La politique d'austérité en Europe a-t-elle "atteint ses limites", comme le dit Barroso ?
Le président de la Commission européenne a fait cette déclaration remarquée, lundi soir à Bruxelles.
Changement de cap à Bruxelles ? La politique d'austérité en Europe a atteint ses limites, a déclaré, lundi 22 avril, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. "Tout en pensant que cette politique est fondamentalement juste, je pense qu'elle a atteint ses limites, a-t-il dit lors d'une conférence. Pour réussir, une politique ne doit pas seulement être bien conçue. Elle doit bénéficier aussi d'un minimum de soutien politique et social."
Alors que plusieurs voix prônent un appel d'air en Europe après plusieurs années de politique d'austérité, francetv info revient sur les signes qui trahissent un début de remise en question.
Les "pro-relance" gagnent du terrain à la Commission
Aussitôt prononcés, les propos de José Manuel Barroso ont fait réagir les partisans de l'orthodoxie budgétaire, à commencer par les Allemands : "Si nous laissons tomber la politique d'assainissement budgétaire, si nous retournons à l'ancienne politique qui consiste à créer de la dette, cela fera le lit du chômage de masse en Europe pour de nombreuses années", a lancé le ministre des Affaires étrangères allemand, le libéral Guido Westerwelle.
Dans une mise au point, la Commission a assuré qu'il n'y avait pas de "virage à 180 degrés". José Manuel Barroso "a simplement dit qu'il fallait combiner l'indispensable correction budgétaire avec des mesures adaptées pour soutenir la croissance", a déclaré Olivier Bailly, un porte-parole de la Commission. Pas une révolution donc, mais une bonne nouvelle pour les partisans d'une politique de relance, parmi lesquels figure François Hollande.
Bruxelles, tolérante sur les déficits
Les politiques d'austérité à l'œuvre, notamment en Europe, et les efforts d'assainissement budgétaire sont accusés de plomber la croissance. Selon les dernières données d'Eurostat, publiées mardi, seule l'Allemagne dégage un excédent budgétaire cette année. A l'inverse, l'Espagne, l'Irlande et la Grèce, où sévissent d'importantes coupes budgétaires et hausses d'impôts, affichent des déficits proches de 10% de leur PIB.
L'objectif d'un déficit à 3% du PIB, inscrit dans les traités européens, est "un critère très important, mais il y en a d'autres", a indiqué lundi Olivier Bailly, rappelant que Bruxelles savait se montrer souple et accorder des délais à des pays pour réduire leur déficit. "En 2013, neuf pays sur les 17 que compte la zone euro ne respectent pas l'objectif des 3% de déficit", a rappelé Le Figaro.fr. Compte tenu de ce climat, aucun n'a été sanctionné.
Considérés comme l'un des pays d'Europe les plus rigoristes, les Pays-Bas ont décidé d'y mettre un frein. Le 16 avril, le gouvernement "a dû se résoudre à abandonner de nouvelles mesures de réductions des dépenses publiques" en raison "de la dégradation de l’économie néerlandaise", détaille La Croix.com.
En Espagne et au Portugal notamment, les gouvernements ont repoussé le calendrier de redressement des comptes, poursuit le site du quotidien. L'Union européenne pourrait accorder deux années supplémentaires à l'Espagne pour ramener son déficit public à 3% du PIB d'ici à 2016, a indiqué mardi le quotidien espagnol El Pais, cité par Les Echos. Et la France et le Portugal pourraient quant à eux bénéficier d'un délai d'un an.
Des économistes plaident pour une modération des politiques
Le nouveau secrétaire américain au Trésor, Jack Lew, et la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, ont tous deux plaidé récemment pour une modération des mesures d'austérité dans certains pays d'Europe, afin de ne pas aggraver la crise économique. "Ils prêchent à des convertis", avait assuré jeudi le commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires, Olli Rehn.
A l'occasion du G20 de Washington, vendredi, Angel Gurria, le secrétaire général de l'OCDE, a quant à lui tenu un discours similaire au Figaro.fr : "Il faut faire preuve d'une plus grande flexibilité et se donner un à deux ans supplémentaires (...)"
L'austérité comme doctrine décrédibilisée par une bourde
Jeudi, deux économistes de Harvard ont fait leur mea culpa. En 2010, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff ont publié une étude souvent citée par les responsables politiques à travers le monde occidental pour justifier des mesures d'austérité. Seulement voilà, leurs travaux contenaient des erreurs.
Si le "message central" de leur recherche est toujours valide [ils concluaient que la croissance économique ralentissait brutalement quand l'endettement d'un pays dépassait l'équivalent de 90% de son PIB], cette gaffe, repérée par des chercheurs de l'université du Massachussets à Amherst, brouille le message. "Ça fait un peu désordre", avait conclu le Washington Post.
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