Diane 35 : ce qu'il faut savoir sur la polémique
Jugé responsable de quatre décès, ce médicament contre l'acné, largement utilisé comme contraceptif, va être suspendu d'ici trois mois. Francetv info vous dit tout sur la polémique.
L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a coupé court au débat sur Diane 35, mercredi 30 janvier. En conférence de presse, son directeur a annoncé la suspension de ce médicament et ses génériques d'ici trois mois. Une façon de calmer la polémique sur ce traitement accusé d'avoir provoqué la mort de plusieurs patientes, et ce alors que les doutes s'accumulent concernant les risques liés à certaines pilules contraceptives. Pour tout comprendre de cette affaire, francetv info reprend le fil et fait le point sur les questions que posent Diane 35.
Diane 35, c'est quoi ?
Ce médicament est un anti-acnéique, commercialisé depuis 1987 par les laboratoires allemands Bayer. Il est destiné aux patientes souffrant d'acné sévère. Mais il contient un progestatif de synthèse, l'acétate de cyprotérone, qui agit comme antiandrogénique (qui inhibe l'effet des hormones masculines), et un œstrogène de synthèse, l'éthinyl-estradiol. Ces deux composants lui prodiguent un effet contraceptif.
Sa notice (à lire sur le site EurekaSanté) précise toutefois que Diane 35 "n'est pas indiqué dans la contraception orale" et que "son efficacité contraceptive n'a pas été évaluée par des études cliniques comme pour les pilules". Ce médicament fait d'ailleurs l'objet d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) en tant qu'anti-acnéique et non en tant que pilule. Environ 315 000 femmes sont traitées avec, selon des chiffres de 2012 qui ne précisent pas si Diane 35 leur a été presrit comme anti-acnéique ou comme pilule.
De quoi ce médicament est-il accusé ?
On reproche d'abord à ce médicament d'avoir été prescrit comme contraceptif, alors qu'il ne dispose pas de l'AMM adéquate. "Nous avons plusieurs enquêtes en cours qui montrent que cette utilisation hors AMM est importante", a récemment assuré Dominique Maraninchi, directeur de l'ANSM.
Surtout, Diane 35 et ses génériques sont accusés d'être liés à la mort, par thrombose, de quatre patientes en vingt-cinq ans. L'affaire a pris de l'ampleur, sur fond de polémique à propos des risques liés à la prise de pilule de 3e ou 4e génération. En décembre, une femme victime d'un AVC attribué à une pilule de 3e génération produite par Bayer a déposé plainte en France. Une enquête préliminaire a été ouverte. Mais depuis, 14 autres plaintes ont été déposées contre des fabricants de pilules de 3e et 4e génération. Au moins l'une d'elle concerne Diane 35.
Ce médicament est-il risqué ?
Comme tous les médicaments, oui. Et la notice le mentionne bien : "Comme d'autres traitements estroprogestatifs, ce médicament expose à un risque accru d'accident thromboembolique (phlébite, embolie pulmonaire, accident vasculaire cérébral). Chez les femmes de plus de 35 ans, chez les femmes qui fument, ce risque de complications cardiovasculaires liées à la prise d'hormones augmente nettement."
Toutefois, très peu de chiffres sont disponibles sur les risques réels. Mais selon une étude danoise (en anglais), Diane 35 multiplierait par 6,68 la probabilité d'accidents thromboemboliques, parfois mortels. Cela la placerait au même niveau que les pilules de 3e et 4e génération, très critiquées après une série d'accidents graves.
L'hématologue Jacqueline Conard, citée par le Journal du Dimanche, estime elle aussi que le risque de thrombose est "plus élevé" avec Diane qu'avec les pilules contraceptives de 2e génération, qui ne sont pas visées par la polémique. Interrogée par francetv info, Elizabeth Paganelli, secrétaire générale du syndicat national des gynécologues-obstétriciens français, assure elle que ces risques sont quasiment les mêmes que pour l'anneau vaginal ou le patch contraceptif.
Qu'en dit l'Agence du médicament ?
L'ANSM a tranché, mercredi. Dominique Maraninchi a annoncé en conférence de presse que la vente de Diane 35 et ses génériques allait être "suspendue" d'ici trois mois. Dans un communiqué, il justifie cette décision, indiquant que l'agence a "réévalué le bénéfice/risque de Diane 35 dans sa seule indication autorisée : le traitement de l’acné chez la femme". Conclusion : ce rapport "est défavorable".
De plus, poursuit l'ANSM, "de nouvelles données sur le risque thromboembolique démontrent notamment un risque thromboembolique veineux quatre fois plus élevé que celui des femmes qui ne prennent pas ces traitements". L'agence appelle cependant les patientes concernées à ne pas stopper "brutalement" leur traitement et à consulter leur médecin prescripteur.
Une suspension justifiée ?
Sur cette question, les avis sont très contrastés. Certains médecins saluent la décision de l'ANSM, comme ce généraliste qui s'exprime sur Twitter.
@ddupagne En toute amitié, c’est un mauvais traitement de l’acné et une mauvaise pilule. Pour une fois que l’ANSM prend une décision logique
— Dr Stephane (@Dr_Stephane) January 30, 2013
Mais d'autres sont moins enthousiastes. Sur le réseau social, le généraliste Dominique Dupagne, auteur du site d'échanges médicaux Atoute.org, s'étonne.
Si on suspend Diane pour 4 morts en 25 ans, il va falloir faire un grand ménage dans la pharmacopée.
— Dominique Dupagne (@DDupagne) January 30, 2013
Le médecin reprend les arguments de Jean-Daniel Flaysakier, spécialiste santé de France 2. Sur le plateau du JT de 13h le 28 janvier, le journaliste indiquait que le paracétamol tuait six personnes par an. "Ça veut dire 30 fois plus que Diane 35 (...) Si on commence à retirer Diane 35 pour quatre morts [depuis 1987] on va retirer tous les médicaments de notre pharmacopée."
Bayer se dit "surpris"
Le groupe pharmaceutique qui produit le médicament affirme "prendre acte avec surprise" de la décision de l'ANSM. "Diane 35 est commercialisé dans 116 pays depuis plus de vingt-cinq ans pour le traitement de l'acné chez la femme" et "il n'a jamais fait l'objet de retrait d'autorisation de mise sur le marché pour des raisons de sécurité", écrit Bayer dans un communiqué.
"A notre connaissance, il n'existe pas de nouvelles preuves scientifiques susceptibles de conduire à une modification de l'évaluation bénéfice/risque positive de Diane 35", insiste-t-il. Or celle-ci "a toujours été jugée positive depuis sa mise sur le marché", fait-il valoir.
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