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Un député FN à l’Assemblée, ça changerait quoi?

La possible entrée d'élus frontistes au Palais Bourbon inquiète leurs opposants. Mais vu le nombre de sièges concernés, les conséquences de ce retour, 26 ans après la dernière élection de députés FN, seraient politiquement limitées.

Article rédigé par Christophe Rauzy
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Marine Le Pen, la présidente du FN, et Gilbert Collard, candidat du Rassemblement bleu Marine dans le Gard, à Gallician (Gard), le 7 juin 2012. (BORIS HORVAT / AFP)

Les polémiques liées au rapprochement FN-UMP lors de l'entre-deux tours ont ravivé la crainte de certains électeurs et élus de voir des députés Front national faire leur retour à l’Assemblée. Entre 1986 et 1988, 35 frontistes avaient siégé au Palais Bourbon, affaiblissant la majorité de droite sans parvenir à faire passer des propositions de loi polémiques, comme le rappelle Le Figaro.

En 2012, le FN s’est maintenu dans 61 circonscriptions au second tour des législatives et possède de vraies chances de victoires dans plusieurs d'entre elles. Mais concrètement, la face de l’Assemblée nationale et la tournure des débats ne devraient pas en être ébranlée.

• Combien seront-ils ?

La perspective de voir des députés Front national a réjoui la présidente du parti, Marine Le Pen, dimanche 10 juin, au soir du premier tour. Si l’on se penche sur les possibles chances de victoire du FN au second tour, elles devraient être limitées. Les plus probables sont au nombre de quatre : Gilbert Collard dans le Gard, Marion Maréchal-Le Pen dans le Vaucluse, Marine Le Pen dans le Pas-de-Calais ou encore Valérie Laupies dans les Bouches-du-Rhône.

Si le FN pourra en tirer des revenus, environ 42 000 euros par député et par an pour chaque parti, la poignée de députés frontistes élus ne sera pas suffisante pour peser politiquement à l’Assemblée. En effet, le Front national ne pourra pas rassembler les 15 députés nécessaires pour constituer un groupe parlementaire, rassemblement qui unit les députés d’un même camp à l’Assemblée et autour duquel tourne l’organisation des débats au Palais Bourbon.

Dès lors, les députés frontistes seront considérés comme des "non inscrits" et seront trop peu nombreux pour handicaper les futurs textes de la majorité ou le travail de la future opposition.

• Un temps de parole réduit

On risque de ne pas voir souvent des députés FN prendre la parole à l’Assemblée lors des fameuses questions au gouvernement. C’est en effet l’appartenance aux groupes parlementaires qui conditionne la prise de micro dans l’hémicycle, lors de ces médiatiques séances télévisées du mardi et mercredi après-midi. Chaque non-inscrit n’a le droit de poser qu’à une question au gouvernement par an.

Et quand ils sont autorisés à interpeller un ministre, c'est souvent en fin de séance, quand les caméras sont éteintes. Ce dont se plaignait Nicolas Dupont-Aignan, député de Debout la République et non-inscrit, au micro de l'Assemblée en avril 2009, comme le relève le site nosdeputes.fr : "Contrairement à ce qui a cours au Sénat, les huit députés non inscrits ne disposent pas d'un quota de questions correspondant à leur nombre. De surcroît, nous sommes toujours invités à les poser en fin de séance, alors que la plupart de nos collègues ont déjà quitté l'hémicycle. Ce n'est pas digne de notre Assemblée."

Enfin la plupart du temps, lors d’une discussion générale sur un projet ou une proposition de loi, seul un des non-inscrits peut s’exprimer pendant cette séance, sachant que ces députés sans groupe ne sont évidemment pas tous du même avis.

• La solitude du non-inscrit

S’il aura bien droit à un bureau au Palais Bourbon comme tous les autres, le député FN ne bénéficiera pas des mêmes facilités que ses homologues du PS ou de l’UMP. Quand on est affilié à un groupe parlementaire, on bénéficie en effet d’un secrétariat et de collaborateurs qui préparent des revues de presse et assistent grandement l’élu dans la préparation des amendements ou les réponses aux courriers.

Autre désavantage à prévoir pour les élus du Front national, la solitude du député qui regarde ses camarades se réunir pour fixer collectivement les positions à adopter sur tel ou tel texte, sur les amendements à proposer, la communication à préparer, bref pour accorder les violons d’un parti. "C'est un peu dur de voir les collègues se rendre en réunion de groupe quand vous n'en avez pas", regrettait ainsi Jean Lassalle dans Le Figaro en juin 2007, alors que le député Modem découvrait le sort des non-inscrits aux côtés de François Bayrou.

• La liberté de ton

C’est ce point qui doit faire trépigner d’impatience les futurs députés du Rassemblement bleu Marine. En ne dépendant d’aucun groupe, en ne se liant à aucune autre formation, ils pourront voter comme bon leur semble et surtout s’exprimer sans craindre de représailles dans leur propre camp. Comme le clame Véronique Besse, la député non inscrite de Vendée membre du Mouvement pour la France, sur un site des jeunes de ce parti : "Combien de fois ai-je entendu tel ou tel député venir me voir et me dire :  ‘Toi au moins, tu peux vraiment dire ce que tu veux !’ ."

Du coup, il n'est pas rare de voir un député non inscrit déposer de nombreux amendements, qu'il défend en commission ou dans l'hémicycle, parce qu'il a plus de latitude que les membres d'un groupe politique pour modifier ou compléter un texte. Mais aussi parce que ces interventions peuvent lui offrir la visibilité qu'il n'a pas en séance de questions.

Enfin, c'est surtout dans la salle des quatre colonnes, là où les parlementaires ont l’habitude de donner des interviews aux journalistes, que les députés FN devraient attirer et rechercher l’attention. Ils risquent d'en devenir des habitués, cherchant une autre manière de peser sur les débats à défaut de pouvoir y participer.

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