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Les marchés vont-ils s'en prendre à la France si Hollande gagne ?

Nicolas Sarkozy soutient que le candidat PS effraie le monde de la finance, qui pourrait rechigner à prêter au pays en cas de victoire du socialiste. Est-ce crédible ?

Article rédigé par Myriam Lemétayer
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Collage d'affiches à Rezé (Loire-Atlantique), le 12 avril 2012. (REUTERS / STEPHANE MAHE)

Des taux d’intérêts qui gonflent, une dette qui explose, un scénario à la grecque... L'UMP prédit l’apocalypse financière pour la France si François Hollande devient le prochain locataire de l'Elysée.

"Si on recommence à embaucher des fonctionnaires, on recommence à dépenser, on met en cause la réforme des retraites, ce n'est pas un risque que les taux d'intérêt vont remonter, c'est une certitude", a affirmé Nicolas Sarkozy mercredi 11 avril, agitant la menace d'une "crise de confiance massive". Sa porte-parole, Nathalie Kosciusko-Morizet, a résumé d'une formule : "La gauche au volant, c'est la Grèce au tournant."

Les créanciers de la France verraient-ils la victoire du socialiste à la présidentielle comme une déclaration de guerre ? L'analyse de spécialistes. 

• Les taux d'intérêts vont augmenter, selon un gestionnaire

Pour Alain Crouzat, président de la société de gestion de portefeuilles Montségur Finance, le candidat qui sortira des urnes le 6 mai devra se plier au bon vouloir des créanciers de l'Hexagone : "Il sera sous pression immédiate. On ne prêtera pas à la France si elle ne change pas son modèle de dépenses publiques, si elle ne taille pas dans ses dépenses de fonctionnement. François Hollande sera obligé de faire une politique qui n’aura rien à voir avec ce qu’il a dit pendant la campagne."

La pression serait moindre avec Nicolas Sarkozy, selon le gestionnaire de fortune. "Les marchés connaissent sa position par rapport aux contraintes budgétaires et d'endettement alors que les propos que François Hollande a tenus pour l'instant ne suscitent pas la confiance des gens qui prêtent de l'argent à la France", affirme-t-il. Et d'assurer qu'en cas de victoire du socialiste, "les taux d'intérêt pourraient augmenter, ce qui représente[rait] un surcoût de plusieurs milliards d'euros d’intérêts chaque année. C'est quelque chose de très probable."

• "Pas d'indice de pression sur les marchés", tempère un économiste

L'argument est au contraire "assez grotesque" pour Jean-Paul Pollin, membre du Cercle des économistes. "Chaque fois que la gauche est susceptible d’arriver au pouvoir, on dit qu'il va y avoir une crise majeure et que les Français vont en pâtir... Mais il n'y a pas le moindre indice qui permette de penser qu’il y a une pression sur les marchés en lien avec l’élection présidentielle."

"Je ne pense pas qu'Hollande fera quoi que ce soit qui contrariera les marchés, poursuit l'économiste. Si Jean-Luc Mélenchon avait été en position de gagner, il y aurait probablement eu des tensions sur les taux d'intérêts mais Hollande est très prudent de ce point de vue."

Le socialiste a dit sa volonté de ramener les comptes publics à l'équilibre en 2017, comme le prévoient les engagements de la France auprès de Bruxelles. Nicolas Sarkozy, quant à lui, vise l'équilibre dès 2016. Les deux candidats se basent sur des chiffrages complexes, rappelle Le Monde

"Il n'y a pas plus de risque de spéculation si François Hollande est élu que si c'est Nicolas Sarkozy", relève Christian Chavagneux, rédacteur en chef adjoint du mensuel Alternatives économiques. L'économie française n'est toutefois pas à l'abri : "Des rumeurs circulent selon lesquelles, quel que soit le nouvel élu, il pourrait y avoir une attaque spéculative, aucun plan de redressement des dépenses publiques n’étant jugé assez crédible."

• Hollande "crédible", juge le "Financial Times"

Mais les investisseurs ont conscience qu'une politique trop austère plombe la croissance, réduit les recettes et accroît les déficits. Au moment de la dégradation de la note de la dette française, en janvier, l'agence de notation Standard & Poor's soulignait d'ailleurs, rapporte le journal Les Echos, qu'un "processus de réformes basé sur le seul pilier de l'austérité budgétaire risque d'aller à l'encontre du but recherché".

Au final, les acteurs économiques ne semblent pas si méfiants à l'égard du candidat socialiste. Dans son éditorial du 9 avril, le quotidien britannique qui murmure à l'oreille des marchés, le Financial Times (article sur abonnement), fustige le "mantra de l'austérité généralisée". Le journal décrit même comme "encourageant" le fait que de plus en plus d'hommes politiques, y compris le candidat PS, appellent à une "stratégie pour la croissance européenne". "Le message de François Hollande est crédible aux yeux des acteurs économiques", juge Christian Chavagneux.

Reste, pour le parti de Nicolas Sarkozy, un intérêt stratégique à agiter la menace spéculative, note Le Figaro : "La majorité sortante veut avant tout ramener les électeurs centristes vers son candidat."

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