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Pourquoi Hollande déterre le droit de vote des étrangers

On pensait la promesse présidentielle enterrée. Mais le chef de l'Etat a rappelé son attachement au droit de vote des étrangers non-communautaires pour les élections locales, à l'occasion du 14-Juillet.

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le président de la République, François Hollande, lors de la traditionnelle interview du 14-Juillet, le lundi 14 juillet 2014, à l'Elysée.  (THIBAULT CAMUS / AFP)

C'est le retour d'un vieux serpent de mer. "Le droit de vote des étrangers, j'y suis favorable, uniquement pour les élections locales", a expliqué, lundi 14 juillet, François Hollande, lors d'une interview télévisée. Interrogé plus spécifiquement sur le droit de vote des étrangers, le chef de l'Etat a répondu que "toutes ces réformes [de société] viendront en 2016"

Depuis son arrivée à l'Elysée, la promesse du président de la République semblait être passée à la trappe, faute de majorité nécessaireEn mai dernier, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, avait d'ailleurs jugé qu'il n'était pas nécessaire de présenter un texte au Parlement : "Il n'y a pas de majorité constitutionnelle pour faire cela. (...) Ce n'est pas la peine de poser des questions dont on sait qu'on n'a pas les moyens de les résoudre." Alors pourquoi ce revirement de la part de François Hollande ? Eléments de réponse.

Parce que c'est une vieille promesse de la gauche

La promesse d'accorder le droit de vote aux étrangers non-communautaires (c'est-à-dire ne venant pas de l'Union européenne) aux élections locales n'est pas nouvelle à gauche. Cette mesure faisait partie des "110 propositions" de François Mitterrand en 1981. François Hollande l'a reprise pendant sa campagne, en l'inscrivant parmi ses "60 engagements pour la France". En 2000, l'Assemblée nationale avait adopté un texte sur le droit de vote des étrangers, mais Lionel Jospin "renoncera à le transférer au Sénat, où la majorité de droite l'aurait rejeté", rapporte Le Monde.fr. Le sujet figurera dans son programme en 2002. Même chose pour Ségolène Royal en 2007.

Parce que cela remobilise la gauche du PS

En réaffirmant son soutien au droit de vote des étrangers, François Hollande cherche à chouchouter sa majorité tiraillée et divisée. Pacte de responsabilité, budget de la Sécu, main tendue au Medef... Les choix du président de la République et de son Premier ministre divisent les députés socialistes, certains allant même jusqu'à organiser une fronde pour tenter de faire plier l'exécutif.

En dépoussiérant une vieille promesse du PS, le chef de l'Etat donne donc des gages à la gauche de sa majorité. Au-delà des socialistes d'ailleurs. Ainsi, Cécile Duflot, pour Europe Ecologie-Les Verts, déclarait en septembre 2012 : "Ça fait vingt ans que c'est une urgence. Je crois que c'est maintenant une nécessité." 

Parce que le sujet gêne l'UMP

Selon un sondage Harris Interactive réalisé en mai 2013, 54% des Français sont favorables à l'extension du droit de vote aux étrangers extra-européens aux élections locales. Une proportion en recul de cinq points par rapport à 2011. En 2012, deux sondages contredisaient cette tendance : 61% et 63% des Français se déclaraient alors contre cette mesure, selon respectivement les instituts Ifop et CSA. Le sujet divise profondément la classe politique française. "La question du droit de vote des étrangers aux élections locales est un fonds de commerce pour l'extrême droite, un épouvantail pour l'opposition et une revendication de longue date d'une partie de la gauche", résume Le Figaro.

L'UMP n'a pas tardé à réagir à l'annonce de François Hollande. Cette réforme "va diviser à nouveau les Français" et sera "le dernier clou sur le cercueil de la nation," a estimé l'ancien ministre UMP Bruno Le Maire, mardi 15 juillet. Lors des questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le député UMP des Alpes-Maritimes Eric Ciotti s'en est pris à François Hollande, qui "joue aux apprentis sorciers avec les communautarismes". Pour lui, l'objectif du chef de l'Etat est "de faire monter les extrêmes et de les faire entrer dans l'Assemblée nationale""Vous divisez le pays", a répondu Manuel Valls, prenant bien soin cependant de ne pas évoquer le droit de vote des étrangers. En septembre 2012, celui qui était alors ministre de l'Intérieur aurait déclaré, selon Le Point : "C'est un thème qui nous a fait perdre deux points entre les deux tours de la présidentielle, en donnant à des électeurs du FN une raison de revoter pour Sarkozy."

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