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"Les patientes victimes de violences qui veulent faire savoir qu'elles sont victimes savent le faire", affirme un médecin

Une femme victime de violences a pu alerter sa pharmacienne à Illkirch (Bas-Rhin) alors qu'elle était avec son compagnon en lui glissant un mot dans son ordonnance.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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La devanture d'une pharmacie. Photo d'illustration. (FRED TANNEAU / AFP)

"Les patientes victimes de violences qui veulent faire savoir qu'elles sont victimes savent le faire", a affirmé mercredi 25 mai sur franceinfo Gilles Lazimi, médecin généraliste, professeur associé en médecine générale à Sorbonne-Université et militant associatif membre de SOS Femmes 93 et du Collectif féministe contre le viol, après qu'une femme victime de violences à Illkirch (Bas-Rhin) a pu alerter sa pharmacienne alors qu'elle était avec son compagnon. La jeune femme et son compagnon se sont présentés dans une pharmacie d'Illkirch, comme le rapporte France Bleu Alsace. Dans l'ordonnance qu'elle a présentée, elle avait glissé un mot : "SOS". La pharmacienne a alors réussi à prévenir la police, qui s'est rendue sur place et a arrêté le compagnon.

Gilles Lazimi salue la "vigilance" du personnel de la pharmacie. Il rappelle que les pharmacies sont "sensibilisées depuis le premier confinement en 2020". Dans ces lieux "confidentiels, les femmes peuvent parler" et il faut le faire savoir, insiste le médecin.

franceinfo : le professionnalisme et la réactivité du personnel de cette pharmacie est à saluer ?

Gilles Lazimi : Ce personnel a été très vigilant, il a su voir et il a su faire. C'est vraiment quelque chose qu'il faut vraiment mettre en avant. Les pharmacies, depuis 2020 et le premier confinement, avaient été sensibilisées. Il y avait une fiche réflexe qui leur avait été envoyée avec des flyers et des affiches par le Centre de formation des pharmaciens, pour les sensibiliser. Pendant le confinement, les femmes ne pouvaient pas parler, elles ne pouvaient pas sortir. Le seul lieu où elles pouvaient aller, c'était le médecin ou le pharmacien. Et la pharmacie était le lieu le plus adéquat. Donc il fallait aider les pharmaciens à dépister des signes. Là, la patiente a montré sa capacité à faire savoir les choses. Mais les patientes victimes de violences qui veulent faire savoir qu'elles sont victimes savent le faire. On sait les repérer. Et quand elles ne peuvent pas le faire, elles peuvent par exemple demander un masque 39 19, faisant référence au numéro d'appel Violences conjugales, où un médicament qui n'existe pas. Ou alors elles peuvent aussi demander des bas de contention qui permettra de les isoler pour prendre la taille du mollet. Et ainsi le pharmacien pourra les interroger, les écouter et respecter leurs demandes. Et en cas de danger, appeler la police. On n'a pas de chiffres qui montrent combien de femmes ont parlé à leur pharmacien. Mais c'est vraiment important que les femmes sachent que ces professionnels, comme les autres professionnels de santé, sont tout à fait habilités à les aider et à signaler à leur place quand elles ne peuvent pas le faire, et les protéger.

Est ce qu'il faut généraliser encore, davantage ce dispositif ? Et existe-t-il des formations particulières pour les pharmaciens ?

Il y a avec le SESA Pharma (Service sanitaire pharmacie), qui est l'Institut de formation, des ateliers qui ont été réalisés et qui permettent de sensibiliser les professionnels des pharmacies. Il y a des formations qui se mettent en place avec des associations, des médecins, des pharmaciens. C'est très important d'être en pluri-professionnelle et pluri-associatif.

"Il faut continuer à informer et à sensibiliser et à faire en sorte que plus on saura que ces lieux sont les lieux confidentiels de sécurité où les femmes peuvent parler, et plus les femmes iront en parler."

Gilles Lazimi, médecin généraliste

à franceinfo

Est-ce que c'est plus facile pour les femmes victimes de violences, de passer d'abord par l'intermédiaire d'une pharmacie, que d'aller directement à la police ?

Les premiers interlocuteurs pour les femmes victimes de violences, c'est d'abord les médecins. Les pharmaciens, ce sont quand même des lieux de proximité. Ils connaissent les femmes, ils connaissent les familles. C'est plus facile d'aller acheter un produit médicamenteux, une ordonnance. Donc, c'est vraiment un lieu reconnu. Et il faut former les pharmaciens et les sensibiliser. Et quand ils sont sensibilisés et formés, il n'y a pas de problème. Ils vont pouvoir accueillir ces femmes quand ils affichent dans leur officine où il y a le 39 19, où il y a des affiches "on peut vous aider". Elles savent que, dans ce lieu-là, elles pourront parler en toute confidentialité. Et il ne faut pas hésiter à demander à être isolées. Les pharmaciens savent maintenant qu'il faut isoler ces patients. Quand une femme est victime de violence et qu'elle ne peut pas parler des violences spontanément, elle le montre de différentes façons. Elle le montre en prenant beaucoup de médicaments. Elle le montre en venant très souvent. Dès l'instant où le professionnel est sensibilisé, il va pouvoir la questionner, l'aider et l'accompagner. Et il faut toujours respecter la volonté des femmes victimes de violences et attendre que ce soit elles qui demandent qu'on signale à la police. Et les pharmaciens habilités, comme tous les professionnels.

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