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Le service de partage de voitures électriques Autolib' au bord du dérapage financier

Les communes accueillant le service Autolib' ont réclamé mardi un audit des comptes du système d'autopartage. Le groupe Bolloré prévoit en effet un déficit de près de 180 millions d'euros, alors qu'il promettait au départ l'équilibre d'ici la fin de son contrat.

Article rédigé par franceinfo, Raphaël Ebenstein
Radio France
Publié Mis à jour
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Une station d'Autolib' à Paris, le 27 mars 2013. (JACKY NAEGELEN / REUTERS / X00198)

Autolib', le système de partage de voitures électriques du groupe Bolloré en Île-de-France, est-il menacé de sortie de route financière ? Lancé en 2011 sous forme d'une délégation de service public, le modèle a été décliné sous d'autres noms à Lyon, Bordeaux ou encore Indianapolis, aux États-Unis.

Mais, alors que le groupe Bolloré tablait au départ sur un équilibre des comptes à la fin du contrat, en 2023, il prévoit désormais un déficit de 179 millions d'euros, dont 119 millions resteraient à la charge des communes accueillant ce service et donc, par extension, à la charge des contribuables. C'est pourquoi Autolib' Métropole, le syndicat qui regroupe les villes utilisatrices, a annoncé mardi 14 février qu'il engageait un audit des comptes du système d'autopartage.

Une réussite qui coûte cher 

Officiellement, tout va bien entre l'entreprise Bolloré et le syndicat, chacun mettant en avant le succès public, bien réel, du service : 130 000 abonnés et près de 90% de taux de réabonnement.

Mais les élus s'inquiètent malgré tout d'un dérapage financier, d'autant que le contrat prévoit que le groupe Bolloré supporte au maximum 60 millions d'euros de pertes.

 Certains élus ont d'ores et déjà constaté que le développement informatique d'Autolib' avait coûté 49 millions d'euros de plus que prévu, ce qu'admet d'ailleurs Gilles Alix, directeur général de Blue Solutions, la filiale véhicules électriques de l'entreprise Bolloré.

Il explique ce dépassement par trois facteurs : tout d'abord le fait qu'il a fallu créer de nouvelles applications pour promouvoir l'Autolib'. Par ailleurs, "c'est un service public, et il se trouve que 200 stations sur les 1 100 [du réseau], sont très structurellement déficitaires". Et Gilles Alix ajoute qu'il y a beaucoup de vandalisme et de dégradations, donc "nous avons des charges d'entretien beaucoup plus lourdes qu'escomptées". Ce surcoût est estimé entre cinq et dix millions d'euros par an par l'entreprise.

Des pistes pour perdre moins d'argent ?

Plusieurs hypothèses de travail seraient avancées pour diminuer les charges d'Autolib' et augmenter ses recettes. Un point semble d'ailleurs faire consensus : revoir la disposition des stations Autolib', qui ne sont pas toujours situées aux endroits les plus stratégiques. 

C'est pour cela qu'"il faut que nous regardions de très près si les stations ont été bien placées, s'il n'y a pas des endroits où leur positionnement fait qu'il n'y a pas d'usagers, explique Marie-Pierre de la Gontrie, la présidente socialiste d'Autolib' Métropole. On regardera ensuite s'il y a des modifications à faire pour que ce modèle économique soit pertinent et stable." 

Quelques élus de communes adhérentes à Autolib' Métropole, notamment dans les Yvelines, ont cependant déjà fait un choix : celui d'appuyer sur la pédale de frein. C'est notamment le cas de François de Mazières, le maire Les Républicains de Versailles.

J'ai pris la décision de suspendre temporairement la création de nouvelles stations. On maintient celles qui existent, et on attend de voir plus clair dans les comptes d'Autolib' pour savoir si on continue ou pas le plan de développement qui avait été initialement envisagé.

François de Mazières, maire de Versailles

à franceinfo

En revanche, une solution semble écartée par les élus, celle de la hausse des tarifs. Le prix de la première demi-heure d'utilisation d'une Autolib' est déjà passée de six à sept euros le 1er février dernier.

Mais ce modèle peut-il vraiment être rentable ?

Le cabinet indépendant 6T a réalisé une étude fin 2016 basée sur les données concernant les utilisateurs d'Autolib', afin de savoir si ce modèle pourrait réellement atteindre un jour la rentabilité. Sa conclusion est potentiellement explosive : Autolib' se heurterait à un "plafond de verre", puisque plus le nombre d'abonnés augmente, moins les voitures sont utilisées.

Il s'agit d'un constat mathématique. Actuellement, "il y a 35 à 40 abonnés par voiture, alors qu'il y a un an et demi, il n'y en avait qu'une bonne vingtaine, explique Nicolas Louvet, le directeur de 6T. Ce qui veut dire qu'il y a un an et demi, quand vous vouliez une Autolib', vous la trouviez sans aucune problème. Aujourd'hui, il y a quelqu'un d'autre qui la veut en même temps que vous." C'est pourquoi, après plusieurs échecs, l'utilisateur finit par "se lasser et perdre le réflexe d'aller vers Autolib'", conclue Nicolas Louvet.

Mais cette théorie est réfutée en bloc par Gilles Alix, le directeur de Blue Solutions. Selon lui, "l'autopartage n'est pas quelque chose de structurellement déficitaire". Il pense même qu'Autolib' finira par gagner de l'argent.

On voit dans les résultats d'Autolib' que nous nous approchons de plus en plus de l'équilibre (...) et nous pensons que dans les années futures, c'est-à-dire 2017-2023, soit jusqu'à la fin de la concession, [nous arriverons à] équilibrer les comptes d'Autolib'.

Gilles Alix, directeur de Blue Solutions

à franceinfo

Malgré tout, le groupe Bolloré pourrait avoir à régler jusqu'à 60 millions d'euros en 2023. Mais cela apparaît comme un moindre mal au vu du déficit actuel d'Autolib' estimé à 190 millions d'euros. Du côté des élus, en revanche, le casse-tête ne fait sans doute que commencer afin de savoir comment régler la note finale.

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