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Reportage Opération Wuambushu : "On dort sur des tapis étendus sur des cailloux", raconte une femme expulsée d'un "banga" à Mayotte

Un mois après la démolition du premier bidonville à Mayotte dans le cadre de l'opération Wuambushu, le relogement pose toujours problème. Les personnes expulsées préfèrent souvent refuser les solutions proposées.
Article rédigé par Boris Loumagne
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une femme passe devant le bidonville du quartier "Talus 2" à Koungou, lors de son démantèlement dans le cadre de l'opération Wuambushu sur l'île française de Mayotte dans l'océan Indien, le 23 mai 2023. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

L'heure d’un premier bilan pour l'opération Wuambushu  à Mayotte : le ministre de l'Intérieur a passé le week-end dans le 101e département français. Gérald Darmanin a annoncé que cette opération ("reprise" en mahorais) visant à lutter contre l’immigration illégale et l'insécurité allait se prolonger d'un mois. Une partie des renforts envoyés de métropole vont donc rester sur place. Le ministre a également fait le point sur les décasages, ces opérations de destructions des "bangas", ces bidonvilles qui se comptent par milliers à Mayotte.

>> Opération Wuambushu à Mayotte : un mois après la démolition du bidonville Talus 2, ses anciens habitants vivent "éparpillés" et "sans espoir"

Mais ces "décasages" posent problème : si une partie des habitants expulsés ont droit à des solutions de relogement, or, deux tiers d'entre eux préfèrent décliner, et continuent de vivre dans des bidonvilles. 

À neuf dans 20 mètres carrés

Il y a un mois sur cette colline de terre ocre, il y avait la maisonnette en tôle d'Adidja. Il n’y a plus rien aujourd’hui. Adidja habite, désormais, dans une maison en chantier à une centaine de mètres de la colline avec son mari et ses trois enfants : "Avant, j'avais une maison confortable, chaque enfant avait sa chambre", explique-t-elle. Aujourd'hui, "On dort sur des tapis étendus sur des cailloux et les enfants en souffrent", regrettant le "compteur d'électricité", le "compteur d'eau ", et même le wifi" de son ancienne maison. "Ici, il n'y a rien : pas de télé, ni rien." Adidja est Comorienne et possède un titre de séjour : une solution de relogement lui a été proposée à Tsundzu, mais elle a refusé.

À Tsundzu, ceux qui ont accepté cette solution de relogement vivent des petits bungalows tout neufs, comme Ahmed, lui aussi Comorien. Ici, ils sont neuf dans 20 mètres carrés. En quittant le bidonville, Ahmed n'a eu l’autorisation d'emporter qu’une valise avec quelques affaires et un matelas.

"On a tout perdu dans la démolition. J'avais des chèvres et beaucoup de choses. Il y a beaucoup de choses qui nous manquent"

Ahmed, un Comorien relogé

À franceinfo


Sa femme aussi lui manque : elle est en situation irrégulière et ne peut donc pas entrer ici.

"Tourisme juridique"

L'objectif initial de détruire un millier de logements sera dépassé d’ici la fin de l’année, selon les autorités sur place : Gérald Darmanin a dit dimanche 25 juin tabler sur la destruction d'environ "1 250" logements insalubres à Mayotte d'ici "la fin de l'année". "Nous allons accélérer (...). Ce volet, a-t-il dit au Figaro, a pris du retard du fait des très nombreux recours. J'eusse aimé que ceux qui sont venus faire du tourisme juridique à Mayotte visitent les bangas, des endroits insalubres où les enfants n'ont pas d'eau courante, où s'il y avait un cyclone, on aurait tous pleuré sur les très nombreux morts qu'il y aurait eu ici", a-t-il dénoncé. Avant d'insister : "Ce qui est important, a insisté le ministre, c'est la destruction des logements insalubres et de reprendre la maîtrise du foncier".  

Le ministre s'est dit en outre soucieux de "développer le tourisme" dans le 101e département français, relevant qu'"il n'y aucune raison que Mayotte ne soit pas un très beau lieu de destination touristique". Il a promis de revenir sur place en septembre. 

Opération Wuambushu : le reportage de Boris Loumagne à Mayotte

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