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Budget : est-ce si grave si la France n'est pas dans les clous de Bruxelles ?

Le projet de loi de finances de 2015 doit être transmis à la Commission européenne mercredi. Mais contrairement aux engagements pris par Paris il y a deux ans, le déficit public de la France va rester supérieur à 3% du PIB. 

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le ministre des Finances, Michel Sapin, lors de la présentation du projet de loi de finances 2015, à Paris, le 1er octobre 2014.  (ERIC PIERMONT / AFP)

La partie s'annonce serrée. D'un côté, la France, qui tente de défendre son budget déficitaire. De l'autre, la Commission européenne, qui juge, avant de l'analyser en détail, que la copie rendue par le gouvernement français, mercredi 15 octobre, est "inacceptable". Retoquera-t-elle ce projet de budget 2015 ? Elle a quinze jours pour se décider et prendre d'éventuelles sanctions

Car contrairement aux engagements pris au niveau européen, le ministère des Finances prévoit une baisse du déficit de seulement 0,2 point pour 2015, soit un déficit à 4,3% du produit intérieur brut (PIB). Pire, la France ne repassera sous la barre des 3% qu'en 2017, soit deux ans de retard par rapport aux engagements pris par Paris. Autre mauvaise nouvelle : le retour à l'équilibre structurel, qui met de côté les effets de la conjoncture, ne sera pas atteint avant 2019, notent Les Echos

Pour autant, Michel Sapin ne craint pas le courroux de Bruxelles : "La Commission, je le rappelle, n'a absolument pas le pouvoir de 'rejeter', 'retoquer' ou 'censurer' un budget, a rappelé le ministre des Finances. Ici, comme ailleurs, la souveraineté appartient au Parlement français." Reste que la France est une mauvaise élève de l'Europe, mais est-ce si grave que cela ?

Oui, car la France risque une forte amende

Pour recadrer des pays qui dérapent, Bruxelles dispose de quelques armes, comme les sanctions financières par exemple. Comme le prévoit le traité de Maastricht, ce type d'amende européenne peut atteindre 0,2% du PIB de l'Etat sanctionné. Pour la France, cela correspondrait à 4,2 milliards d'euros. Toutefois, jamais encore cette sanction n'a été utilisée par la Commission contre un pays de la zone euro. Seule l'Autriche a été menacée de cette humiliation, l'obligeant à revoir sa copie en 2013.

Si le dérapage n'était que ponctuel, la France échapperait à ce type de sanction sans difficulté, mais elle n'a pas respecté l'objectif des 3% depuis 2008. Résultat : l'exaspération contre l'Hexagone a atteint des sommets à Bruxelles, rapporte Le Monde (édition abonnés).

Non, car la France peut invoquer des "circonstances exceptionnelles" 

Paris espère que cet argument sera décisif, et qu'il lui permettra de gagner du temps. Le terme de "circonstances exceptionnelles" apparaît, en effet, dans le droit européen, note France Info, et notamment dans le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union adopté en mars 2012. Si la définition est floue, elle détaille deux cas de figure qui permettent d'accorder un délai au pays qui ne respecte pas la règle des 3% : une croissance moins forte que prévu et la promesse de réformes structurelles.

Dans les deux cas, la France est concernée, puisqu'au lieu des 2% de croissance espérés par François Hollande, le PIB a stagné lors des deux premiers trimestres de 2014 (0%) et le gouvernement table sur une croissance de 1% pour 2015. La France compte également sur le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) et le pacte de responsabilité, pour prouver que les réformes sont lancées. 

Oui, car la France irrite ses partenaires

Comment demander à l'Union européenne, dont certains membres ont consenti des efforts considérables pour réduire leurs déficits, d'être magnanime avec la France et d'accepter qu'il y ait "deux poids, deux mesures" ? C'est notamment le cas de l'Espagne, qui a mené d'importantes réformes structurelles pour tenter de ramener un déficit public de 10,6% en 2012 sous la barre des 3% en 2016. Ou encore l'Irlande, qui a procédé, ces dernières années, à un ajustement budgétaire représentant près de 19% de son PIB. Preuve de l'exaspération des partenaires européens, le président de l'Eurogroupe, le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem, n'a pas été tendre avec la France. "On leur a donné deux ans et la question est : 'Comment ont-ils utilisé ce temps ?' Pour être tout à fait franc, je crois qu'ils n'ont pas utilisé" ce délai pour des réformes, a-t-il déploré, vendredi 10 octobre. 

Non, car personne n'a intérêt à sanctionner la France

Sanctionner la France "serait un échec pour tout le monde", glissait déjà une source européenne, lors du dernier Eurogroupe qui s'est tenu à Milan (Italie) à la mi-septembre, rapporte le Monde. Même si la Commission actuelle est en fin de mandat et pourrait être, du coup, tentée de frapper un grand coup, le risque est considérable pour toute la zone euro. Les agents économiques, voyant la France obligée de baisser sur ordre ses dépenses publiques, risquent fort d'anticiper une période d'austérité, qui freinera l'investissement et la consommation, note La Tribune. De quoi déboucher sur une période de récession dans l'Hexagone, qui serait néfaste pour l'ensemble de la zone euro.

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