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"Reboot" de "X-Files", "Twin Peaks" ou "Xena, la guerrière"… Les six commandements pour réussir le retour d'une série télévisée

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min
La saison 10 de "X-Files" a débuté, jeudi 25 février 2016, sur M6. (FOX)

Les créateurs de séries cultes n'hésitent plus à redonner vie à leurs séries, parfois plus de vingt ans après la diffusion de leurs derniers épisodes. Mais l'exercice se révèle très difficile. 

X-Files a fait son retour. Treize ans après avoir abandonné leur quête de la vérité (qui est, comme chacun sait, "ailleurs"), Fox Mulder et Dana Scully, les deux agents les plus controversés du FBI, sont retournés sur le terrain, jeudi 25 février sur M6. Dans cette dixième saison, les deux compères retrouvent complots, extra-terrestres et autres surprises en salle d'autopsie. Ils ont (bien) vieilli et ont évolué professionnellement, mais restent cet attendrissant vrai-faux couple, maniant la lampe-torche et la tension sexuelle comme personne. Malgré ces atouts, la cuvée 2016 de la série, qui vient de s'achever aux Etats-Unis, a divisé les téléspectateurs, poliment conquis, indulgents, ou gravement déçus

Et pour cause, réussir un "reboot" – le retour d'une œuvre disparue –, relève de l'exploit. Depuis plusieurs années, beaucoup s'y sont cassé les dents. Alors que MacGyver, Prison Break, Gilmore Girls, Twin Peaks ou encore Xena, la guerrière doivent revenir sur le petit écran dans les mois qui viennent, francetv info tente de tirer les enseignement des échecs passés et dresse la liste des ingrédients d'un retour gagnant. 

1Des fans, beaucoup de fans, il te faudra

Le 12 janvier 2015, alors que les nouveaux X-Files n'étaient qu'au stade embryonnaire, Gillian Anderson – la femme parfaite derrière le personnage de Dana Scully – est l'invitée du podcast américain The Nerdist. Elle y évoque sa série en cours, The Fall, mais aussi la possibilité d'un reboot de la série culte. "Oh, il y a toujours des discussions" – elle s'interrompt et soupire longuement – "est-ce qu'une Gillian Anderson de 46 ans jouant Scully et un David Duchovny de 50 ans et des poussières jouant Mulder, qui reprendraient une série d'enquêtes, est-ce que ça [marcherait ?]" Elle s'interrompt à nouveau.

Pendant ce silence emphatique, l'auditeur peut distinctement entendre la décomposition physique de l'équipe qui lui fait face dans le studio. "Je serais aux anges, putain !", répond l'animateur du podcast, incrédule. "Ah oui ? Cela devrait ressembler à quoi alors ?", s'enquiert Anderson, amusée, avant de proposer aux auditeurs de mener campagne sur Twitter pour (ou contre) le retour de la série, avec le hashtag "#Xfiles2015". Le résultat de ce sondage est sans appel et, cinq jours plus tard, la chaîne Fox confirme le tournage d'une nouvelle saison. 

Moralité : sans la mobilisation des fans, inutile de tenter un retour gagnant. Le producteur veut relancer une série ? Il veut se faire de l'argent facile. Les acteurs, eux, veulent relancer leurs carrières – au rayon fausses bonnes idées, vous retrouverez ici une interview de Patrick Duffy expliquant que ce serait génial de refaire Notre belle famille en centrant l'intrigue sur son personnage de "grand-père (...) toujours sexuellement actif ". Les scénaristes ? Ils n'arrivent pas à faire le deuil de leurs personnages. Les fans, eux, ont plutôt tout à risquer. 

2Une série morte dans l'indifférence, tu ne rebooteras pas

Une série dont personne n'a suivi les dernières heures mérite rarement les honneurs d'un reboot. En 2015, les créateurs de Heroes, la sensation télévisuelle de l'année 2006, l'ont appris à leurs dépens. Alors que 17 millions de téléspectateurs avaient suivi une trépidante première saison, ils n'étaient plus que 4 millions devant leur poste quand, quatre ans plus tard, elle s'est arrêtée. Et pour cause, la qualité du programme n'a cessé de se détériorer, perdant l'essentiel de ses fans en tout début de saison 2.  Résultat : la version 2015, Heroes Reborn, avec sa myriade de personnages englués dans une lointaine intrigue compliquée, n'a pas trouvé son public. Quelques épisodes, et bim : Heroes Re-dead. 

Espérons que Prison Break s'en sortira mieux. La série, qui raconte l'incarcération-puis-l'évasion-puis-la-cavale-puis-re-l'incarcération-puis-re-l'évasion-puis-re-la-cavale des frères Michael Schofield et Lincoln Burrows, s'est interrompue à l'issue de la saison 4, en 2008, en raison d'une audience trop faible. Si, comme beaucoup, vous ne savez pas s'ils sont sortis ou non de cette prison du Panama (saison 3), serez-vous au rendez-vous de ce reboot, prévu en 2016 ?

A l'inverse, une série qui prend fin sur un sentiment d'inachevé peut justifier une résurrection. La série déjantée Arrested Development, abandonnée en 2006 après 3 saisons passées sur la sellette, faute d'une audience convaincante, a finalement connu sa seconde chance en 2015, sur Netflix. Si le résultat a décontenancé de nombreux fans, choqués par la narration adoptée (chaque épisode donne le point de vue d'un personnage différent), la série pourrait toutefois connaître une cinquième saison, à la construction plus traditionnelle.  

3Une série qui se finit bien, tu ne rebooteras pas non plus

Personne ne veut d'un reboot de Six Feet Under, des Sopranos, de The Wire... Les séries qui ont pu mener à terme leur arc narratif doivent être laissées en paix. Melissa Joan Hart, qui a incarné la jeune sorcière Sabrina, l'a expliqué à Pop Sugar mercredi : "On m'a parlé [d'un possible reboot] récemment. Si c'est bien fait, pourquoi pas (...) Mais je pense vraiment que la série a eu la meilleure fin possible : Harvey et Sabrina [en robe de mariée] qui partent en moto, sur du No Doubt."

Interrogée sur ce qu'est devenue son héroïne, elle l'imagine "normale", vivant heureuse dans un pavillon de banlieue en famille. "Je pense qu'elle n'utilise sa magie qu'à la maison, pour les corvées ou pour cuisiner des plats sans OGM", explique l'actrice, nous coupant toute envie de revoir Sabrina à l'écran. 

4De nostalgie, avec parcimonie tu useras

Pour garder dans leur camp les fans de la première heure, les créateurs d'X-Files ont parsemé leurs épisodes de clins d'œil à la série originelle (comme le poster "I want to believe") et fait des choix audacieux (garder le générique intact, rester sur un rythme d'action relativement lent, des monstres kitsch, etc). Mais l'auto-référence ne suffit pas à valider un reboot. Au contraire, l'abus de nostalgie est dangereux. 

La Fête à la maison, par exemple, est l'équivalent télévisuel du sac banane que vous portiez en primaire. Vous l'aimiez, vous avez grandi avec, mais le porteriez-vous aujourd'hui, en l'état ? Non, car il est fluo et vous avez 34 ans. Le reboot de cette série culte de la fin des années 1980 et début des années 1990 est si figé dans le passé qu'il la rend à peine regardable, estime le site AV Club, qui signe une chronique assassine du premier épisode ("on dirait une parodie de film porno sans le porno", titre-t-il.) 

Outre un scénario copier-coller de l'original – élevée avec ses deux sœurs par un père veuf et deux de ses amis, la fille aînée, devenue veuve à son tour, élève ses trois fils dans la maison de son enfance –, les créateurs de la série ont poussé le vice jusqu'à réutiliser l'ancien décor, qui dormait dans un box depuis le milieu des années 1990. Pour l'anecdote, Andrea Barber, l'interprète de Kimmy Gibbler, la voisine farfelue de la famille Tanner, a fait une réaction allergique au canapé trop poussiéreux. "Les créateurs de la série voulaient que le plateau ressemble à cette maison de San Francisco gravée dans la mémoire des téléspectateurs, avec quelques petites touches modernes", explique à Entertainment Weekly le chef décorateur de la série, Jerry Dunn, pour qui la maison "est un personnage". 

5Sur les personnages, tout tu miseras

Non, la maison de La Fête à la maison n'est pas un personnage. Le complexe immobilier Melrose Place, cadre idyllique de la série des années 1990 du même nom, n'a pas suffi non plus à faire fonctionner son reboot, lancé en 2009 et abandonné au bout d'une saison. Ce qui compte, ce sont les personnages. Et comme nous, ils doivent s'adapter ou mourir.

Les créateurs de Xena, la guerrière, conscients de la nécessité de mettre à jour leur héroïne selon les critères du public d'aujourd'hui, confiaient au Hollywood Reporter vouloir qu'elle témoigne, dans son reboot à venir, du "charme et du charisme de Lucy Lawless" [l'interprète d'origine], et de "l'esprit" de Katniss Everdeen, l'héroïne de la saga Hunger Games : "une superhéroïne pour une nouvelle génération". Interviewé par io9, le créateur de la nouvelle version de Xena, Javier Grillo-Marxuach, admet que son héroïne n'a d'autre choix que de se moderniser pour rivaliser dans le cœur des spectateurs avec un personnage comme Brienne de Tarth, la guerrière en armure de Game of Thrones, nouveau modèle de la combattante. 

Avec de bons personnages, on peut même redorer le blason d'une série à l'origine plutôt médiocre, poursuit News.au, qui cite l'exemple de la série de science-fiction Battlestar Galactica, dont le reboot est aujourd'hui plus estimé que l'original, tourné dans les années 1970. 

Dans le cas de MacGyver, dont le reboot est également promis dans les mois qui viennent, le choix de l'acteur sera donc capital. En 2011, la renaissance des Drôles de dames a, comme celle de K-2000 en 2008, coulé en raison d'un cruel manque d'âme. Quant à la Wonder Woman de 2011, son costume trop kitsch, quasi-identique à celui porté par Lynda Carter dans les années 1970, a tellement fait rire les internautes qu'il a condamné d'avance la série avant même sa diffusion.

6Le niveau général, tu élèveras

Enfin, en compétition avec des œuvres originales d'une qualité bien supérieure à celles des années 1980 ou 1990, les reboots de séries ne doivent pas seulement être à la hauteur de ce qu'elles étaient jadis. Elles doivent convaincre des téléspectateurs avides de zombies, de dragons, de personnages complexes et de narrations audacieuses. Un public exigeant qui ne saurait tolérer la moindre faute de goût.

Qu'elles soient signées Chris Carter (X-Files) ou David Lynch (Twin Peaks), les réincarnations de nos fictions préférées ne peuvent se passer d'ambition. Et si, loin d'être un signe du déclin de "l'âge d'or des séries", les "reboots", surtout ratés, ne faisaient que mettre en lumière la qualité de leurs jeunes concurrentes ? 

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