: Vrai ou faux Efficacité, effets secondaires, public cible... On a vérifié sept idées reçues sur le vaccin contre la grippe
Elle revient chaque année, à la fin de l'automne et au début de l'hiver. L'épidémie de grippe continue de gagner en intensité en France, en ce début janvier. Une vingtaine d'hôpitaux ont déclenché le "plan blanc", mardi 7 janvier, afin de prendre des mesures exceptionnelles comme la déprogrammation de certaines opérations, la réaffectation ou le rappel de membres du personnel en congés. Or face à cette épidémie récurrente, la France fait jusqu'à présent plutôt figure de mauvais élève quand on s'intéresse à la couverture vaccinale de sa population.
L'Hexagone était classé 25e sur 41 en 2022 au sein des pays de l'OCDE pour la vaccination contre la grippe des 65 ans et plus. D'après le ministère de la Santé, pour la saison 2023-2024, seuls 47,1% des personnes à risque de grippe sévère se sont fait vacciner, alors que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un taux de couverture vaccinale de 75% parmi les populations cibles. Les Français semblent en effet réticents face à cette vaccination qui n'est pas obligatoire. Une frilosité renforcée par des préjugés et de fausses informations qui circulent. Aidé de deux virologues, franceinfo a vérifié sept idées reçues sur le vaccin contre la grippe.
1 La grippe n'est pas une maladie grave : faux
La grippe est une infection respiratoire contagieuse due aux virus influenza. Elle dure généralement une semaine et se caractérise par l'apparition brutale d'une fièvre, de douleurs musculaires et articulaires, de maux de tête, d'une sensation de profond malaise et de signes respiratoires (toux sèche, gorge irritée, rhinite...). Certains développent également des complications à plus long terme comme des infections des sinus et de l'oreille, pneumonie, inflammation du cœur ou de l'encéphale.
La grippe saisonnière touche 2 à 6 millions de personnes en France par an, selon l'Institut Pasteur. Si la plupart des personnes atteintes guérissent en une semaine, d'autres développent des formes bien plus graves. En moyenne, Santé publique France estime qu'environ 9 000 décès par an en France sont liés directement ou indirectement à la grippe (surinfections, décompensation de maladies chroniques). D'après l'OMS, dans le monde, jusqu'à 650 000 personnes par an peuvent mourir de la grippe.
2 Le vaccin n'empêche pas d'avoir la grippe : à nuancer
Même vacciné, il est en effet possible de contracter le virus de la grippe. Pour comprendre pourquoi, il faut rappeler le mode de fabrication du vaccin. "Chaque année, le vaccin est produit pendant le printemps-été, à partir des souches de grippes qui ont circulé l'hiver précédent", explique Anne Goffard, virologue au CHU de Lille. "Mais chaque année, de nouvelles souches apparaissent", ajoute-t-elle. Le vaccin ne protège donc pas de ces nouvelles formes du virus.
"On estime que l'efficacité du vaccin contre la grippe est de 40 à 60%."
Anne Goffard, virologue au CHU de Lilleà franceinfo
S'il est donc possible d'attraper la grippe même en étant vacciné, les symptômes seront cependant moins graves. Et ce, même si les patients contractent "une mutation du virus", garantit la chercheuse. Le principal atout du vaccin est donc d'éviter les formes graves du virus. "Environ 2 000 décès seraient ainsi évités chez les personnes âgées chaque année grâce à la vaccination lors des épidémies de grippe", précise le site Vaccination-info-service.fr. Par ailleurs, étant donné que de nouvelles souches de la grippe apparaissent tous les ans, il est nécessaire de se faire vacciner chaque année pour être mieux protégé.
3Le vaccin rend malade : faux
"Le vaccin ne donne pas la grippe", tranche d'emblée Yannick Simonin, virologue à l'université de Montpellier. "On n'injecte pas le virus en lui-même, mais seulement des fractions de virus inactivé." Néanmoins, avant d'obtenir l'immunité promise par le vaccin au bout de deux semaines, il est possible de tomber malade.
Dans les deux jours qui suivent l'injection, certains patients peuvent se sentir "fiévreux" et "courbaturés", mais ces symptômes disparaissent "rapidement" et sont le signe "d'une réaction du corps au vaccin et à la création des anticorps", explique le virologue. La liste des effets secondaires est renseignée sur le site Ameli.fr.
Par ailleurs, lors de l'hiver, d'autres virus infectieux proches de la grippe circulent. "Certains pensent aussi avoir attrapé la grippe alors que ce sont d'autres virus hivernaux", relève Yannick Simonin.
4 Le vaccin est réservé aux personnes âgées : faux
Si les plus de 65 ans sont bien une population à risque face au virus de la grippe, c'est loin d'être la seule. Le ministère de la Santé conseille la vaccination aux patients souffrant de maladie chronique, aux personnes immunodéprimées et à leur entourage, aux femmes enceintes, aux personnes obèses et aux personnels de santé.
Depuis 2023, la Haute Autorité de santé (HAS) recommande également le vaccin de la grippe saisonnière pour les enfants de 2 à 17 ans sans comorbidité. "Cette vaccination chez les enfants de 2 à 17 ans – qui constituent le réservoir de la grippe – permettrait de limiter la diffusion de la maladie au sein de la population et des personnes âgées", estime-t-elle.
Pour les enfants sans comorbidité, le vaccin est pris en charge à 65%. Les personnes considérées à risque reçoivent un bon de la part de la Sécurité sociale afin d'obtenir le vaccin gratuitement en pharmacie. Pour le reste de la population, il est possible d'obtenir un bon de vaccination avec l'accord de son médecin traitant ou de se faire vacciner en pharmacie à ses frais. Au total, chaque année, l'Assurance-maladie invite plus de 10 millions de personnes à se faire vacciner.
5 Les femmes enceintes ne doivent pas se faire vacciner : faux
"Au contraire", assurent les deux spécialistes interrogés par franceinfo. Si les femmes enceintes sont parfois réticentes à la vaccination, elle leur est pourtant fortement recommandée.
"Elles sont plus à risque de développer des formes graves de la maladie, notamment des insuffisances respiratoires."
Yannick Simonin, virologue à l'université de Montpellierà franceinfo
Et les risques sont démultipliés si elles souffrent de maladies chroniques. Le virus de la grippe peut aussi être dangereux pour le fœtus. "Une fièvre élevée pendant plusieurs jours induit des contractions et peut provoquer un accouchement anticipé", fait valoir Anne Goffard. Des cas de retard de croissance intra-utérine ont également été observés, et plus rarement des fausses couches.
La vaccination d'une femme enceinte est donc fortement conseillée "quel que soit le trimestre de grossesse", insiste le ministère de la Santé. Par ailleurs, la mère vaccinée transmettra les anticorps de la grippe à son enfant via le placenta et le lait maternel, ce qui assure une protection pour l'enfant "pendant les trois premiers mois de sa vie", selon Anne Goffard. Las, la couverture vaccinale contre la grippe était de 30,4% chez les femmes enceintes, selon les données déclaratives de l'Enquête nationale périnatale réalisée en 2021 et citée par le ministère de la Santé.
6 Les personnes en bonne santé n'ont pas besoin de se faire vacciner : faux
La vaccination étant surtout recommandée aux personnes à risques, certaines en bonne santé ne se sentent pas concernées. Pourtant, d'après Anne Goffard, nul n'est à l'abri de développer une forme grave de la maladie.
"Chaque année, 10 à 20% des patients en bonne santé et qui sont a priori sans risque se retrouvent en réanimation. On ne sait ni le prévoir, ni le prédire et on ne peut pas l'expliquer."
Anne Goffard, virologue au CHU de Lilleà franceinfo
Certaines souches de la grippe sont plus virulentes que d'autres. "Cette année, la souche H1N1 circule de nouveau, elle touche autant les personnes âgées que les jeunes, ce qui la rend très dangereuse", constate Yannick Simonin. Les deux virologues font aussi valoir que se faire vacciner, même si on est en bonne santé, permet aussi de protéger les autres. "Plus de personnes sont vaccinées, moins le virus circule, ce qui permet d'endiguer l'épidémie plus rapidement", conclut Yannick Simonin.
7 Il faut se faire vacciner avant le début de l'épidémie : à nuancer
La campagne de vaccination a débuté le 15 octobre 2024 et se terminera le 31 janvier 2025. Chaque année, Anne Goffard recommande aux patients à risque de ne pas attendre le début de l'épidémie ou de recevoir le bon de la Sécurité sociale pour se faire vacciner. "Le faire avant le début de l'épidémie permet de minimiser le risque de contracter le virus", juge-t-elle.
Néanmoins, il faut trouver un "juste milieu" et ne pas s'y prendre trop tôt. "Le vaccin immunise contre la grippe pendant 9 à 12 mois selon les personnes. En le faisant trop tôt, le patient risque de ne pas être protégé durant toute l'épidémie", prévient la chercheuse. Toutefois, il reste utile de se faire vacciner, même si l'épidémie a déjà commencé.
"L'épidémie va continuer alors il est toujours utile de se faire vacciner, même en janvier."
Yannick Simonin, virologue à l'université de Montpellierà franceinfo
Mais d'après lui, l'intérêt de la vaccination diminue fin janvier. En complément de la vaccination, les gestes barrières permettent de limiter le risque d'être infecté par les virus respiratoires comme la grippe et d'en limiter la transmission à son entourage.
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