Que préconise le rapport sur les violences sexistes et sexuelles sous relation d'autorité et de pouvoir commandé par l'ex-ministre Aurore Bergé ?
"Trop souvent les hommes qui ont un ascendant par leur hiérarchie ou par leur pouvoir sont dans une position de domination dont ils abusent." Tel est le constat, implacable, dressé par un rapport remis au gouvernement, lundi 18 novembre, sur les violences sexistes et sexuelles sous relation d'autorité et de pouvoir. Il avait été commandé en mars par Aurore Bergé, à l'époque ministre chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes.
Le sujet est considéré comme un "fléau trop longtemps ignoré" par les autrices du rapport : la haute fonctionnaire Christine Abrossimov, la secrétaire générale de l'Association nationale des DRH Christine Caldeira, l'ex-joueuse de tennis Angélique Cauchy, l'ex-sénatrice Bariza Khiari, la gynécologue Marie-France Olieric et l'avocate Rachel-Flore Pardo.
Au terme de près de 70 auditions, elles dressent ainsi 41 recommandations, dont 15 "prioritaires dans le monde du travail", et d'autres dans les domaines particuliers de la santé, de la culture, du sport et des institutions politiques. Ces spécialistes appellent par ailleurs le gouvernement à lancer un "Grenelle des violences sexistes et sexuelles". Franceinfo résume les priorités établies à cette occasion.
Dans le monde du travail
Le rapport propose d'abord de conditionner les aides publiques "à la mise en œuvre effective de mesures de prévention des violences sexistes et sexuelles". Les autrices veulent aussi créer un label "Agir contre les violences sexistes et sexuelles" pour distinguer les entreprises proactives en la matière et rendre obligatoire la formation sur le sujet pour "toute personne en position d'autorité" et toute personne "intervenant dans la prise en charge des cas de violences sexistes et sexuelles".
Pour mieux repérer ces violences, la mission propose de "généraliser les structures d'écoute et de signalement". Sur les sanctions, le rapport exhorte le gouvernement à permettre aux victimes de violences sexistes et sexuelles, hors cadre conjugal, de solliciter une ordonnance de protection. Il propose aussi d'expérimenter la création de pôles spécialisés sur les violences sexistes et sexuelles dans le cadre de relations de travail. Le tout avec un juge à la fois spécialisé dans le pénal et les litiges individuels entre employeurs et salariés. Enfin, il est notamment suggéré d'augmenter "les conditions de prise en charge par les assurances ou les mutuelles" des frais liés à une action judiciaire et aux soins des victimes de violences sexistes ou sexuelles.
Dans le domaine de la santé
Pour que les soignants repèrent efficacement les violences sexistes et sexuelles dans le cadre du travail, le rapport avance l'idée de réfléchir à la construction d'un guide "de bonnes pratiques" émanant de la Haute Autorité de Santé, à l'instar de ce qui a été fait pour les violences au sein du couple.
Il propose aussi de compléter le Code de procédure pénale afin de permettre aux Ordres des médecins la consultation d'une partie du casier judiciaire d'un soignant, "dès lors que l'Ordre est alerté sur des faits susceptibles de constituer un manquement aux règles déontologiques". Mais aussi d'accéder au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes "au moment de l'inscription et lors des dépôts de plainte".
Afin de mieux accompagner les victimes, la mission souhaite réformer le dispositif Mon soutien psy, en permettant "une prise en charge par la Sécurité sociale d'un suivi psychologique pour les femmes victimes de violences sur plusieurs mois". Elles seraient en outre suivies par des professionnels spécialisés dans les traumatismes psychologiques.
Dans les milieux culturel et médiatique
Alors que le mouvement #MeToo a émergé dans le monde du cinéma en 2017, le rapport recommande entre autres de développer et mieux reconnaître le métier de coordinateur d'intimité. Sur un tournage, son rôle est d'assurer le bien-être des comédiens et des actrices lors des scènes de sexe ou d'intimité.
Dans le domaine des médias, les autrices dressent ce constat : "Le champ de contrôle et d'incitation de l'Arcom [le gendarme de l'audiovisuel] relève de la lutte contre les stéréotypes sexistes, à travers l'image de la femme dans les médias, plutôt que les phénomènes" de violences sexistes et sexuelles au sein des médias. Elles souhaitent donc, à terme, "expertiser l'élargissement des compétences, des moyens d'investigation et de sanction de l'Arcom".
Dans l'univers du sport
Dans ce domaine, entaché par des affaires de violences sexistes et sexuelles, il est notamment proposé de mettre en place une équipe d'entraîneurs, si possible mixte, pour un groupe de sports "afin d'éviter une relation duale entraîneur/entraîné". Mais aussi de favoriser l'accession des femmes à des postes d'entraîneuses et de mettre en place "une stratégie de repérage, de recueil et de libération de la parole en formant dans chaque structure sportive un référent" chargé des violences sexistes et sexuelles.
Le rapport suggère également de conditionner la délivrance de la carte professionnelle sportive aux éducateurs ayant suivi une formation aux violences sexistes et sexuelles. Il évoque par ailleurs la piste d'une harmonisation des grilles de sanctions entre les fédérations sportives.
Dans les institutions politiques
A destination des institutions politiques et des collectivités locales, la mission se veut tout aussi ambitieuse. Elle propose de réserver "une fraction du financement des partis politiques dans les assemblées" au respect de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Mais également d'obliger un juge "à motiver la décision de non-application de la peine d'inéligibilité" en cas de condamnation à ce sujet.
Enfin, les autrices du rapport souhaitent que chaque instance politique et association représentante des élus locaux se dote d'une charte sur les violences sexistes et sexuelles, en plus d'établir des sanctions disciplinaires dans les règlements intérieurs des assemblées.
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