Ecosse-France : Grégory Alldritt, un leader de l'ombre au flegme britannique
Devenu un taulier du XV de France à 24 ans, le joueur du Stade rochelais entend bien renverser la patrie de son père, samedi, en ouverture de la troisième journée du Tournoi des six nations.
Depuis son retour comme titulaire face aux All Blacks et sa performance XXL, le numéro 8 français est devenu le symbole de ces avants acharnés qui permettent aux Bleus de briller et d'envoyer sereinement la balle à l'aile où la vie est belle (demandez donc à Gabin Villière et Damian Penaud). Face à l'Ecosse, samedi 26 février, Grégory Alldritt sera une nouvelle fois un élément clé du groupe concocté par Fabien Galthié pour aller chercher une troisième victoire consécutive dans le Tournoi des six nations, après les succès contre l'Italie et l'Irlande.
Sa performance n'est pas celle qui marque le plus la rétine, mais elle s'avère tout aussi précieuse que les courses fracassantes d'un Gabin Villière, d'un Antoine Dupont ou de la précision au pied de Melvyn Jaminet. Pourtant, les matchs se jouent bel et bien aussi et surtout devant. C'est dans l'ombre des rucks ou des mêlées, là où même les caméras n'arrivent pas à rendre compte de la rudesse des combats, où la moindre seconde gagnée, où le moindre centimètre gratté sont précieux, que Grégory Alldritt (24 ans, 1m91, 114 kg) brille.
Un perce-muraille habile ballon en main
Le natif du Gers, formé dans l'incontournable pouponnière du FC Auch (comme Antoine Dupont et Anthony Jelonch) est l'un des joueurs les plus en vue de ce début de tournoi. Toujours disponible, Grégory Alldritt impressionne par sa capacité à se relever vite pour enchaîner les courses. Il est le joueur qui a pour l'heure porté le plus de ballons lors de la compétition (30) et l'avant qui avance le plus après avoir cassé un plaquage (83 mètres au total). Sur ce dernier point, seuls des ailiers comme la pépite irlandaise Mack Hansen (107), l'Ecossais Darcy Graham (86) et le Français Damian Penaud (84) font mieux.
A l'image de sa passe décisive où il relève le ballon en tombant pour permettre à Gabin Villière de filer à l'essai face à l'Italie, le joueur rochelais "est un vrai numéro 8, très à l'aise techniquement" , explique Dimitri Yachvili, consultant France télévisions et ancien demi de mêlée du XV de France. Sa capacité à faire vivre le ballon après un plaquage ou à se proposer comme sauteur en touche viennent élargir une palette très large. Un profil multitâche auquel le staff des Bleus, adepte des expérimentations (Woki en deuxième ligne, Ntamack au centre...) pour être capable de répondre à toutes les éventualités, est profondément attaché.
"Même quand il n'est pas dans un grand jour, c'est un joueur régulier qui fait avancer son équipe. Dit comme ça, c'est simple, mais avancer, remettre son équipe dans l'avancée quand tu es un peu pris par le rythme, c'est le plus difficile et précieux. Mentalement, c'est très important."
Dimitri Yachvili, consultant France télévisions et ancien demi de mêlée du XV de Franceà franceinfo: sport
"Ce qu’a accompli Greg contre l'Italie est remarquable de densité et de constance", saluait d'ailleurs le manager Raphaël Ibanez après la victoire contre l'Italie. Il soulignait aussi la "constance dans son placement et dans l’énergie qu’il amène à l’ensemble de ses coéquipiers."
Le roi des rucks
Le Rochelais se montre tout aussi important défensivement, tantôt sécateur (11 plaquages contre l'Italie, neuf contre l'Irlande), tantôt poison dans les rucks. Par ce dernier aspect, il illustre une mutation du XV de France. Désormais, il est particulièrement appliqué à batailler dans le jeu au sol pour ralentir les adversaires sans se faire prendre par la patrouille. Cette stratégie a brillamment été menée lors des victoires contre les All Blacks et l'Irlande, alors qu'il s'agissait d'un secteur dans lequel les équipes britanniques ont longtemps été plus efficaces et concernées.
Dans le sillage d'un Grégory Alldritt qui se régale dans l'exercice, les Bleus maîtrisent désormais mieux le rythme des matchs. "Quand j'étais son coach à La Rochelle, je lui demandais pourquoi il allait dans tous les rucks. Il m'expliquait que c'était son rôle dans le système. Il excelle là-dedans (...) Greg a cette volonté de pourrir les rucks", confiait jeudi son ancien entraîneur à La Rochelle Grégory Patat dans les colonnes de L'Equipe.
Une pincée de flegme britannique ?
Outre ses qualités physiques et son intelligence de jeu, le joueur aux 28 sélections s'est installé en leader de vestiaire. Il fait partie de ceux qui prennent régulièrement la parole avant les matchs, pendant les regroupements sur le terrain. Un statut qu'il doit aussi à sa capacité à être "rassurant malgré son jeune âge", appuie Dimitri Yachvili. "Il apporte déjà beaucoup de maturité ce qui est très important quand on fait partie de l'épine dorsale d'une équipe."
Même si les Britanniques n'ont pas l'exclusivité du flegme, difficile de ne pas émettre l'hypothèse que le sang-froid de Grégory Alldritt lui vient peut-être en partie de son père, né à Stirling, en Ecosse. Cette attache ne rendra que plus mythique le fameux Flower of Scotland qu'il entendra samedi. "Murrayfield c'est un stade un peu atypique, il te fait ressentir le poids de l'histoire, témoigne Dimitri Yachvili. Flower of Scotland "est un hymne tellement beau que tu te sens presque Ecossais quand tu l'écoutes."
"Le côté émotionnel va être très fort, ça va être un moment encore plus particulier pour lui. Mais jusqu'à présent il a l'air de bien le gérer."
Dimitri Yachvilià franceinfo: sport
Pour son troisième match en bleu, le premier face à la patrie paternelle, le minot avait planté les deux premiers essais de sa carrière sous la maillot floqué du coq. Pour la pression, on repassera. Depuis, rien n'a vraiment changé. S'il a pris de la bouteille en devenant l'un des tauliers de l'équipe, Grégory Alldritt compte bien de nouveau jouer un vilain tour au XV du Chardon.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.