Euro d'athlétisme : transformer l'essai lors des Jeux de Paris 2024, le délicat prochain objectif des médaillés français
Les Bleus de l'athlétisme n'avaient pas connu une telle fête depuis dix ans et le cru suisse exceptionnel de 26 médailles (dont 10 titres) glanées à Zürich. Dans le majestueux parc du Foro italico, à Rome, l'équipe de France a mis la main sur 16 breloques européennes (quatre d'or, cinq d'argent et sept de bronze), ce qui la place deuxième du classement des médailles, derrière l'Italie (24). A moins de deux mois du début des Jeux olympiques (1er au 11 août pour les épreuves d'athlétisme), le clan tricolore a signé son troisième meilleur bilan de l'histoire.
Deux ans plus tôt, les Bleus étaient rentrés les bagages légers d'Allemagne, avec seulement neuf médailles européennes, et surtout aucun titre. Dans la capitale italienne, les sourires ont regagné les rangs de la Fédération française d'athlétisme. "Les athlètes peuvent bomber le torse mais en gardant en tête qu'il y a encore une marche à franchir pour les Jeux olympiques. On a des frissons quand ça se passe comme ça, donc on ne va pas bouder notre plaisir. Et puis après, on va repartir au boulot", savourait le directeur de la haute performance Romain Barras, avant l’entame de l’ultime journée de compétition, mercredi 12 juin.
L'effet JO à domicile
Ce retour sur le devant de la scène européenne de l'athlétisme français n'a pas surpris les observateurs du milieu. "On se trouve dans une année olympique. Il y a des performances qui sont en train d'éclore partout, tout simplement parce que tous les Français ont ce rêve de participer aux Jeux chez eux. C'était évident qu'on allait en voir les effets à Rome", analyse Maryse Ewanjé-Epée, consultante pour France Télévisions, qui s'attendait à une vingtaine de breloques.
Longtemps perçu comme le sauveur de l'équipe de France, Kevin Mayer s'est gargarisé des résultats de ses camarades, lui qui la défendait même au plus bas. "C'est la règle des vagues. Il y a toujours le creux de la vague où tout le monde s'inquiète. Mais je crois qu'il faut toujours un creux pour profiter lorsqu'elle arrive à son ascension. L'ascension a lieu totalement au bon moment", saluait le décathlonien à l’issue de son concours.
"Il y a des tourbillons négatifs et il y a des tourbillons positifs. Je crois que là, on vient de commencer un tourbillon assez positif qui va continuer jusqu'à Paris."
Kevin Mayer, sur les résultats de l'équipe de Franceen zone mixte
Après des années de disette – une seule médaille à Tokyo en 2021 (l'argent de Kevin Mayer), une seule aux Mondiaux de Eugene en 2022 (l'or de Kevin Mayer), une seule encore aux Mondiaux 2023 de Budapest (l'argent du collectif masculin du 4x400 m) –, les Bleus peuvent-ils également espérer redresser leur bilan sur la scène internationale ?
Cyréna Samba-Mayela en cheffe de file
Certains membres de l’équipe de France ont prouvé sur le tartan bleu italien qu’ils possédaient bien l’étoffe, Cyréna Samba-Mayela en tête, avec ses 12"31 au 100 m haies, un chrono de classe mondiale (meilleure performance mondiale de la saison). Avec un décathlon record mais imparfait pour l'un, et à 80% pour l'autre, Makenson Gletty et Kevin Mayer ont tous deux le potentiel pour monter sur le podium à Paris. La fougue de l'heptathlonienne Auriana Lazraq-Khlass, qui a su tirer son épingle du jeu dans une concurrence européenne redoutable, laisse aussi entrevoir des possibilités. Dans des disciplines à risque comme les épreuves combinées, il n’est pas interdit d’espérer.
Si son chrono continue de descendre, Alice Finot peut aussi prétendre jouer à l’avant sur le 3 000 m steeple, elle qui est sortie de sa stratégie habituelle pour mener à un tour de l'arrivée. Les absents de Rome, comme les hurdleurs du 110 m haies, représentent aussi une vraie chance au niveau mondial. Et s'il parvient à se sublimer comme en Hongrie l'été dernier, le perchiste Thibaut Collet (5e à Rome) peut également faire partie des prétendants.
"Si on obtient quatre ou cinq médailles, ce serait déjà fantastique. Mais on peut aussi en avoir un peu plus parce qu'on joue à domicile et que les athlètes vont se transcender", estime Maryse Ewanjé-Epée. "On le voit ici, les Italiens font des résultats qui sont magnifiques. On travaille depuis longtemps avec les équipes pour pouvoir se servir de cet 'home advantage'", confirme Romain Barras, tout en soulignant qu’en sept semaines, rien ne sera "révolutionné".
"Je suis content que les athlètes puissent partir sur une campagne olympique avec des certitudes et le plein de confiance. Ceux qui sont passés un petit peu à côté pourront aussi tirer les enseignements à un peu moins de deux mois des Jeux pour se remettre en question et savoir sur quoi ils vont appuyer."
Romain Barras, directeur de la performance de la FFAà franceinfo: sport
Néanmoins, pour une partie des médaillés de la semaine romaine, les sept semaines restantes ne seront sûrement pas suffisantes pour combler les secondes et centimètres de retard sur la concurrence mondiale d'ici aux JO. "Beaucoup de performances ne seront pas suffisantes et je pense que les athlètes le savent eux-mêmes, estime Stéphane Diagana, également consultant pour France Télévisions. Il y a encore du travail. Peut-être que ce ne sera pas pour cette année, mais pour plus tard."
Un rendez-vous pris pour l'avenir
Ainsi, quand la jeune Louise Maraval, 22 ans, brille à chacune de ses sorties pour porter son record à 54"23 sur 400 m haies, les meilleures mondiales courent sous les 53 et même 52 secondes. Il faudrait qu'elle mette une claque à sa marque pour enfiler une breloque autour du cou. Alexis Miellet, le tout récent champion d'Europe du 3 000 m steeple, assurait de son côté à l'issue de sa course vouloir rester "lucide" quant à son niveau sur une discipline qu'il découvre tout juste. Plutôt que de viser le podium, le Dijonnais a glissé préférer se fixer l'objectif d'une place de finaliste, tout en se laissant l'opportunité de saisir une occasion.
"Si la France avait pu avoir en 2020 les championnats d'Europe à Paris [annulés à cause de la pandémie de Covid-19], cela aurait probablement fait éclore un peu plus tôt cette génération qui arrive maintenant et qui risque malgré tout d'être encore un peu tendre pour préparer les JO de 2024", estime Maryse Ewanjé-Epée. A défaut de pouvoir affoler le compteur de médailles dès cet été, une partie de la délégation tricolore a pris date pour l'avenir en Italie.
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