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Pourquoi l'épreuve de physique-chimie du bac S ne passe pas

Les lycéens de terminale se sont plaints de la difficulté de l'épreuve. Les professeurs qui ont corrigé leurs copies ont eux aussi relevé plusieurs écueils.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Des lycéens passent le baccalauréat, le 17 juin 2015 à Paris. (MARTIN BUREAU / AFP)

Ils éprouvent de la "colère" et se sentent méprisés, voire humiliés. Des enseignants de lycées l'écrivent dans une lettre ouverte (PDF) que l'Union des professeurs de physique et de chimie a adressée à l'inspection générale de l'Education nationale, dimanche 28 juin. La cause de leur courroux ? L'épreuve de physique-chimie du bac S. A la veille de la remise des notes aux rectorats par les correcteurs et à six jours de la publication des résultats du baccalauréat 2015, la polémique fait rage. Francetv info vous explique pourquoi. 

Parce que les élèves l'ont trouvée trop dure

Mardi 23 juin, quelque 170 000 élèves de terminale scientifique ont passé l'épreuve de physique-chimie du bac S. A peine sortis des salles d'examen, des lycéens se sont rués sur Twitter pour crier à l'injustice. A leurs yeux, les exercices étaient beaucoup trop difficiles. Pis, les questions posées ne faisaient, selon eux, que très peu appel aux connaissances acquises durant l'année. Forts de ce constat, certains ont même lancé une pétition réclamant une révision du barème en leur faveur.

Parce que les professeurs la jugent à côté du programme

"Il y a un gros souci, reconnaît, sous couvert d'anonymat, un professeur de physique-chimie de la région Centre et correcteur, interrogé par francetv info. Beaucoup trop de connaissances demandées dans les exercices n'avaient pas été abordées en cours." La formulation des questions aussi posait problème. "Dans chaque exercice, il y avait une question ouverte. Certains candidats ont fait une réponse rapide alors qu'on attendait un développement", ajoute l'enseignant, qui rejoint les critiques formulées par l'Union des professeurs de physique et de chimie.  

D'autres problèmes semblaient même quasi impossibles à résoudre. Ainsi, un exercice portait sur le record de Felix Baumgartner, qui a réussi le plus haut saut en chute libre jamais réalisé. Il fallait ainsi déterminer à combien d'étages équivalait ce saut. Problème : pour répondre à cette question, il fallait connaître la hauteur d'un étage. Les candidats ont cherché ce mètre-étalon dans l'énoncé, en vain. Résultat : "Les élèves se sont sentis déstabilisés, constate l'enseignant. Et les notes ne montent pas haut." 

Parce que le ministère de l'Education nationale a décidé de la brader

L'alerte a été lancée par des enseignants de l'académie de Rennes (Ille-et-Vilaine), qui ont corrigé des copies tests "catastrophiques" avec moins de 8/20 de moyenne et ont signalé cette anomalie à l'Education nationale, rapporte Ouest France. Le ministère a aussitôt décidé en urgence de modifier le barème de l'épreuve. Deux tiers des questions ont vu leur nombre de points attribués changer, comme l'indique le rectificatif publié par Le Monde. Deux jours après avoir reçu les copies à corriger, les correcteurs, qui avaient déjà dégainé leurs stylos rouges, ont dû refaire leurs calculs. 

Ainsi, une question relativement facile, portant sur le record de Felix Baumgartner, demandait aux candidats quelle était la force responsable de l'ascension du ballon du sportif autrichien. Les documents fournis apportaient la réponse : la poussée d'Archimède. Le candidat n'avait qu'à la retrouver. La réponse, qui devait à la base rapporter 0,5 point, a été réévaluée à 1 point. Autre exemple : l’emploi d’une simple formule est récompensé par 2 points, mais une question nécessitant beaucoup de temps et de réflexion seulement 0,5 voire 0,25 point. "Absurde", proteste Guillaume Minier, président de l'Union des professeurs de physique et de chimie sur l'académie de Rennes, contacté par francetv info. 

"On brade le bac S. Les notes des élèves ne sont représentatives ni de leur travail ni de leur niveau", tempête l'enseignant anonyme. On nivelle par le bas. Les bons élèves sont pénalisés, ils n'arrivent pas à sortir du lot. Les moins bons sont valorisés. Le barème est une injustice flagrante." Reste que, même avec ce nouveau barème, le correcteur déplore "une moyenne de 9/20 sur l'échantillon de 400 copies" qu'il a pu compulser. "Ça commence à être représentatif", souligne-t-il.

Parce que c'est tout le programme qui ne va pas

"Ce n'est que la deuxième fois qu'on adapte le barème", observe le correcteur anonyme. Sa collègue de Moselle, Edith Nicolas, jointe par francetv info, dit elle aussi "comprendre les difficultés ressenties par certains élèves". Tous deux, à l'instar de l'Union des professeurs de physique et de chimie, pointent la coupable : la réforme du lycée, lancée en 2008 par le ministre de l’Education Xavier Darcos et conduite en 2010 par son successeur Luc Chatel. Une heure trente de cours a ainsi été perdue chaque semaine en physique-chimie, chiffre Le Monde.

"Les élèves n'ont pas le niveau, regrette le correcteur. Lorsqu'ils arrivent en terminale, les acquis de première ne sont pas maîtrisés. C'est d'autant plus problématique que le programme de terminale est plus exigeant qu'avant. Pour le finir, il faut faire un chapitre par semaine. C'est une vraie course." Sa collègue va plus loin. "Avec la réforme, on a dû remettre en cause, du jour au lendemain, notre manière d'enseigner. On a appris à dispenser des connaissances et maintenant on doit apprendre aux élèves à résoudre des problèmes." 

Les épreuves sont le reflet de cette mutation. "Avant, les énoncés étaient plus détaillés et la réponse pouvait être une formule qui tenait en une phrase. Maintenant, on attend d'un élève plus de réflexion. On donne une tonne de documents et l'élève doit faire le tri et en extraire les informations qui lui serviront à résoudre le problème en faisant un raisonnement développé. Ça s'apprend sur trois ans, dès la seconde, voire dès le collège. Les enseignants sont pour les réformes, mais il faut les accompagner." Son collègue, lui, regrette que "les retours du terrain ne soient pas pris en compte par l'inspection générale pour corriger le tir."

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