Renault-Nissan : ce que l'on sait de l'affaire de fraude fiscale qui vaut à Carlos Ghosn d'être arrêté au Japon
Placé en garde à vue lundi, le président du conseil d'administration de Nissan (et PDG du groupe Renault) est soupçonné d'avoir dissimulé au fisc japonais la moitié de ses revenus pendant plusieurs années. Le numéro 2 du groupe, Thierry Bolloré, assure l'intérim à la tête de la marque au losange.
Deux jours après son arrestation à la sortie de son jet privé à Tokyo, Carlos Ghosn est toujours en garde à vue, mercredi 21 novembre, dans un centre de détention de la capitale japonaise. Le PDG du groupe Renault est soupçonné d'avoir dissimulé au fisc nippon la moitié de ses revenus. Il devrait être débarqué dans les prochaines heures de Nissan et Mitsubishi, les deux alliés de la marque au losange. Voici ce que l'on sait de cette affaire.
Il n'a pas déclaré tous ses revenus au fisc
Carlos Ghosn et un autre administrateur du groupe, Greg Kelly, sont soupçonnés d'avoir dissimulé une partie de leurs revenus au fisc. Dans un communiqué accablant pour le Franco-Libano-Brésilien de 64 ans, le groupe Nissan précise avoir mené une enquête interne à la suite d'une information dénonçant des pratiques inappropriées des deux dirigeants. "L'enquête a montré qu'au fil des ans, Ghosn et Kelly ont déclaré des montants de rémunération inférieurs aux montants réels dans des rapports à la Bourse de Tokyo afin de réduire le montant déclaré de la rémunération de Carlos Ghosn", indique le constructeur automobile japonais.
Le parquet de Tokyo a confirmé que Carlos Ghosn était détenu pour des soupçons de dissimulation de revenus. D'après lui, le PDG du groupe Renault "a conspiré pour minimiser sa rétribution à cinq reprises entre juin 2011 et juin 2015". Carlos Ghosn aurait ainsi sous-évalué sa rémunération de plus de la moitié, déclarant seulement 4,9 milliards de yens (environ 38 millions d'euros) aux autorités fiscales au lieu de 10 milliards.
Ce n'est pas tout. Le président exécutif de Nissan a également mentionné "de nombreuses autres malversations, telles que l'utilisation de biens de l'entreprise à des fins personnelles". Selon l'agence de presse Kyodo, citant des sources proches du dossier, il aurait notamment séjourné gratuitement dans plusieurs propriétés de la compagnie aux Pays-Bas et dans trois autres pays.
L'Etat ne va pas "demander son départ"
L'affaire met dans l'embarras l'Etat français ,qui est actionnaire principal de Renault à hauteur de 15%. Lors d'une conférence de presse en Belgique, Emmanuel Macron a estimé qu'il était "trop tôt pour se prononcer sur la réalité des faits". "L'Etat, en tant qu'actionnaire, sera extrêmement vigilant à la stabilité de l'alliance et du groupe", a-t-il toutefois affirmé, précisant que l'Etat apporterait "tout son soutien" à "l'ensemble des salariés" de cette entreprise. De son côté, Bruno Le Maire a été un peu loquace, mardi, sur franceinfo.
Il n'est plus en état de diriger le groupe.
Bruno Le Maireà franceinfo
Toutefois, explique le ministre de l'Economie, "nous n'allons pas demander le départ formel de Carlos Ghosn du conseil d'administration pour une raison simple : nous n'avons pas de preuve". Dès les premières révélations de la presse japonaise, Bruno Le Maire affirme avoir demandé à son homologue Gérald Darmanin, ministre des Comptes publics, des vérifications au sujet de la situation fiscale de Carlos Ghosn en France. Résultat : "Il n'y a rien de particulier à signaler".
A l'annonce de la nouvelle, lundi matin, le titre de Renault s'est effondré à la Bourse de Paris. L'action du constructeur français a finalement perdu près de 10%, après avoir chuté de près de 15% en fin de matinée. A la Bourse de Francfort, le titre Nissan a reculé dans les mêmes proportions. Rebelote mardi matin : les actions des deux groupes chutaient de 4,32% pour Nissan et de 7,12% pour Mitsubishi Motors Corporation à la Bourse de Tokyo.
Nissan va le relever de ses fonctions
Hiroto Saikawa, le patron de Nissan, a eu des mots très durs contre son ancien mentor, tombé pour avoir trop concentré les pouvoirs, selon ses mots. "C'est un problème que tant d'autorité ait été accordée à une seule personne", a-t-il déclaré au siège du groupe à Yokohama, en banlieue de Tokyo. Il a aussi dénoncé "le côté obscur de l'ère Ghosn".
Depuis, les langues se délient. "Il est cupide. A la fin, ce n'est qu'une question d'argent, lâche par exemple un responsable de Nissan dans le quotidien Yomiuri. Il demandait à ses subordonnés de remplir des objectifs difficiles, mais lui-même continuait à percevoir un salaire élevé même quand les activités de Nissan n'allaient pas si bien."
Carlos Ghosn devrait être débarqué rapidement de Nissan et Mitsubishi, les deux alliés de la marque au losange. Probablement dès jeudi, lors du conseil d'administration. Mardi soir, le conseil d'administration de Renault a confié "à titre provisoire" la direction exécutive du groupe au numéro deux Thierry Bolloré. Il disposera des "mêmes pouvoirs" que Carlos Ghosn, actuellement en garde à vue au Japon.
Cette affaire fragilise Renault
Cette affaire touche l'un des plus importants constructeurs automobiles au monde. Avec 10,6 millions de véhicules vendus en 2017, l'alliance Renault-Nissan-Mitsubishi a même atteint pour la première fois la première place mondiale du secteur – devant Volkswagen, Toyota et General Motors. Or, Carlos Ghosn est le principal artisan de cette alliance qui a porté le groupe au sommet. Avant d'en prendre la présidence en 2005, il avait occupé plusieurs postes à haute responsabilité au sein de Renault. C'est notamment lui qui a noué cette alliance en 1999 avec Nissan, dont il est devenu PDG en 2001. Depuis, il était vénéré au Japon pour avoir redressé le constructeur nippon.
En avril 2017, il avait cédé le poste de directeur général de Nissan à Hiroto Saikawa, tout en restant à la tête du conseil d'administration, pour se concentrer davantage sur l'alliance entre Renault et Mitsubishi Motors. Un accord qui, malgré les messages rassurants des dirigeants, pourrait sérieusement tanguer dans les prochaines semaines. Hiroto Saikawa a par exemple assuré que "l'alliance entre les trois entités" (Renault, Nissan et Mitsubishi Motors) ne serait "pas affectée par cet événement". En revanche, il a reconnu que l'impact sur Renault serait bel et bien "significatif".
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