Affaire Leonarda : à Paris, la "camaraderie lycéenne" se met en marche
Entre 2 500 et 10 000 lycéens ont manifesté, jeudi, dans la capitale, pour dénoncer l'expulsion de deux adolescents en situation irrégulière. Reportage.
Fièrement posté devant le cortège, Kévin, 16 ans, reprend son souffle, après avoir harangué au mégaphone une foule de 2 500 lycéens parisiens (selon la police), jeudi 17 octobre. "La petite Leonarda est la goutte qui a fait déborder le vase, avance cet élève de terminale, impliqué dans la mobilisation grandissante en soutien à Khatchik Khachatryan, un lycéen arménien scolarisé à Paris et expulsé samedi. La camaraderie lycéenne est à l'œuvre."
Une vingtaine de lycées publics parisiens, sur un total d'une centaine, ont été perturbés, voire bloqués, jeudi, pour protester contre l'expulsion de Khatchik Khachatryan et de la collégienne Leonarda Dibrani, tous les deux en situation irrégulière. "Ils pourraient être nos amis ; leur famille et leurs proches vivent ici et on les a arrachés de ce monde, s'indigne Eloïse. Dans le passé, des mobilisations comme aujourd'hui ont permis le retour d'étudiants expulsés."
Des lycées bloqués dès l'aube
Des élèves se sont retrouvés dès 5h45, jeudi, pour entasser des poubelles devant l'entrée de leurs lycées respectifs, avant de rejoindre la manifestation en fin de matinée, place de la Nation. Des actions envisagées depuis le début de la semaine par des syndicats lycéens comme la Fidl (réputé proche du PS) et mises au point la veille, avec les réseaux sociaux comme relais principal.
Au lycée Louis-Armand (15e arrondissement), "le proviseur a pris le micro ce matin pour nous informer de la manifestation et des profs nous ont accompagnés", indique Karen. Originaire d'Arménie, ce jeune homme de 17 ans dit avoir rencontré Khatchik à plusieurs reprises. "C'est quelqu'un de sage, qui est considéré comme un déserteur en Arménie, faute d'y avoir fait son service militaire quand il a eu 18 ans, explique Karen. Il risque la prison et il se retrouve sans avenir dans ce pays corrompu."
"Khatchik à Paris, Valls en Arménie"
Sur les pancartes, la colère et l'indignation sont dirigées vers le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls. Des slogans l'invitent à "stopper la Valls des expulsions" ou même à démissionner. "Il mène une politique de droite alors qu'il devrait se comporter comme un ministre de gauche", estime Kévin, pour qui "la scolarisation de ces enfants montrait une volonté d'intégration de la part de leurs parents".
"Il faut donner des papiers aux gens qui le méritent, ces élèves travailleront bientôt et participeront à l'économie française", soutient Léo, 16 ans, une pancarte "Valls dehors" à la main.
"C'est qui Valls ?"
Arrivés place de la République, les lycéens ont rencontré l'opposition de CRS, qui ont reculé progressivement, jusqu'aux abords du ministère de l'Intérieur. Jets de bouteille dans un camp, projections de gaz lacrymogène dans l'autre. "Ont-ils au moins pris le temps de connaître le fond de l'histoire ?" s'interroge une passante d'une cinquantaine d'années, fatiguée par la ferveur lycéenne.
Alors que des lycéens grimpent sur des abribus ou se poussent sur un chariot à bagages provenant de la gare de Lyon, d'autres profitent du mouvement pour creuser le sujet. "C'est qui Valls ?", demande un lycéen à son voisin. Le cortège se disperse et rendez-vous est donné le lendemain, en début d'après-midi, place de la Bastille.
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