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Et si la Grèce quittait l'euro…

La Grèce se débat dans la crise depuis plusieurs années. Alors que la situation devient de plus en plus instable, l'hypothèse d'une sortie de l'euro n'est plus un sujet tabou. 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
Le Premier ministre grec Georges Papandréou mercredi 2 novembre à l'issue d'un dîner de travail avec Nicolas Sarkozy, Angela Merkel, le président de l'UE, de la BCE et Christine Lagarde, directrice du FMI.  (samba)

Crise de la dette, référendum, coup d'éclat au G20… Alors que la Grèce se débat en plein marasme économique, l'hypothèse d'une sortie de l'euro ne cesse de prendre du poids. FTVi expose les étapes d'une telle décision.

Etape 1 : combler un vide constitutionnel

Selon le traité de Lisbonne adopté en 2009, si la Grèce souhaite de son plein gré quitter la zone euro, elle est obligée de quitter aussi l'Union européenne. Aucun texte n'encadre en effet la seule sortie de l'Eurogroupe.

Pour permettre une sortie de la zone euro sans sortie de l'Union dans son ensemble, faudrait-il nécessairement modifier la Constitution européenne ? Pas forcément. Selon Jean-Dominique Giuliani, président de la fondation Robert Schuman interrogé jeudi 3 novembre par Le Parisien, il appartiendrait au Conseil européen d'imaginer "une procédure de sortie".

Par ailleurs, il demeure impossible de se faire "virer" de la zone euro pour mauvaise conduite budgétaire. Malgré l'insistance d'Angela Merkel, qui avait évoqué l'idée en 2010, les institutions s'y sont toujours opposées

Etape 2 : annuler le volet grec du plan de sauvetage

A l'annonce de la sortie du pays de l'Eurogroupe, l’UE suspend immédiatement le versement du sixième volet de 8 milliards d’euros d’aide à la Grèce, dont le versement était prévu pour décembre. En fait, c’est tout le plan de sauvetage de la Grèce qui est mis à la poubelle. 

Privée de ses liquidités, "il faudrait raboter les salaires, les retraites et les services publics qui sont déjà misérables, imagine le journaliste économique Jean-Marc Sylvestre sur son blog. Ceux qui ont de l'argent dans les banques ont le temps d’imaginer ce qui les attend. Donc, ils le retirent et le placent dans des banques étrangères. Du coup, les banques grecques font faillites."

Ces dernières détiennent au total 52 milliards d'euros d'obligations grecques, soit 15 % de la dette. Indignes de confiance sur les marchés, conscients de leur incapacité à rembourser leurs emprunts, les établissements devraient être récapitalisés, voire nationalisés. 

Etape 3 : le remboursement de la dette mis entre parenthèses

Débarrassé d'un poids mais aussi du soutien de l'Eurogroupe, la Grèce est officiellement en faillite. Elle suspend le remboursement de la dette, ne serait-ce que parce qu'il lui faut d'abord préparer le retour au drachme.

Concrètement, la Grèce n’annule pas ses remboursements mais les gèle en attendant de diminuer leur valeur, en jouant notamment sur les taux d’intérêt. Elle évite ainsi d'annuler totalement ses créances, ce qui provoquerait un divorce entre le pays et les investisseurs. Lors de sa faillite en 2001, l'Argentine avait par exemple annulé 75 % de sa dette. 

Etape 4 : effet domino en Europe

L’agence de notation Fitch estime qu’une sortie grecque de l'Eurogroupe met en péril la "viabilité" de la zone euro, déjà mise en mal par deux ans de crise de la dette. Surtout, les pays fragilisés de la zone euro pourraient tomber sous l'effet de la contagion. 

En effet, les nations déjà massivement endettées seraient priées de faire d'énormes efforts pour éviter à leur tour la faillite. Si en plus, comme la France, elles détiennent une part conséquente de dette grecque, elles souffriraient de ne pas être remboursées. 

Le plan de sauvetage de l'euro voté fin octobre pourrait rapidement s'appliquer aux pays en difficulté, Italie et Portugal en tête. Pour leur venir en aide, l'Europe peut émettre des "eurobonds", dont l'achat (par la Chine, le Japon et les Etats-Unis en priorité) doit aider au refinancement.

La dette de l'UE peut être mise en commun pour maintenir l'unité après le coup dur du départ de la Grèce. Indirectement, le départ grec renforce les institutions européennes et précipite l'amélioration de la gouvernance au sein de la zone euro.

La Grèce, "c'est 2 % du PIB de la zone euro et c'est 4 % de la dette de la zone euro"a relativisé jeudi matin sur RTL le ministre des Affaire européennes français Jean Leonetti. 

Etape 5 : le retour du drachme 

En renonçant à l'euro, la Grèce retrouve son ancienne devise, le drachme, abandonné en 2001. Produire la monnaie, changer les distributeurs automatiques de billets, les logiciels informatiques… Tout cela pourrait prendre plusieurs mois et aurait évidemment un coût.

La nouvelle monnaie, dévaluée, serait si faible qu'elle boosterait la compétitivité du pays. La Grèce devrait exporter plus facilement, en revanche, il lui serait de plus en plus difficile d'importer. La hausse des prix de ces denrées importées plomberaient encore plus le pouvoir d'achat des ménages grecs, coincés entre la récession et l'hyperinflation. 

Économiste chez Natixis, Patrick Artus, interrogé par Le Figaro, a estimé que le pays essuierait certes une forte récession "pour les 18 mois suivants", mais que cette dernière ne s'installerait que pour "deux ou trois ans", avant "une reprise de la croissance." Repasser au drachme plutôt que "d'assister à la lente agonie de l'économie et de la société grecques", c'est aussi la position de l'économiste Nouriel Roubini

 

Il y a dix ans, la faillite du système bancaire argentin ruinait des milliers de ménages. Depuis, le pays a démontré que de la crise pouvaient naître d'astucieuses alternatives économiques. Tout n'est donc pas perdu pour la Grèce.

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