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Qui est vraiment Lucy, notre lointaine et vieille cousine bien malhabile ?

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Une reproduction de Lucy accueille le public lors d'une exposition dédiée à cette ancêtre, le 28 août 2007 à Houston (Etats-Unis).  (DAVE EINSEL / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP)

Des chercheurs pensent avoir découvert la cause de la mort de la célèbre australopithèque. Portrait de cette star des fossiles. 

Elle savait grimper aux branches, mais c'est en chutant lamentablement d'un arbre qu'elle aurait trouvé la mort. Plus de quarante ans après la découverte de son fossile, un voile du mystère vient peut-être d'être levé à propos de Lucy. La plus célèbre des australopithèques est "probablement" morte en tombant de près de 12 mètres de haut, ont conclu des chercheurs de l'université du Texas dans la revue Nature, lundi 29 août. Un comble pour un Australopithecus afarensis, espèce dite arboricole.

Selon l'anthropologue John Kappelman, qui a étudié les fractures relevées sur le fossile, "notre hypothèse, c'est que Lucy a étendu le bras pour essayer d'amortir sa chute". Que l'on se rassure : "La mort est survenue rapidement." Pour le scientifique, Lucy aurait en fait été victime de son aptitude à marcher. Cette caractéristique pourrait "avoir compromis son habileté à grimper aux arbres".

Le travail de ces chercheurs vient ajouter une nouvelle ligne à notre connaissance de Lucy, cette lointaine cousine vieille de 3,2 millions d'années. Jusque-là, aucune hypothèse sur sa mort n'avait été développée, exceptée une noyade imaginée dans le documentaire L'Odyssée de l'espèce, rapporte Le Monde. "Je vous avoue qu'on ne s'était pas vraiment posé la question", reconnaît même le paléoanthropologue français Yves Coppens. Une surprise lorsqu'on sait que Lucy n'a cessé de fasciner chercheurs et grand public depuis qu'elle est apparue dans le sable éthiopien, le 24 novembre 1974. 

Un fossile incroyablement complet 

Ce jour-là — un dimanche matin —, le paléoanthropologue Donald Johanson et son étudiant Tom Gray, membres de la mission de recherche à laquelle participe aussi Yves Coppens, partent explorer une zone de la région de l'Afar, en Ethiopie. "Je ne voulais pas particulièrement sortir ce jour-là", se souvient Donald Johanson dans le Scientific American*, quarante ans après la découverte qui a changé sa vie.

Tom Gray voulait retourner à un endroit où nous avions trouvé des fossiles afin de pouvoir les localiser précisément. Donc nous sommes retournés sur le site, au sommet d'un petit plateau.

Donald Johanson

dans le "Scientific American"

En regardant les pentes, les deux hommes finissent par remarquer un bout de coude. Puis, ils décèlent d'autres ossements. "J'ai vu des bouts de crâne, un gros morceau de mâchoire, deux vertèbres", raconte Donald Johanson à la BBC*. Au total, les archéologues retrouvent 52 ossements, soit 40% du squelette, dans un état presque intact. Jamais un fossile n'a été si complet. 

Une jeune primate sachant marcher

Tout de suite, Donald Johanson comprend que les ossements datent de plus de trois millions d'années, grâce aux sédiments. Il connaît aussi les caractéristiques des fossiles de babouins de la région. Celui qu'il a sous les yeux ne provient pas d'un singe, mais d'un hominidé. Ou plutôt une. 

Les ossements de Lucy sont exposés, le 7 avril 2004, à Addis-Abeba (Ethiopie). (DIRK VAN TUERENHOUT / AP / SIPA)

Comme le rappelle The Independent*, la trouvaille présente une petite stature : un légèrement plus d'un mètre, pour moins de 30 kg. Pour les chercheurs, les ossements appartiennent donc à une jeune femelle adulte. L'australopithèque suit plutôt un régime végétarien, fait de fruits et de feuilles mais se régale parfois de termites ou d'œufs de crocodiles, assure Johanson. 

La vraie révélation réside dans la position de son pelvis, de ses genoux et de ses chevilles : celle-ci suggère que cette jeune primate savait marcher, une qualité jusque-là réservée aux espèces du genre Homo, dont l'Homo sapiens, l'homme moderne. Il n'en fallait pas plus pour que ce fossile vieux de 3 millions d'années soit présenté comme le chaînon manquant entre le singe et l'homme.

Une star réservée à quelques privilégiés

Son prénom achève de l'ancrer dans l'esprit collectif. Le soir-même de sa découverte, sur le campement, Lucy in the Sky With Diamonds résonne dans le désert d'Ethiopie. Donald Johanson est fan des Beatles. Il a emmené une cassette. L'euphorie règne et l'une des membres de l'expédition s'adresse au paléoanthropologue : "'Et bien, si tu penses que ce fossile est une femelle, pourquoi ne pas l'appeler Lucy ?' Au début, je ne voulais pas lui donner un petit prénom mignon, mais le nom collait..." 

Donald Johanson tient dans sa main des ossements de Lucy, à Cleveland (Ohio), peu après sa découverte en novembre 1974. (BETTMANN / GETTY IMAGES)

"Immédiatement, elle est devenue une personne", reconnaît Johanson sur la BBC. Et de renchérir dans les colonnes du Time* : "Son nom est facile et pas inquiétant. Les gens songent à elle comme une vraie personnalité." Voire une véritable icône. Quarante ans plus tard, la "star" Lucy est soigneusement gardée à l'abri du public, dans un musée conçu spécialement pour elle, à Addis-Abeba, la capitale de l'Ethiopie. Le commun des mortels ne peut observer que des répliques, comme celle du musée d'histoire naturelle de Paris.

Pour avoir le privilège "extraordinaire" de la toucher, il faut s'appeler Barack Obama. Le président américain a été invité à poser son doigt sur une vertèbre de Lucy lors d'une visite en Ethiopie en 2015, raconte le Guardian*. "C'est incroyable", a commenté l'heureux élu, bluffé d'avoir pu rencontrer, en vrai, "notre plus vieil ancêtre"

Juste une cousine lointaine de notre espèce

On mettra sur le compte de l'émotion le raccourci d'Obama. Longtemps considérée comme la "grand-mère de l'humanité", Lucy n'est en réalité qu'une de nos lointaines cousines. Ces dernières années, d'autres espèces d'hominidés ayant vécu à la même période ont été découvertes, mettant à mal la théorie indiquant que l'australopithèque afarensis est notre ancêtre directe. L'un d'eux a même été retrouvé à seulement 35 kilomètres de l'endroit où Lucy était enfouie.

L'existence de "ce parent proche", baptisé Australopithecus deyiremeda, a complexifié davantage l'arbre généalogique de l'espèce humaine. Le paléotonlogue Yves Coppens défend ainsi la thèse d'un "bouquet", à savoir une évolution faite de multiples branches et séparations. Rien de linéaire entre nous et Lucy. Et plus les années passent, plus la célèbre australopithèque chute de son piédestal.

*Tous ces liens sont en anglais

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