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Ce qui fait pencher David Cameron vers l'euroscepticisme décomplexé

Le Premier ministre prononce, mercredi, un discours sur l'avenir de son pays au sein de l'Europe, alors que l'euroscepticisme grandit outre-Manche.

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le Premier ministre britannique, David Cameron, sort sur le perron du 10 Downing Street, le 21 janvier 2013 à Londres (Royaume-Uni).  (SUZANNE PLUNKETT / REUTERS)

L'Union européenne regarde désormais du côté de Londres. Dans un discours très attendu depuis six mois, prononcé mercredi 23 janvier, le Premier ministre britannique, David Cameron, a annoncé qu'en cas de victoire en 2015, il proposerait l'organisation avant 2017 d'un référendum sur le maintien ou non du Royaume-Uni dans l'Union européenne. Une position très ferme à l'égard de l'UE qui peut s'expliquer par un euroscepticisme croissant en Grande-Bretagne.

1Un euroscepticisme historique

La position anti-européenne des Britanniques ne date pas d'hier. Comme le rappelle Le Monde.fr (article abonnés), les conservateurs entretiennent depuis longtemps ce sentiment. "Les élus conservateurs représentent en général le pays profond (…), le sentiment que le Royaume-Uni, en raison de son histoire, a un destin planétaire et pas seulement européen ()", analyse Tony Travers, professeur à la London School of Economics, cité dans le quotidien.

Pour Sophie Pedder, correspondante de The Economist à Paris et interrogée par Atlantico, ce sentiment eurosceptique remonte à la seconde guerre mondiale. "Les Britanniques ne se sont jamais sentis européens comme les Français. Ils () se sentent de façon générale plus proches de la culture nord-américaine que de la culture européenne. L'isolement britannique par rapport au reste de l'Europe est aussi lié au statut insulaire du pays", explique-t-elle. La relation des Britanniques "avec l'Europe continentale s'est (donc) élaborée autour d'une grande méfiance vis-à-vis du projet européen", en particulier à l'époque de Margaret Thatcher. 

Londres s'est donc forgée sa propre vision de l'Europe, que décrit ainsi le Financial Times "Tandis que le Royaume-Uni voit sa participation au club européen en termes purement économiques, ses deux cofondateurs, la France et l'Allemagne, envisagent l'Union européenne comme un projet politique".

2Un sentiment renforcé par la crise

Cette position s'est récemment accentuée du fait de la crise européenne, dont une des conséquences réside dans "le retour en scène de l'Allemagne comme principal acteur européen". L'idée déplaît fortement outre-Manche, comme le montre ce reportage d'Arte"Je ne vois pas pourquoi nous devrions rester dans l'Union si c'est pour payer des millions de livres sterling qui seront dépensés par Bruxelles pour construire un nouveau parc aquatique au Maroc ou je ne sais où", confie cet habitant des Midlands. Et son voisin de renchérir : "C'est à nous de décider ce qu'il se passe ici."

Surtout, la crise "permet au chœur des eurosceptiques zélés de répéter qu'ils 'nous l'avaient bien dit'", écrit The Independent. Et l'opinion suit. Un sondage paru dans The Observer et cité par le Guardian (en anglais) avant l'échec du sommet européen sur le budget révèle qu'une majorité de Britanniques (56%) voteraient pour une sortie de l'UE en cas de référendum. Seuls 30% souhaitent y rester. 

La presse nationale, en majorité eurosceptique, ne fait qu'attiser ce climat, note de son côté Le Monde. Le quotidien cite le Daily Telegraph, le Times et le Daily Express, trois journaux conservateurs "dont les propriétaires ouvertement europhobes pèsent sur la ligne éditoriale de leurs titres"

3Une pression politique accrue

L'euroscepticisme des Britanniques s'est enfin banalisé dans les rangs des conservateurs, raconte encore Le Monde.fr (accès abonnés). Il évoque Mark Pritchard, député conservateur jusqu'à présent frileux quant à une sortie de l'Union. Il n'hésite plus, aujourd'hui, à s'inclure dans une "nouvelle génération d'eurosceptiques rebelles". Comme lui, une centaine de jeunes députés tories seraient aussi tentés par une sécession.

Ces positions plus extrêmes mettent sous pression David Cameron, eurosceptique "pragmatique" d'après ses propres mots. D'autant qu'un autre parti, anti-européen, se tient en embuscade. Son nom ? L'Ukip, le parti pour l'indépendance du Royaume-Uni. Cette formation, créée en 1993, milite pour un référendum sur la sortie du pays de l'UE. Forte de 12 députés européens, elle a récemment pris de l'ampleur lors des élections partielles de Rotherham, remportant 21,79% des suffrages. Son chef de file, Nigel Farage, l'a alors qualifiée de "troisième force politique" du pays.

Ce succès a aussi dopé les ambitions de l'Ukip pour les élections européennes de 2014, qu'il compte dominer. Or, une large victoire desservirait les tories pour les législatives de 2015, explique Slate.fr. "Certains sondages récents montrent que ce sont les conservateurs qui pâtissent de la montée en puissance de l'Ukip dans les intentions de vote." Ce qui oblige le Premier ministre à revoir son "pragmatisme" en matière d'euroscepticisme.

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