"J'avais l'impression d'être aux urgences d'un pays en guerre" : une matinée à la maternité de Mayotte
Concentré de toutes les difficultés de l'île, franceinfo vous emmène passer une matinée dans la maternité de Mayotte où 26 bébés naissent tous les jours malgré l'insécurité et le manque de médecins.
La grève générale se poursuit à Mayotte. L’intersyndicale attend toujours des mesures concrètes pour que les retards structurels sur l’île soient comblés en matière de sécurité, de services publics, d’éducation et de santé. À la maternité de Mayotte, à Mamoudzou, 26 bébés sont mis au monde tous les jours malgré le manque de médecins. La plupart le sont, par des femmes comoriennes, venues là pour donner la nationalité française à leur enfant.
Trois mères et leur bébé par chambre
Vendredi matin, la petite Hawa dort à poings fermés dans une chambre, mais Mariama, elle, est à bout de force. Elle a accouché la veille et n'a toujours pas pu se reposer. "On est entassées à trois femmes dans la chambre avec trois bébés qui pleurent alors que j'ai été hospitalisée à 2 heures du matin après une journée en salle d'accouchement, raconte cette maman. Et même à la maternité, il y avait trop de monde dans les couloirs, j'avais l'impression d'être aux urgences d'un pays en guerre. Ils sont débordés par le monde."
Il est presque midi, j'ai déjà fait trois césariennes
Docteur Alain Praudà franceinfo
À la mi-journée, les poches sous les yeux du docteur Alain Praud, gynéco-obstétricien à la maternité en témoignent. "Dans un hôpital français, explique le praticien, on compte un médecin pour 300 accouchements. On devrait donc être 25, mais on est sept à prendre des gardes. Il est presque midi, j'ai déjà fait trois césariennes, il en arrive encore deux, ça fera cinq dans la matinée". Pour le spécialiste, "c'est du jamais vu. Il y a une accumulation de fatigue, un vrai risque de faire des erreurs parce qu'on ne dort pas".
"Aujourd'hui, soit on laisse le sac, soit on laisse la peau"
Dans la nurserie, à quelques pas, les gestes de Moina une infirmière-stagiaire sont surveillés, mais ici c'est le système-D raconte la jeune femme : "J'ai un bébé qui n'a pas de berceau ce matin, parce qu'il y a trop d'accouchements."
Et encore, cette matinée est calme, sans agitation, se réjouit Zabibo Moendanzé. Cette coordinatrice a déjà expérimenté la violence à la maternité. "Il y a deux ans, il n'y avait pas encore d'arme blanche, je me suis défendue parce que c'était des gamins, mais aujourd'hui, je ne le ferai pas. Désormais, soit on laisse le sac, soit on laisse la peau."
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