Irlande-France : comment le troisième ligne irlandais Josh van der Flier est devenu le meilleur joueur du monde
Sous son casque rouge, le blondinet passe difficilement inaperçu au milieu de la marée verte. A 29 ans, le troisième ligne aile Josh van der Flier représente l'une des pierres angulaires du rouleau compresseur irlandais, vainqueur sans appel (34-10) à Cardiff (pays de Galles) lors de son premier match du Tournoi des six nations.
Rarement mis en avant et d'une personnalité plutôt effacée, le numéro 7 a attiré la lumière en étant désigné meilleur joueur du monde en novembre 2022, succédant à Antoine Dupont. Il retrouvera justement le Français dans son jardin de l'Aviva Stadium, samedi 11 février à 15h15 (match à suivre sur France 2 et france.tv).
Aux côtés des massifs Caelan Doris et Peter O'Mahony, tous deux au-dessus du quintal et du mètre 90, Van der Flier (1,86 m, 98 kg) fait presque office de tendre dans la troisième ligne irlandaise. L'infatigable plaqueur compense ce déficit – très relatif – avec une activité folle. Avec 15 plaquages par match international en 2022, il détient la plus haute moyenne parmi les joueurs des principales nations.
"J'avais des doutes à son arrivée en équipe d'Irlande"
"Défensivement, il est très précis, indique au Sun [lien en anglais] Robin McBryde, l'un de ses entraîneurs au Leinster, son club de toujours. Mais il est aussi très dynamique, porte le ballon avec force et a la capacité de briser des plaquages." Auteur de l'essai du bonus à Cardiff, il s'est inscrit dans la lignée de sa saison prolifique : avec cinq réalisations, il est le meilleur marqueur de la Champions Cup.
Dit ainsi, l'itinéraire du joueur d'origine néerlandaise semblerait suivre un destin tout tracé. Il n'en est pourtant rien. Avant de devenir indéboulonnable en sélection, Van der Flier, international depuis 2016 (46 capes au total), a rongé son frein. "Je ne vais pas mentir, j'avais des doutes quand il est arrivé en équipe d'Irlande, se rappelle l'ex-troisième ligne (2006-2012) Stephen Ferris pour le média Joe [en anglais]. Je le trouvais un peu léger."
D'abord second couteau en sélection et sujet aux blessures, il prend du galon en 2019, en remplacement de son aîné Sean O'Brien. Titulaire lors du Mondial au Japon, il est toutefois écarté du XV du Trèfle après une défaite (13-15) face aux Bleus lors du Tournoi 2021. S'ensuit un travail minutieux pour élargir sa palette.
"Il a dû se réinventer, devenir un bien meilleur porteur de balle pour plus participer au jeu, a récemment loué la légende Brian O'Driscoll. La constance dans ses performances est assez étonnante." "J'aime voir cette résilience chez les joueurs, pour revenir plus fort qu'ils ne l'ont jamais été", complète Rob Kearney, autre grand nom du rugby irlandais. Désormais très mobile, le Leinsterman possède l'attirail complet du troisième ligne aile de niveau international.
21 essais depuis un an et demi
Adroit avec ses mains, car formé au poste de demi de mêlée jusqu'à ses 16 ans, Josh van der Flier a vu ses statistiques individuelles exploser. Alors qu'il n'avait inscrit que 14 essais toutes compétitions confondues sur ses sept premières saisons (2014-2021), le troisième ligne a plongé dans l'en-but à... 21 reprises depuis septembre 2021. Et plutôt dans des matchs qui comptent, dont celui face à l'Afrique du Sud à l'automne (19-16).
A l'instar d'un Charles Ollivon chez les Bleus, il n'hésite pas à s'intercaler dans la ligne d'attaque, en soutien direct de ses trois-quarts. Ce chamboulement dans son jeu a été initié après la lecture du livre de Richie McCaw, illustre numéro 7 néo-zélandais, double champion du monde avec les All Blacks.
"Plutôt que de regarder son nombre de ballons perdus, McCaw évaluait son efficacité sur ses actions. Je m'en inspire en tentant de lire le jeu sans me gaspiller ailleurs."
Josh van der Flierau média irlandais The 42, en 2019
D'un naturel plutôt timide, Van der Flier a également modifié son approche des rencontres, troquant ses écouteurs par des blagues avec ses coéquipiers. "J'essaie de rester décontracté autant que possible, et ça fonctionne très bien", expliquait-il récemment au média irlandais Independent [lien en anglais]. Pas programmé pour figurer sous les projecteurs, l'homme "le plus humble qui soit" (dixit son coach Robin McBryde) et "le plus gentil dans le rugby" (Brian O'Driscoll) se fait à son statut de star sans renier un côté "terre-à-terre" propre à son sport.
Ainsi, plus que la finale de Champions Cup (perdue face à La Rochelle malgré 25 plaquages), la victoire irlandaise à Twickenham ou sa distinction individuelle, le climax de son année 2022 reste... son mariage en août. "Si je ne dis pas ça, ma femme voudra me tuer !", en rigole-t-il. Une réponse logique pour ce fervent catholique qui voit le rugby comme "un cadeau de Dieu". Intello tranquille, il n'hésite pas à citer Gandhi ou Nietzsche en interview. "Mais attention, ce n'est pas parce qu'il est calme qu'il ne met pas d'intensité sur le terrain", en plaisantait son sélectionneur Andy Farrell en 2021. Inutile de prévenir les Bleus, ils le connaissent déjà.
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