Six nations 2023 : l'irrésistible montée en puissance, la démonstration à Twickenham, l'élan brisé de Jelonch... Ce que l'on retient du Tournoi de la France
Le XV de France n'est pas parvenu à conserver son titre, désormais propriété irlandaise. Enoncé ainsi, ce constat tendrait à classer cette édition 2023 au rang d'échec. Il n'en est pourtant rien. Mal engagée, la compétition aura permis aux hommes de Galthié de prouver leur résilience et d'avancer, gonflés de confiance, vers leur grand défi mondial en septembre prochain. Les Bleus ont perdu leur titre mais ils ont gagné des certitudes. Filtrées au tamis de cinq matchs, celles-ci laissent apparaître quelques déchets mais surtout de nombreuses pépites.
Les satisfactions
Du pétard mouillé au show pyrotechnique
Il y avait un besoin impérieux de réagir. Dans l'urgence, sous la pression, on s'effondre ou on renaît. Les partenaires de Dupont ont choisi la deuxième option. Après la claque irlandaise qui a brûlé leurs joues dès le deuxième match, ils se sont remobilisés pour terminer en trombe un Tournoi qui aurait pu les paralyser. Au lieu de ça, le triptyque final, contre l'Ecosse, l'Angleterre et le pays de Galles ressemble au propulseur qui doit permettre à la fusée bleue de décrocher les étoiles dans quelques mois. Déjà plus conquérante contre l'Ecosse, la France a touché du doigt la perfection contre l'ennemi héréditaire anglais avant de conclure en beauté, sans toutefois atteindre la plénitude rugbystique de Twickenham, face aux Gallois. 94 points marqués lors de ces deux derniers matchs, 21 essais inscrits sur l'ensemble du Tournoi, les voyants sont passés au vert (hélas, le Grand Chelem aussi).
Meurtre dans un jardin anglais
Il ne s'agit pas ici de faire de l'anti-Anglais primaire. Mais il est difficile de bouder ce plaisir, quasi enfantin, d'avoir assisté à la plus belle raclée infligée par le XV de France à ses meilleurs ennemis. Les fondations du temple du rugby en tremblent encore. Les 82 000 spectateurs de Twickenham ont assisté à un spectacle horrifiant ou jubilatoire, selon du côté de la Manche où l'on est né. Pendant 80 minutes ou presque, les Bleus ont concassé de l'Anglais, dominant au large comme au ras, face à une Albion soudainement devenue plus putride que perfide.
Orgueil et préjugés
"Ne sous-estimez jamais le cœur d'un champion". La célèbre citation vient de l'autre côté de l'Atlantique et de la NBA, mais elle s'applique sans problème à un homme du genre de Grégory Alldritt. Morigéné pour ses prestations en début de Tournoi, le troisième ligne a fait le dos rond et attendu son heure. Il savait qu'elle viendrait. Que son orgueil prévaudrait sur les préjugés. "Je me suis amusé à lire les critiques d'anciens joueurs qui jaugeaient mon état de forme", savourait-il, vendredi, dans l'Equipe. "Je n'ai pas douté. J'étais surtout motivé pour me dépasser, prouver à moi-même, à l'équipe et au staff que je valais mieux que ça". Ereinté par l'accumulation des matchs en début de compétition, le Rochelais a, comme Dupont ou Ollivon, trouvé un second souffle. Le troisième devra maintenant coïncider avec la prochaine Coupe du monde.
Les regrets
Les risques de l'embourgeoisement
Antoine Dupont l'a reconnu en conférence de presse, vendredi : les Bleus, en début de Tournoi, s'étaient laissés bercer par le feu, nourri par les victoires, d'un confort bourgeois. Un feu chaleureux mais tellement pernicieux. "On était tombé dans une certaine routine. On avait pris pas mal d'habitudes dans notre vie de groupe et, parfois, on faisait les choses pour les faire, sans réelle conviction", a reconnu le capitaine français. La première victoire, étriquée, en Italie avait laissé paraître des failles dans l'investissement de certains, la déroute contre l'Irlande, une semaine plus tard, l'a confirmé. Par bonheur pour eux, les Bleus ont su troquer à temps les charmes discrets de la bourgeoisie contre un labeur et une fraîcheur bien plus adéquats. "On a essayé de retrouver de la joie de vivre et de l'émulation dans les semaines qui ont suivi", a confirmé Dupont. Il était temps.
La disgrâce Haouas
Un geste à ne surtout pas montrer dans les écoles de rugby. Un geste que Mohamed Haouas va certainement ruminer encore longtemps, et qui risque de le priver de Coupe du monde. Ce geste, c'est ce coup de casque sorti de nulle part de la part du pilier français en pleine tempe de l'Ecossais Ben White. On dit pourtant qu'un homme averti en vaut deux. Mais Haouas, déjà exclu pour un coup de poing irrationnel face à ces mêmes Ecossais il y a trois ans, a replongé. La clémence du juge Galthié risque d'en être largement altérée.
Jelonch, aile brisée
Certes, François Cros aura parfaitement remplacé Anthony Jelonch, victime d'une rupture du ligament croisé du genou contre l'Ecosse. Très solide contre les Anglais, Cros a même été monstrueux face aux Gallois, qu'il aura plaqués à 18 reprises (meilleur total du match). C'est sûr, la troisième ligne aile des Bleus a vite repoussé après ce coup dur mais on ne peut pas s'empêcher d'avoir une pensée pour le malheureux Jelonch, dont l'indisponibilité devrait durer environ six mois. Pas besoin d'avoir un doctorat en biologie pour comprendre que, pour le joueur du Stade toulousain, le rêve de participer à la Coupe du monde ressemble désormais à une douce chimère. Ou à un incroyable exploit contre-la-montre.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.