Tony Meilhon condamné à la perpétuité pour le meurtre de Laëtitia
Sa condamnation est assortie d’une période de sûreté de 22 ans. Les assises de Loire-Atlantique ont aussi retenu la rétention de sûreté. Retour sur les temps forts du procès.
Il a obtenu la peine qu’il feignait de réclamer. Et l'a accueillie d'un bref "merci". Tony Meilhon a été condamné à la perpétuité, assortie d’une période de sûreté de vingt-deux ans, par la cour d’assises de Loire-Atlantique, mercredi 5 juin. Ce multirécidiviste de 33 ans a été reconnu coupable d’avoir étranglé, poignardé puis découpé Laëtitia Perrais, 18 ans, dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011, près de Pornic.
La cour l'a considéré en "récidive légale", et a retenu la rétention de sûreté, requise par le parquet. Cette mesure, créée en 2008 sous Nicolas Sarkozy, permet le maintien en détention d'un condamné qui a fini de purger sa peine, si une commission de psychiatres estime qu'il est toujours dangereux. La ministre de la Justice, Christiane Taubira, a récemment annoncé son intention de la supprimer.
Pendant les deux semaines d'audiences, qui ont provoqué une affluence inédite au palais de justice de Nantes, l’accusé a tenté de se bâtir une autre image. En vain, malgré ses larmes versées le dernier jour. Retour sur les temps forts de ce procès.
L’accusé : Tony Meilhon entre hypercontrôle et arrogance
Au premier jour de son procès, Tony Meilhon surprend tout le monde. Cheveux noirs noués en catogan, visage lunaire inquiétant, l’accusé veut "dire la vérité". Finis le mutisme et l’attitude provocatrice relevés tout au long de l’instruction. Le trentenaire déroule sa version des faits, sur un ton posé, policé : cette nuit-là, il renverse accidentellement le scooter de Laëtitia, la croit morte, la transporte dans une forêt où il la poignarde – à 44 reprises – pour faire croire à un crime de sang. Puis il fait appel à un ami, "Monsieur X", pour découper le corps. Chacun va ensuite jeter les parties du cadavre dans deux étangs de la région.
A la barre, les médecins légistes disent tout autre chose : Laëtitia a été violemment frappée avant de mourir étranglée. Et seul l’ADN de l’accusé a été retrouvé sur les liens qui ont servi à attacher les morceaux de corps. Face à ces éléments et aux questions insistantes de l’accusation, Tony Meilhon perd de son flegme. Son attitude d’hypercontrôle se fissure. Celui qui répondait aux questions de façon presque professionnelle, son dossier à la main, s’embrouille. Et retrouve son arrogance, un sourire en coin. "Quels ont été les derniers mots de Laëtitia ?", lui demande Cécile De Oliveira, l’avocate de Jessica, la sœur jumelle de la victime. Tony Meilhon ose l’ironie : "Qu'elle pensait à vous."
"Caméléon psychiatrique" - la caractéristique des "psychopathes", selon un expert -, l’accusé troque régulièrement son air sardonique pour le masque de la contrition. "C’est le procès de ma vie", lâche-t-il, réclamant la perpétuité et regrettant qu'"en France, on ne guillotine plus les gens". Dans un hommage glaçant et déplacé à Laëtitia, il dépeint "une fille superbe, pleine de vie, franche et sincère". Tout cela sur le même ton monocorde. Il a beau prétendre qu’il "se hait" pour "avoir commis l’irréparable", Tony Meilhon a "une bonne estime de lui-même", jugent psychiatres et psychologues.
Voilà qui expliquerait son déni du pire, à savoir l’homicide volontaire et le démembrement de Laëtitia, imputé à "Monsieur X". Faut-il y voir le dernier signe de son "humanité", comme le suggère l’un des experts ? Tony Meilhon ne peut dire l'indicible. Et, le dernier jour de son procès, le masque se fissure, pour laisser voir un visage éprouvé. "Je suis rongé par le remords même si d'apparence, ça ne se voit pas. Je ne suis pas insensible", assure l'accusé en versant quelques larmes, pour la première fois.
"Je souhaite à Tony Meilhon qu'il soit sincère dans ses remords", confie Cécile De Oliveira en marge de l'audience. D'autres, comme l'avocate générale Florence Lecoq, n'y voient que des "regrets d'opérette". Une stratégie pour préserver son image en prison, dont il connaît trop bien les lois. "Je sais qu'il ne dira jamais qu’il l'a tuée ou violée, en prison, c'est impossible…", assure un ancien codétenu à la barre. Si Tony Meilhon n’est pas poursuivi pour viol dans cette affaire, la possibilité d’un rapport sexuel conflictuel avec Laëtitia subsiste.
Le moment fort : Laëtitia Perrais revit à travers des photos
Le silence est lourd, presque religieux. Pour la septième journée d’audience, consacrée à Laëtitia, ses proches ont préparé un diaporama, projeté devant la cour pendant quelques minutes. On y voit défiler la courte vie de la victime, qui rajeunit au fil des clichés. La jeune fille mutine et mystérieuse, fleur rouge dans les cheveux, devient une ado au sourire bagué sur les pistes de ski, puis un bébé en body, le regard tourné vers sa sœur jumelle. Comme une tentative désespérée de remonter le temps et d’inverser le fil des évènements. La veille, ce sont les images insoutenables du corps démembré de la victime qui ont été projetées aux jurés.
La cour d’assises a tenté de comprendre comment Laëtitia, plutôt "discrète et réservée", s’est laissée embarquer dans cette virée funeste avec l’accusé. Un homme de dix ans son aîné, qu’elle venait de rencontrer sur la plage, et avec lequel elle a bu de l'alcool et consommé de la cocaïne. Se dessine au fil des témoignages le profil d’une jeune fille "fragile", en souffrance, en proie à des pensées autodestructrices. En témoignent ces lettres testamentaires écrites début janvier, peu avant sa mort. Elle y lègue ses vêtements, y fait don de ses organes.
"Il s'est passé quelque chose" à cette période, analyse a posteriori la mère de sa famille d’accueil, Michèle Patron. La possibilité que Laëtitia ait été violée par Gilles Patron, le père, a été évoquée devant la cour, après le témoignage d’une de ses meilleures amies. "Je n’ai jamais touché à un seul cheveu de Laëtitia", jure ce dernier. Cette hypothèse "ne connaîtra jamais de vérité judiciaire", selon les termes de Cécile De Oliveira. Gilles Patron est en revanche mis en examen pour viols et agressions sexuelles sur six personnes, dont Jessica.
La victime collatérale : Jessica, la sœur jumelle de Laëtitia
Certains jours, elle était là, sur les bancs des parties civiles, discrète. D’autres, elle sortait de la salle, à la limite de l'évanouissement, ne supportant pas d’entendre l’accusé "salir" sa sœur, comparée à un "sac de ciment", ou livrer des détails sur le déroulement des faits. Jessica Perrais a assisté tant bien que mal à ce procès, "essentiel" à sa reconstruction, de l’avis de son avocate, qui a ferraillé jusqu’au bout avec Tony Meilhon pour éclaircir les circonstances de la mort de Laëtitia.
Le témoignage de cette jeune fille brune aux cheveux courts, très attendu, n’a pas eu lieu. Jessica, qui avait l’habitude de parler pour sa sœur jumelle, s’en est à son tour remise à un porte-voix. Son éducatrice a raconté pour elle le traumatisme laissé par le sort de Laëtitia, les stigmates, au quotidien. Comme cette incapacité à "manipuler ou découper" de la viande rouge dans le cadre de son emploi d’apprentie cuisinière. Cette impossibilité à vivre seule, maintenant qu’elle a perdu "sa moitié". Placée sous curatelle, titulaire du statut de travailleuse handicapée, hospitalisée plusieurs fois en psychiatrie, Jessica est la seconde victime de Tony Meilhon. "Une partie d’elle est morte" avec sa sœur, confirme son éducatrice, qui évoque toutefois une certaine capacité de "résilience".
Sur le chemin de la reconstruction et de la compréhension, le passage de la justice fera sans doute son œuvre. Peut-on en dire autant de Tony Meilhon, qui s’est petit à petit éloigné des débats, s’enfermant dans son box bien gardé par quatre molosses du GIPN ? La question de sa réinsertion, à long terme, a été au cœur des débats. Deux experts l'ont estimée possible. Son avocat, Fathi Benbrahim, a plaidé en ce sens. L'avocate générale est sceptique : "Tony Meilhon est un prédateur, dépourvu de scrupules, qui devra accomplir un long chemin pour, peut-être un jour, redevenir un homme digne de ce nom." Mercredi, dans l'imposant palais de justice de Nantes, c'est un homme seul, face à la justice, qui a encaissé le verdict.
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