Cosmétiques, jouets, thés… Acheter un calendrier de l'Avent permet-il vraiment de bonnes affaires ?

Certaines marques profitent du packaging du calendrier de l'Avent pour vendre plus cher leur produit, quand d'autres cassent leurs prix pour attirer de nouveaux clients.
Article rédigé par Pauline Lecouvé
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'offre de calendriers de l'Avent, longtemps monopolisée par les fabricants de chocolats et de jouets, s'est multipliée en quelques années. (HELOISE KROB - PAULINE LE NOURS / FRANCEINFO)

Plus que 24 jours avant Noël. Des milliers d'enfants ont ouvert la première case de leur calendrier de l'Avent, vendredi 1er décembre. Des adultes aussi. Car les boîtes de 24 cases où les petits chrétiens découvraient une icône religieuse chaque jour pour patienter jusqu'à Noël appartiennent désormais à un lointain passé. L'offre est devenue pléthorique au fil des années. Jouets, thés, produits cosmétiques, alcools, sex-toys ou friandises pour chats et chiens ont rejoint les chocolats parmi les petites surprises cachées derrière des fenêtres. Dans les magasins, comme sur les sites de vente en ligne, les consommateurs les trouvent partout.

"Avec 1,3 million d'unités vendues chaque année", les produits des rayons jouets se portent toujours bien et dominent le marché, précise Juliette Favre, gestionnaire d'information chez Circana, société de conseil et d'analyse de marché. Mais les "nouveaux" calendriers commencent à faire de l'ombre aux traditionnels chocolats, dont les ventes affichent déjà un léger recul en 2023, "de 11,7% en volume" par rapport à 2022, avance l'experte. Quel que soit le modèle de calendrier de l'Avent choisi, il n'est pas rare d'avoir l'impression de payer un supplément lié au simple emballage au moment du passage en caisse, surtout lorsque certains sont vendus plusieurs centaines d'euros. Alors, les consommateurs en ont-ils vraiment pour leur argent ? Eléments de réponse.

Une consommation régressive

"Cette année, on a opté pour un calendrier avec des madeleines et un autre avec des produits de beauté", raconte Richard, 23 ans. "Ça rappelle les souvenirs de mon enfance, l'excitation de découvrir ce qui se cache derrière chaque case", explique-t-il à propos des calendriers qu'il partage avec sa compagne. Un plaisir enfantin dont de nombreuses enseignes espèrent profiter pour se forger une image singulière dans le cœur de leurs clients. "Les marques veulent rentrer dans les foyers, être proches de leurs consommateurs", analyse Géraldine Michel, directrice de la chaire "marques et valeurs" à l'IAE Paris-Sorbonne. Pour cette experte, les calendriers de l'Avent répondent à ce besoin en proposant "une consommation régressive, un moment de nostalgie, de partage"

L'objectif est d'entrer dans les foyers dès le 1er décembre pour espérer se faire une place de choix sous le sapin. "L'intérêt pour les marques, c'est d'être présent tous les matins juste avant Noël, au moment où on finalise la liste de cadeaux", complète Frédérique Tutt, spécialiste de la filière jouet chez Circana.

Un produit d'appel pour attirer de nouveaux consommateurs

Certaines enseignes veulent toutefois se projeter au-delà des fêtes. Pour le fondateur de Passage du désir, qui commercialise des sex-toys, les calendriers de l'Avent contribuent à "une opération de communication à grande échelle". Ils "dédramatisent notre univers", estime Patrick Pruvot. "Beaucoup de clients nous disent avoir découvert de nouvelles pratiques avec les calendriers", ce qui peut déclencher d'autres achats tout au long de l'année, selon le chef d'entreprise.

Le calendrier phare de la marque est vendu 189 euros en ligne et promet une "valeur réelle" de 602 euros. A quoi correspond cette "valeur réelle" ? Difficile de le vérifier à l'euro près, mais en comparant les produits qu'il contient à leur prix de vente à l'unité, l'addition dépasse vite le prix du calendrier. Cette opération "est rendue possible car nous produisons les calendriers en très grandes quantités, ce qui fait chuter les prix unitaires". En outre, les fournisseurs "vendent leurs produits quasiment à prix coûtant et sans les packagings habituels", ajoute Patrick Pruvot. Cependant, de telles réductions ne sont possibles que parce que "la marge sur les ventes classiques est énorme", rappelle Géraldine Michel.

Un coup marketing qui reste d'ailleurs rentable, même à court terme. Selon le fondateur de Passage du désir, "le mois de novembre est désormais le plus élevé de l'année en termes de chiffre d'affaires, devant Noël et même la Saint-Valentin". Un succès qui a incité la marque à augmenter sa production : "C'est la troisième année que nous produisons nos calendriers et nous avons triplé les quantités", se réjouit le fondateur.

Une occasion de faire grimper les prix

D'autres enseignes, à commencer par les marques de luxe, profitent des calendriers de l'Avent pour faire grimper les prix. "La consommation de produits de luxe a un lien très fort avec l'image de soi, l'identité", développe Géraldine Michel. "C'est la force de ces marques, qui peuvent de créer de la valeur au-delà de leur produit grâce à un effet de rareté", analyse cette experte.

Chaque année, des enseignes de mode et de parfums créent des calendriers à la taille parfois XXL, et glissent dans des emballages haut de gamme des produits miniatures. Sur les réseaux sociaux, plusieurs marques de luxe françaises se sont ainsi retrouvées critiquées par des influenceuses pour le contenu de leurs calendriers. Au milieu de produits de beauté, Chanel avait par exemple placé dans son calendrier à 700 euros des babioles sans grande valeur (comme des tatouages temporaires et des autocollants), généralement offertes aux clients avec leurs achats, rapportait Libération en 2021. 

Mieux vaut donc se méfier lorsque les marques ne communiquent pas autour de la "valeur réelle" de leur calendrier. Et ne pas hésiter à sortir sa calculatrice. L'enseigne Nature et Découverte propose ainsi un calendrier de thés bio à 24,95 euros contenant 24 sachets pesant entre un et deux grammes, soit 554,44 euros le kilo de thé et plus d'un euro le sachet. En comparaison, les six boîtes de thés de Noël bio de la même enseigne, vendues 36,95 euros pour 275 g de produits, reviennent, elles, à un peu plus de 134 euros le kilo. Pourtant, "notre calendrier de l'Avent des thés est un de nos best-sellers", assure l'enseigne, qui justifie le prix par son concept "engagé". "Derrière chaque case se cache un QR code qui renvoie vers une association. Tout en savourant son thé du jour, on peut découvrir une association et choisir de la soutenir", explique Nature et Découverte à franceinfo.

Certains consommateurs ne se laissent plus tromper. "En général, j'achète un calendrier de l'avent en grande surface, mais cette année, j'ai préféré fabriquer le mien !", raconte Pauline, 25 ans et en recherche d'emploi, qui expose fièrement son calendrier maison sur les réseaux. "Le coût total est bien inférieur à un calendrier que j'aurais pu acheter dans le commerce, surtout avec l'inflation", commente la jeune femme. Cette année, son budget ne l'empêchera pas d'ouvrir une petite porte tous les matins pour patienter jusqu'au 25 décembre.

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