
Enfin, l'inspection recommande de faire intervenir "rapidement les équipes académiques laïcité dans les écoles et établissements" quand ces derniers font face à une difficulté.
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