: Vrai ou faux Les 10% les plus aisés consomment-ils 10 fois plus de carburant que les 10% les plus modestes ?
C'est l'association Réseau Action Climat qui a mis en avant ces chiffres. Si les économistes interrogés par franceinfo ne confirment pas un écart aussi conséquent, ils soulignent bien une consommation plus importante des Français les plus aisés.
Une remise qui favorise les plus riches ? Bruno Le Maire s'est déclaré, samedi 23 juillet, favorable au financement par l'Etat d'une baisse du prix du carburant de 30 centimes dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Mais l'équité de ce rabais destiné à lutter contre l'inflation fait débat. En cause : les habitudes de consommation des ménages les plus aisés pour lesquels la baisse des prix du carburant "profite un peu plus, car ils roulent plus, en général avec des voitures plus grosses", selon les mots d'Eric Woerth, député de la majorité, sur LCI.
Sur Twitter, l'association Réseau Action Climat a sorti sa calculette pour chiffrer cette surconsommation : "En France, les 10% les plus aisés consomment 10 fois plus de carburant que les 10% les plus modestes". Mais l'ONG écologiste dit-elle vrai ou "fake" ?
En France, les 10 % les plus aisés consomment 10 fois plus de carburant que les 10 % les plus modestes.
— Réseau Action Climat (@RACFrance) July 21, 2022
Un cadeau à ces super-consommateurs qui sont de plus globalement moins dépendants à la voiture thermique pour leurs déplacements. Ils n’ont pas besoin de cette aide.
"Les plus aisés consomment jusqu'à 10 fois plus de carburant notamment parce qu'ils ont des véhicules plus lourds, davantage de SUV, qui sont plus chers à l'achat mais aussi parce qu'ils sont moins regardants par rapport au prix du carburant", justifie Pierre Leflaive, responsable transports à Réseau Action Climat, interrogé par franceinfo. A l'inverse, "il y a toute une partie de la population qui est déjà sobre dans ses comportements, pas forcément pour des raisons écologiques, mais à cause de contraintes économiques, ajoute le militant. Pour eux, l'explosion du prix du carburant peut entraîner un surcoût pouvant aller jusqu'à 100 euros par mois. C'est colossal."
Des calculs basés sur une étude belge
Pour étayer ses propos, Pierre Leflaive s'appuie sur une étude publiée le 22 mars par une ONG bruxelloise, Transport & Environment, qui se penche sur l'évaluation de l'efficacité de la baisse des taxes sur les carburants en Europe.
L'étude présente en page 17 un tableau affichant par pays européens les dépenses en carburant des premiers et derniers déciles pour l'année 2015, calculées à partir des données d'Eurostat. En France, ce montant s'élève à 129 euros par an pour le premier décile (c'est-à-dire les 10% des ménages les plus modestes). Et pour le dernier décile (donc les 10% des ménages les plus aisés), la dépense est de 1 231 euros sur l'année, soit effectivement 10 fois plus. Des montants qui apparaissent toutefois anormalement peu élevés : avec 129 euros, les automobilistes les plus pauvres n'auraient en effet pu faire un plein d'une quarantaine de litres que 2,5 fois dans l'année, compte tenu du prix du gazole en 2015, qui était en moyenne de 1,20 euro.
Un ratio infirmé par des économistes
Autre problème : les conclusions du rapport de Transport & Environment ne correspondent pas aux statistiques disponibles en France, pointe l'économiste Marc Baudry, professeur à l'université Paris Nanterre. "Je ne retrouve pas cet ordre de grandeur de 1 à 10 entre ménages aisés et ménages modestes, indique-t-il à franceinfo. Je me base sur une enquête de l'Insee publiée en 2017 sur la consommation des ménages." Dans cette étude citée par Marc Baudry, les 10% des ménages les plus modestes dépensaient en 2017 628 euros par an en carburant contre 1 375 euros pour les plus riches, à une époque où le litre de gazole se vendait à 1,40 euro.
Une consommation deux fois plus importante chez les Français les plus aisés également constatée par Philippe Martin, membre du Conseil d'analyse économique, qui a publié, jeudi 21 juillet, une note sur la situation financière des ménages en ce début de crise énergétique. "Pour le mois de juin, nous avons 100 euros de dépense en carburant pour les plus pauvres et 200 euros pour les plus riches" avec un prix du gazole à 2,1 euros, confirme l'économiste auprès de franceinfo.
En résumé, les économistes interrogés ne corroborent pas l'ordre de grandeur mis en avant par l'association Réseau Action Climat. En revanche, ils confirment que l'écart de consommation entre ménages aisés et modestes est important. En conséquence, toute réduction du prix du carburant décidée par l'Etat sera "régressive", prévient le Conseil d'analyse économique, c'est-à-dire qu'elle profitera d'abord aux plus riches, qui consomment plus de carburant.
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