Sortir des 35 heures, la mission impossible de la droite
Depuis 2002, la droite cherche à remettre en cause, plus ou moins frontalement, la réduction du temps de travail mise en place par la gauche en 2000. Plus facile à dire qu'à faire...
Les 35 heures, stop ou encore ? La question revient régulièrement depuis la mise en place de la réduction du temps de travail par le gouvernement Jospin en 2000. Dans son programme pour 2012, dévoilé mardi 22 novembre à Lambersart (Nord), l'UMP a une nouvelle fois proposé de "sortir des 35 heures" (fichier PDF). Mais en dix années au pouvoir, pourquoi la droite n'a-t-elle pas réussi à détricoter ce que la gauche a mis sur pied en trois ans ?
• La droite divisée
La proposition du parti présidentiel fait suite à plusieurs prises de position appelant à la fin des 35 heures. La dernière en date émanait de l'aile libérale du parti, représentée par l'ancien secrétaire d'Etat aux PME, Hervé Novelli, qui rêve d'une durée du travail négociée branche par branche, et non fixée par la loi.
Pour d'autres, et pas des moindres, le débat sur les 35 heures est clos. Ainsi, dès la fin 2010, le ministre du Travail, Xavier Bertrand, estimait "impensable", dans un entretien à La Croix, d'aller plus loin dans leur remise en cause.
Le texte présenté mardi par l'UMP a été regardé de près par Nicolas Sarkozy, qui a autorisé les dirigeants du parti à engager une réflexion sur le sujet. Mais le chef de l'Etat a fait part de ses réserves, relève Lepoint.fr, craignant qu'une suppression des 35 heures entraîne une hausse du coût du travail, donc davantage de chômage.
• Une tentative de contournement peu efficace
Avant d'arriver au pouvoir en 2007, Nicolas Sarkozy avait annoncé la couleur : "Il faudra sortir des 35 heures." Oui, mais pas n'importe comment : "Que certains salariés soient heureux à 35 heures et souhaitent y demeurer est parfaitement respectable. D’autres veulent pouvoir gagner plus en travaillant plus longtemps. Au nom de quoi devrait-on le leur interdire ?" Autrement dit, pas question de revenir sur la durée légale du travail. La solution de Nicolas Sarkozy consiste à la contourner.
Le gouvernement adopte à cet effet l'une des mesures les plus emblématiques du quinquennat : la défiscalisation des heures supplémentaires. Les heures travaillées au-delà des 35 heures ne sont plus imposables et bénéficient d'allègements de charges sociales pour le salarié et pour l'employeur.
Mais ce mécanisme a eu des résultats mitigés. Selon un rapport parlementaire de juillet 2011, "le nombre annuel d’heures supplémentaires n’a pas connu de hausse significative et la durée moyenne effective du travail n’a pas substantiellement augmenté". En revanche, cette mesure très coûteuse (4,5 milliards d'euros par an) aurait provoqué un effet d'aubaine pour les entreprises qui ont déclaré des heures supplémentaires jusque-là effectuées sans être déclarées.
• Une mesure trop risquée politiquement
L'abandon des 35 heures réduirait le nombre d'heures supplémentaires, donc les réductions d'impôt et de charges qui y sont rattachées. Ce qui reviendrait à travailler plus longtemps sans gagner davantage. Et à pénaliser le pouvoir d'achat. Une politique difficilement tenable en pleine période de crise.
Une telle décision aurait conduit à l'inverse du "travailler plus pour gagner plus" promis par Nicolas Sarkozy en 2007, note le journaliste du Figaro Marc Landré. Avec tous les risques politiques qui en découlent au moment de défendre le bilan du quinquennat.
• Des entreprises qui tiennent à leurs exonérations de charges
Pour accompagner le passage aux 35 heures sans diminution de salaire, qui engendre mécaniquement une hausse du coût horaire, le gouvernement Jospin avait consenti des baisses de charges pour les entreprises. En 2003, le ministre du Travail, François Fillon, a remis à plat ces exonérations : elles sont alors ciblées sur les bas salaires (en-dessous de 1,6 smic).
Revenir sur la durée légale du travail s'accompagnerait d'une remise en cause – au moins partielle – de ces exonérations de charges sociales, qui représentent une somme énorme : 21 milliards d'euros par an. Une manne à laquelle les entreprises ne sont pas du tout prêtes à renoncer, ce qui explique les réserves des organisations patronales comme le Medef et la CGPME. A moins de supprimer des emplois...
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