Colère des agriculteurs : le blues des convertis au bio, une des racines de la colère actuelle en Occitanie

Tandis que les agriculteurs attendent les premières annonces du Premier ministre Gabriel Attal afin de sortir de la crise, franceinfo s'est penché sur les raisons de la colère. Reportage dans le Tarn.
Article rédigé par Alain Gastal
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des agriculteurs en colère manifestent à Albi, dans le Tarn, le 23 janvier 2024. (PATRICK BATARD / HANS LUCAS)

"Nous cultivons de l'ail rose de Lautrec, une variété très résistante qu'on peut cultiver en bio. Et puis il y a des légumes plein champ, des poireaux, des carottes, courges butternut...", présente fièrement Gilles, maraîcher dans le Tarn. Comme lui, dans les années 2010, ils ont été nombreux à avoir profité des aides à la conversion pour faire de l'Occitanie, la première région bio de France... avant de déchanter. "Les premières années, il y avait pas mal de demandes, donc on nous a poussé pour cultiver en bio, se souvient Gilles, qui fait partie des agriculteurs en colère qui manifestent. Maintenant, le marché se restreint un petit peu et nous avons des prix qui sont à peu près équivalent au conventionnel, donc beaucoup moins de revenus..."



Ce n’est certes pas la raison principale de la crise agricole, mais c’en est une composante dans la region Occitanie d’où le mouvement est parti. Beaucoup d’agriculteurs qui sont passés à l'agriculture biologique pour retrouver des marges sont déçus quelques années après leur conversion : ils ont changé leur méthode de travail du tout au tout, mais se retrouvent face aux même problème des coûts de revient supérieurs ou égaux au prix de vente, parfois même sans aucune plus value par rapport au conventionnel.

"Vendre des légumes avec des pesticides, ce n'est pas possible"

Ceux qui ont utilisé circuits courts, magasins spécialisés et vente directe s’en sortent un peu mieux. Sauf que depuis l’inflation est passée par là, faisant du bio quasiment un produit de luxe. C'est justement ce que voulait éviter Grégory, éleveur d’agneaux et militant de la confédération paysanne : "Nous, on pourrait augmenter nos prix comme on veut, mais on ne peut pas, du jour au lendemain, dire à nos clients que le kilo de viande va augmenter de 2 euros comme ça, par magie. Donc, on augmente de quelques centimes, voire d'un euro le kilo quand on peut, par-ci par là, mais on ne peut pas répercuter complètement", détaille-t-il.

"Si on augmentait par rapport à l'inflation, nos clients comprendraient pas et n'auraient pas les moyens d'acheter. Ou alors on vend à une élite, mais ce n'est pas notre but."

Grégory, éleveur d'agneaux

à franceinfo

Et s'ils sont déçus  ils sont pourtant peu nombreux à faire le chemin inverse pour revenir au conventionnel. Pour Sandrine, maraîchère, le bio reste plus un choix de vie plus qu’un pari économique."J'habite juste à côté du Tarn et je ne voulais pas polluer l'eau, ni me polluer la vie aussi. Lorsqu'on met des produits, c'est vous aussi qui les prenez en premier. Aller vendre des légumes sur lesquels il y a des pesticides, pour moi, ce n'est pas possible. On habite dans des endroits magnifiques, c'est une de qualité de vie. Et ça, je ne veux pas le lâcher non plus." Si la part de bio continue d’augmenter, toutefois, sa croissance reste très ralentie depuis 2022.

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