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Centrafrique : François Bozizé réfugié au Cameroun après le coup d'Etat éclair

Les rebelles de la Séléka ont délogé le président centrafricain, dimanche 24 mars, en prenant d'assaut la capitale, Bangui. Retour sur les événements du week-end.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Temps de lecture : 4 min
Une capture d'écran montre des pillards présumés embarquer des biens à bord de leur véhicule, le 24 mars 2013 à Bangui, capitale de la Centrafrique.  (LEGER KOKPAKPA / AFP TV)

Il n'a fallu que quelques heures. Les rebelles de la Séléka ont mené une opération éclair et délogé le président François Bozizé de Centrafrique, dimanche 24 mars. Sa famille a été prise en charge par la République démocratique du Congo, a-t-on appris lundi. Le président déchu est, pour sa part, réfugié au Cameroun, selon la présidence de ce pays. 

Désormais au pouvoir, Michel Djotodia a décidé de maintenir le gouvernement d'union nationale, issu des accords du 11 janvier. Dans l'urgence, la France a envoyé 350 soldats dans le pays pour protéger les ressortissants français et étrangers, alors que des pillages se poursuivent dans les rues de la capitale, Bangui. Francetv info revient sur la chronologie des événements. 

Acte 1 : les hostilités reprennent 

La Séléka regroupe un nombre indéterminé d'ex-rébellions, qui avaient toutes adhéré à l'accord global de paix de Libreville (Gabon) en 2008. Elles ont repris les armes en 2012 et, après une première offensive le 10 décembre, des accords de paix ont été signés, une nouvelle fois à Libreville, le 11 janvier. Un gouvernement d'union nationale composé de représentants du camp Bozizé, de l'opposition et de la rébellion, a alors été formé.

Mais, mercredi 20 mars, la Séléka dénonce des points d'achoppement : la coalition rebelle souhaite la ibération de prisonniers politiques, rejette la présence de troupes sud-africaines et ougandaises dans le pays, et demande l'intégration des combattants de la Séléka dans l'armée. Dans la soirée, François Bozizé signe deux décrets sur les revendications de la Séléka, faisant libérer "tous les prisonniers politiques et de guerre mentionnés dans les accords de Libreville". Las. Le colonel Djouma Narkoyo, importante figure de la rébellion, juge insuffisant le geste du président. 

Acte 2 : la capitale, Bangui, est prise par les rebelles

La bataille débute tôt dans la matinée, dimanche matin. Après quelques heures de combat, au cours desquelles treize militaires sud-africains sont tués, les rebelles centrafricains s'emparent sans difficulté de la capitale, Bangui, après avoir pris d'assaut le palais présidentiel. L'un des chefs militaires des insurgés n'est pas étonné de l'absence du président sur les lieux "Nous savions que Bozizé n'était pas là." De nombreux pillages, commis par des soldats et la population, se déroulent dans les rues, selon des témoins.

Cette capture d'écran montre des habitants suspectés de pillage, dans une rue de Bangui (République centrafricaine), le 24 mars 2013.  (LEGER KOKPAKPA / AFP)

Cette offensive éclair met en fuite François Bozizé, au pouvoir depuis dix ans et introuvable dans la soirée. Il aurait dans un premier temps franchi la rivière Oubangui, qui borde la capitale, pour se réfugier en République démocratique du Congo (RDC), selon Reuters et l'AFP, qui précisent qu'il a quitté le pays en hélicoptère. Une version contestée par Kinshasa. Le chef de la Séléka, Michel Djotodia, jusqu'ici vice-Premier ministre, s'autoproclame président de la Centrafrique et assure qu'il respectera les accords de paix signés en janvier, au micro de RFI

Acte 3 : la France envoie des soldats

La France, ex-puissance coloniale, adresse un communiqué, peu après les événements. François Hollande prend "acte du départ du président François Bozizé" de Centrafrique et "appelle toutes les parties au calme et au dialogue autour du gouvernement" d'union nationale. Ce gouvernement est "issu de l'accord de Libreville conclu le 11 janvier dernier", rappelle le président français, qui appelle aussi "les groupes armés à respecter les populations"

Des troupes françaises à bord d'un avion qui atterrit à Bangui (République centrafricaine).  (ELISE FOUCAUD / EMA / ECPAD)

Mais la France n'a pas attendu la prise de Bangui pour agir. Dès la veille, un contingent de 200 hommes arrive dans la capitale, depuis Libreville (Gabon). Ils sont chargés d'assurer la protection des ressortissants français et étrangers. Ces soldats, et ceux déjà présents dans le pays, sont rejoints dimanche par une compagnie de 150 hommes, ce qui porte les effectifs militaires français à 600 hommes en République centrafricaine.

Acte 4 : le gouvernement est maintenu

"Si la Séléka est intelligente, elle essaiera de constituer une (…) coalition, incluant donc toutes les grandes sensibilités politiques : ce qu'elle perdra en pouvoir immédiat, elle le gagnera en reconnaissance internationale, ce qui est un élément essentiel de sa survie." L'analyse de Roland Marchal, spécialiste de la République centrafricaine au Ceri-Sciences Po, dimanche sur francetv info, s'avère prémonitoire.

En effet, les rebelles centrafricains décident, lundi matin, de maintenir le gouvernement issu de l'accord de partage du pouvoir, conclu en janvier, selon leur porte-parole Eric Massi. "Le Premier ministre actuel reste en place et le gouvernement va être légèrement remanié." Le vice-Premier ministre, Michel Djotodia, s'autoproclame président. "Bangui est calme et sous notre contrôle, mais nous avons des choses à faire sur le terrain en termes de sécurité. Il faut mettre fin aux pillages."

Acte 5 : condamnation internationale

Le Conseil de paix et de sécurité de l'Union africaine (UA) est le premier à réagir en suspendant, lundi, la participation de la Centrafrique à l'organisation. Il impose également des restrictions de voyage et le gel des avoirs de sept responsables de la Séléka. Parmi eux, Michel Djotodia. Le Conseil demande donc à tous les pays membres d'isoler les auteurs du coup d'Etat et de "faciliter l'application de toute autre mesure qui serait prise par l'Union africaine, y compris le jugement des auteurs de ce changement anticonstitutionnel de gouvernement".

La France réagit elle aussi. "Conformément à ses principes, [la France] ne peut que condamner le recours à la force ayant abouti à la prise de pouvoir en République centrafricaine", déclare lundi le porte-parole du Quai d'Orsay, Philippe Lalliot. L'Union européenne utilise des termes plus forts, qualifiant d'"inacceptable" le changement par la force. La veille, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a condamné cette prise de pouvoir "inconstitutionnelle".

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