: Carte Colère des agriculteurs : un mouvement parti d'une des régions où les exploitants sont les plus pauvres
"Ils se battent pour ne plus être sur la paille", titrait le Journal de Saône-et-Loire , jeudi 25 janvier, alors que la révolte des agriculteurs venait de gagner ce département de Bourgogne-Franche-Comté. La question des revenus est au cœur des revendications du monde paysan depuis les premiers blocages. Le mouvement a d'ailleurs pris racine dans les territoires dans lesquels les agriculteurs sont les plus pauvres, comme le montrent les indicateurs géographiques produits par l'Insee.
Avant de faire tache d'huile un peu partout dans le pays, les blocages se sont d'abord concentrés dans le Sud-Ouest, dans la région Occitanie. Plusieurs centaines d'agriculteurs ont bloqué l'A64, qui relie Toulouse (Haute-Garonne) à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), à partir du jeudi 18 janvier. Le lendemain, dans le journal local, La Dépêche du Midi , les manifestants se plaignaient surtout de leur précarité économique. "Je n'ai jamais été autant dans le rouge. Nous survivons grâce au salaire de ma femme, fonctionnaire", s'indignait un exploitant céréalier. "Mon grand-père et mon père vivaient de leur élevage. Avec mon frère, on doit bosser à côté", racontait un éleveur de bovins à viande, qui complète ses revenus comme maçon.
Ces discours ne sont pas surprenants à la vue de la géographie des différences de niveau de vie entre les agriculteurs dessinée par l'Insee. Plusieurs départements d'Occitanie font en effet partie des plus pauvres de l'Hexagone.
La région compte deux des trois départements dans lesquels les ménages agricoles sont les plus pauvres : la Lozère et l'Ariège, deux territoires où domine l'élevage de bovins à viande, d'ovins et de caprins. Le niveau de vie annuel médian, en dessous duquel vivent moitié des ménages agricoles, est de 17 110 euros en Lozère et de 17 330 euros en Ariège. Des montants sont très faibles en comparaison du niveau de vie médian de l'ensemble des ménages agricoles de France métropolitaine, qui est de 22 210 euros.
Le poids du changement climatique
A cette plus grande fragilité économique des agriculteurs d'Occitanie s'ajoutent également des difficultés liées à la conjoncture. "On est, dans le Sud-Ouest, face à des agriculteurs qui combinent polyculture et élevage, qui dirigent des exploitations familiales fragilisées sur le plan de la main-d’œuvre et par les difficultés de reprise", analyse ainsi le sociologue François Purseigle, interrogé par La Montagne .
Ce spécialiste du milieu agricole prend pour exemple les exploitants, autour de Toulouse, qui ont "joué le jeu" de l'agriculture biologique (l'Occitanie est la région où elle est la plus développée) mais sont "confrontés à des chutes de revenus sans précédent". Il souligne également les conséquences des épisodes de grippe aviaire qui frappent les élevages de canard, nombreux dans la région : "Dans les Landes ou le Gers, les filières du canard gras ou de gavage connaissaient peu de crises et assuraient des revenus un peu constants. Ce n'est plus le cas."
François Purseigle rappelle enfin les effets du réchauffement de la planète, provoqué par les activités humaines, qui ont notamment poussé les vignerons dans les rues à Montpellier (Hérault) et Narbonne (Aude) en novembre dernier, comme le rapportait Le Monde . Ces viticulteurs, aux récoltes grillées par le soleil, réclamaient des mesures d'urgence. "Paradoxalement, c'est aussi le changement climatique qui a conduit à faire descendre ces agriculteurs dans la rue", constate le chercheur.
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